Pour une économie contributive généralisée (Bernard Stiegler)

L’économie de la contribution implique que des pans entiers de nos sociétés soient réinventés. Elle concerne tous les domaines. Rappelons que pour les grecs, l’économie οἰκονομία (oikonomia) possède un sens très large. Platon dans La République (IV et VII) et dans Les Lois (IV et VIII) s’intéresse à l’ oikonomia pour construire philosophiquement une figure de l’administration des biens dans la cité idéale.

L’économie platonicienne est la science de la gestion des biens et des personnes dans un état dirigé par un sage doué de tempérance (sôphrosunê) et de justice (dikaiosunê). Marie-José MONDZAIN note : « L’accès aux vertus politiques cardinales passe par l’éducation et nécessite l’exercice de la dialectique conçue comme art du dialogue qui conduit au savoir, la faculté légiférante n’étant autre que le logos, c’est-à-dire la rationalité discursive. » (1)

CINQ DOMAINES D’APPLICATION
POUR L’ÉCONOMIE CONTRIBUTIVE

Bernard STIEGLER a énuméré les besoins essentiels auxquels l’économie contributive peut apporter son concours « une politique éducative en relation avec le numérique, un nouveau droit du travail, un système politique déprofessionnalisé, un monde de la recherche où professionnels et amateurs sont associés ». (2)

Cinq domaines d’application pour les pratiques contributives se trouvent ainsi définis :

  • l’éducation numérique,
  • le droit du travail,
  • la déprofessionnalisation du système politique
  • la pratique de la recherche,
  • l’initiative citoyenne.

Bernard STIEGLER plaide pour la défense de la figure de l’amateur, « qui aime ce qu’il fait et s’y investit complètement. » En ce qui concerne la question de l’argent la valeur produite par les contributeurs n’est pas toujours monétarisable, mais produit un impact sur l’activité économique. « La puissance publique doit être en charge d’assurer la solvabilité des contributeurs. Quelqu’un qui a un projet intéressant doit pouvoir recevoir de l’argent. Cela s’inscrit dans le sillage de thèses classiques comme le revenu minimum d’existence ». Ces budgets qui doivent être pensés comme des investissements. 

RÉFÉRENCES

1. MONDZAIN Marie-José, « Article  : oikonomia [οἰκονομία] » http://robert.bvdep.com/public/vep/Pages_HTML/OIKONOMIA.HTM

Voir le dialogue entre Socrate et Kritoboulos (Critobule).

Socrate. Dis-moi, Kritoboulos, est-ce que l’économie est bien le nom d’un certain genre de science comme la médecine, l’art de forger ou celui du charpentier […]. Donc pourrions-nous dire ce qu’est l’affaire de l’économie.
Kritoboulos. Il me semble que c’est le fait d’un bon économe de bien administrer sa maison.
Socrate. Et la maison d’un autre, si on la lui confiait, ne pourrait-il pas l’administrer comme la sienne propre ? En effet, le charpentier compétent pourrait travailler pour un autre comme pour lui-même. Ainsi celui qui s’y connaît en économie aura la même capacité. […] Donc celui qui connaît cet art, même dépourvu de biens propres, peut toucher un salaire en administrant la maison d’un autre comme il ferait en la bâtissant.

XÉNOPHON, Économique, I, 1-4.

2. STIEGLER Bernard, « Vers une économie de la contribution », Entretien de Quentin NOIRFALISSE avec Bernard Stiegler, 30 novembre 2011, http://owni.fr/2011/11/30/vers-une-economie-de-la-contribution/

Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
Dépôt légal du numérique, BNF 2016

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Les démocraties locales sont-elles ouvertes ou fermées ? Le Sommet mondial de Paris du Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO) des 7, 8 et 9 décembre 2016

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°228, lundi 26 décembre 2016

Bernard MÉRIGOT a reçu les remerciements du Secrétariat général du Somment mondial de Paris du Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO) qui s’est tenu les 7, 8 et 9 décembre 2016 pour sa participation. Il répond à nos questions.

Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO)
Sommet mondial, Paris, 7, 8 et 9 décembre 2016

Question. Qu’est-ce que le « gouvernement ouvert » ?
Bernard MÉRIGOT.
Le gouvernement ouvert (on parle aussi de démocratie ouverte, en anglais : « open government ») est une doctrine d’exercice du pouvoir politique qui vise à améliorer l’efficacité et la responsabilité des modes de gouvernance publique. Elle se fonde sur le principe que tous les citoyens ont le droit d’accéder aux documents et aux procédures de leurs gouvernements et des différentes administrations et services publics. Pour cela elle favorise une transparence et une responsabilisation accrue de toutes les décisions publiques afin de donner aux citoyens les moyens nécessaires pour contrôler, superviser et prendre part aussi bien aux décisions gouvernementales qu’aux décisions locales.

LES TROIS OBJECTIFS
DU « GOUVERNEMENT OUVERT »

Question. Quels en sont ces objectifs ?
Bernard MÉRIGOT.
Les objectifs de cette ouverture de la démocratie sont la transparence, la participation citoyenne, la collaboration.

  • la transparence est le garant de la confiance que les citoyens portent à l’égard de l’exercice des pouvoirs politiques. Par exemple par la publication des données publiques dans le cadre d’une stratégie de données ouvertes, ou par l’utilisation de logiciels libres par l’administration.
  • la participation citoyenne incite le gouvernement à consulter et à écouter les citoyens avant la prise des décisions en mettant en place des dispositifs de concertation et de co-décision avec eux.
  • la collaboration avec les composantes de la société civile réalise pour une meilleure efficacité des modes de gouvernance.

LA THÉORIE DE LA FRAGILITÉ DE LA DÉMOCRATIE
DE FRANÇOIS HOLLANDE

Question. Quels messages peut-on retenir du Sommet mondial de Paris de 2016 ?
Bernard MÉRIGOT.
D’abord une remise en cause de l’évidence du régime démocratique. Le président de la République, en prenant la parole lors de ce sommet mondial, a constaté que nous nous trouvions dans une période où la démocratie apparaissait selon deux aspects : « elle est fragile et on a le sentiment qu’elle est précieuse ». Les deux sentiments manifestent deux inquiétudes différentes. Exemple : je conduis un véhicule automobile sur la route. Première inquiétude : pourvu que l’embrayage ne lâche pas. Seconde inquiétude : comment je vais faire si ma voiture tombe en panne ?

Le président de la République argumente son propos à partir d’une observation : « Ce qui se produit dans le monde à travers des contestations multiples, des extrémismes de toutes formes et parfois même des expressions venant des responsables publics, montre qu’elle n’a rien d’acquise, qu’elle n’est pas installée définitivement. » Il s’agit d’une remise en cause du caractère « naturel » que la démocratie a acquit aujourd’hui en France. La démocratie n’est pas installée définitivement. Il souligne que « La démocratie, c’est un combat, c’est un mouvement qui doit s’entretenir. C’est quand la démocratie croit qu’elle est une évidence qu’elle ne suscite que de l’indifférence. »

LA DÉMOCRATIE DE L’INDIFFÉRENCE

Nous vivons sans nous en rendre compte, dans une forme particulière de la démocratie : la démocratie de l’indifférence. Celle des secrets, de la confiscation du pouvoir, de la méfiance des élus et des administrations à l’égard des citoyens. Et retour, les citoyens se méfient des élus et des administrations. François HOLLANDE déclare :

« Il y a des signes qui nous alertent depuis longtemps : l’abstention aux élections, le retrait civique d’une partie de la jeunesse, la montée des populismes, et le sentiment que la démocratie ne serait pas forcément le système le plus efficace pour préparer l’avenir. Il y a une forme de lassitude dans les démocraties qui sont installées depuis longtemps, depuis deux ou trois siècles, et puis il y a aussi, dans les pays plus émergents, l’idée que la démocratie ne serait pas forcément le point ultime d’aboutissement de leur développement. Et il y a ce qui altère la démocratie : la corruption mais également les manquements aux libertés essentielles, au pluralisme. »

Reprenons la liste des symptômes :

  • abstention aux élections,
  • retrait civique d’une partie de la jeunesse,
  • montée des populismes,
  • sentiment que la démocratie n’est pas forcément le système le plus efficace pour préparer l’avenir,
  • lassitude dans les démocraties installées depuis deux ou trois siècles,
  • idée que la démocratie ne serait pas forcément le point ultime d’aboutissement le développement dans les pays plus émergents,
  • corruption
  • manquements aux libertés essentielles et au pluralisme.
Une démocratie déchirée ? « Il y a une forme de lassitude dans les démocraties qui sont installées depuis longtemps, depuis deux ou trois siècles, et puis il y a aussi, dans les pays plus émergents, l’idée que la démocratie ne serait pas forcément le point ultime d’aboutissement de leur développement. Et il y a ce qui altère la démocratie : la corruption mais également les manquements aux libertés essentielles, au pluralisme. ». François HOLLANDE, président de la République.
©  Photo CAD / BM 2016

LES « INTERVENTIONS CIVIQUES »,
SONT UN MESSAGE D’ESPOIR

Question. Quels peuvent-être les remèdes à la démocratie de l’indifférence ?
Bernard MÉRIGOT.
Ce qui importe, davantage que la nature des remèdes, c’est de savoir qui est susceptible de les administrer au malade. François HOLLANDE ne croit pas que cela puisse être, ni les élus, ni les administrations : il ne les cite pas. En revanche, il mentionne les « interventions civiques » et les « mobilisations citoyennes ». Pour lui, il s’agit de « messages d’espoir ». Ensuite il évoque les « développeurs bénévoles qui mettent à la disposition de leur administration des outils de transparence pour lutter contre la corruption ».

Comment permettre à tous les citoyens de comprendre précisément ce que représente la dépense publique et où elle va ? Le numérique a produit un changement profond dans la relation entre l’État et les citoyens, des outils nouveaux, pour qu’une nouvelle démocratie puisse émerger.

Le président de la République appelle de ses vœux « une démocratie où l’État, les administrations, les collectivités publiques s’ouvrent à toutes les initiatives, associent tous les talents qui souhaitent apporter leur concours, où l’innovation soit partout présente pour améliorer la performance publique mais également la compréhension de l’action de ceux qui ont reçu mandat des peuples pour prendre des décisions. »

« Une démocratie qui garantit que les gouvernements, les élus, les responsables sont bien au seul service de l’intérêt général ; qu’ils sont intègres, responsables, qu’ils rendent des comptes, que l’on puisse évaluer leur action et qu’ils puissent ensuite avoir la fierté de pouvoir dire la trace qu’ils ont pu laisser et les engagements qu’ils ont pu tenir. Une démocratie, qui suscite la confiance et qui écarte donc l’indifférence et la défiance. »

« Cet engagement pour une démocratie plus transparente, plus ouverte, plus participative fait partie de ce que doit être un engagement pour la politique, pour lui donner toutes ses ambitions, pour lui donner aussi toute sa fierté, pour la réhabiliter aux yeux de nos concitoyens, pour montrer qu’elle est un engagement et qu’elle n’est pas simplement une promotion.»

Il y a une phrase sur laquelle il faut s’arrêter « une démocratie qui n’est pas simplement une promotion ». Il est vrai que le citoyen, victime de l’indifférence de nombre d’élus et de fonctionnaires, est un sentiment que l’exercice des fonctions exécutives au sein des machines du pouvoir, placent ses acteurs non pas au niveau des contribuables, des usagers, des habitants mais au-dessus d’eux. Les pratiques qui relèvent de la violence symbolique volontaire ne sont plus tolérables.

SCÉNARIO CATASTROPHE POUR LA DÉMOCRATIE

« Si la démocratie n’est pas renouvelée, si elle n’est pas revisitée, si elle n’est pas appropriée par les citoyens eux-mêmes, son dépérissement est possible et sa contestation ne finira pas de monter. »

« Les populistes s’empareront de tout ce qui fait frustration, colère ou insatisfaction. Ils joueront même avec les réseaux sociaux et le numérique pour diffuser de la fausse information, pour essayer de rendre équivalentes les opinions, pour contester celles et ceux qui sont issus du suffrage universel, pour considérer qu’il y a en réalité un autre système que celui qui donne au peuple les moyens de se faire entendre.»

LE RENVERSEMENT HOLLANDAIS

Il existe un renversement hollandais de la gouvernance. « Ce que nous devons faire, ce n’est pas défendre la démocratie comme si elle était attaquée et nous barricader derrière nos institutions, c’est tout le contraire : nous devons nous ouvrir, nous devons être transparents, nous devons montrer que nous sommes accueillants à toutes les initiatives, que les administrations, les États n’ont rien à craindre des citoyens et les citoyens ont tout à espérer des États dès lors qu’ils les respectent. »

Question. A la veille de l’ouverture du Sommet mondial, plusieurs associations dans un texte commun intitulé « Le gouvernement ouvert à la française, un leurre ? Bilan du gouvernement ouvert à la française ». (3) Il est co-signé par les associations et collectifs : April, BLOOM, DemocracyOS France, Fais ta loi, Framasoft, La Quadrature du Net, Ligue des Droits de l’Homme, Regards Citoyens, République citoyenne, SavoirsCom1. Elles dénoncent les contradictions du gouvernement à l’égard du « gouvernement ouvert ». Certaines n’y ont pas assisté. Qu’en pensez-vous ?
Bernard MÉRIGOT.
Il est évident que la démarche du Partenariat pour un gouvernement ouvert se situe sur une ligne de tension entre les pouvoirs en place et les attentes citoyennes, qu’elles soient individuelles ou collectives. Il y a plusieurs marches qui séparent les déclarations politiques et les pratiques auxquelles les citoyens sont confrontés. Il est normal que des contributions, des observations, des réserves et des critiques s’expriment. Si les pratiques doivent être analysées, il en est de même pour les discours du pouvoir. On ne peut pas réserver un sort différent aux unes (les pratiques) et pas aux autres (les discours).

Question. Si on vous objecte que les propos tenus par François HOLLANDE, qui est socialiste, n’engagent que lui, que répondez-vous ?
Bernard MÉRIGOT.
Cette question est fondée sur une erreur d’appréciation. Lorsqu’un chef d’État prend la parole dans un sommet mondial, il n’intervient pas en tant que personne politique partisane, mais en tant que Président de la République. Il engage l’État tout entier. Son propos s’impose à tous. Et d’autres candidats aux prochaines élections présidentielles françaises ne sauraient dire le contraire de ce que François HOLLANDE a énoncé :  la démocratie ne se porte très bien.

Ce qu’il faut retenir, c’est que le 7 décembre 2016, lors du Sommet mondial de Paris du Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO), le président de la République française a livré un diagnostic sur la situation de la démocratie, sur ses maladies, sur leurs causes, sur les moyens pour remédier à ce qui altère sa bonne santé. Il a pris des engagements, devant le monde entier. Cela ne saurait être ni passé sous silence, ni caricaturé.

François HOLLANDE a été élu en 2012 pour un mandat de cinq ans (2012- 2017). Le décembre 2016 il a annoncé qu’il ne se présenterait pas à l’élection présidentielle de 2017. Il se trouve dans la situation d’un président élu, exerçant le pouvoir pour six mois et dont le mandat prendra fin, de façon certaine, en juin 2017. Il jouit d’une liberté de parole inédite. En fait-il usage ? Pour ma part je remarque qu’il a entrouvert quelques portes. A d’autres de les ouvrir complétement.

Open Government Partnership, Paris, 2016
«Déclaration de Paris», 4e Sommet mondial du Partenariat pour un gouvernement ouvert.

DOCUMENT n°1

Mail adressé par le Secrétariat général du Somment mondial de Paris du Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO) le 23 décembre 2016 à Bernard MÉRIGOT, Président de Mieux Aborder L’Avenir (MALA).

Au nom de l’ensemble du Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, de la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État et de la mission Etalab, nous tenons à vous remercier pour votre participation au Sommet mondial du Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO), qui s’est tenu du 7 au 9 décembre 2016 à Paris.
Cette rencontre inédite des acteurs de l’innovation démocratique du monde entier a été un succès : près de 4000 participants, 140 nationalités représentées, plus de 300 événements. Cette énergie n’aurait pas été possible sans votre engagement dans la préparation de cet événement et votre présence pendant ces trois jours.
Ce Sommet a permis d’enregistrer des réalisations concrètes :
  • 10 nouveaux pays ont rejoint ou exprimé l’intention de rejoindre le Partenariat pour un gouvernement ouvert. En tant que co-présidente du PGO, la France s’attachera à accompagner l’adhésion de plusieurs membres, notamment les pays francophones ;
  • Au sein de la Déclaration de Paris, la France a annoncé sa contribution à 14 actions collectives, englobant des enjeux allant de la transparence de la commande publique au partage de ressources numériques. Ces actions se déclineront sans doute au sein du plan d’action national 2017-2019, dont l’élaboration et la mise en œuvre associeront une communauté élargie d’administrations et de représentants de la société civile ;
  • Une plateforme numérique d’outils et services du gouvernement ouvert a été mise en ligne et enrichie par une communauté mondiale de développeurs et d’innovateurs. Cette plateforme permet de relier directement des engagements d’ouverture avec des outils de mise en œuvre.
Nous vous adressons nos meilleurs vœux pour les fêtes de fin d’année et vous donnons rendez-vous en 2017 pour prolonger nos actions.
Laure de la Bretèche
Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP)
Henri Verdier

Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État (DINSIC)
Laure Lucchesi

Etalab

DOCUMENT n°2

Sommet mondial du Partenariat pour un gouvernement ouvert
Discours de François HOLLANDE
Président de la République
Mercredi 7 décembre 2016

Mesdames, Messieurs les Chefs d’État, de gouvernement,
Mesdames, Messieurs les représentants de nombreux pays qui se sont associés à ce sommet pour le gouvernement ouvert,
Mesdames, Messieurs les Élus, les citoyens organisés – ou pas – qui se sont engagés,
Cher Manish BAPNA, qui co-organise avec nous ce sommet.
Je suis heureux de vous accueillir ici, à Paris, pour cet événement international. Je rappelle qu’il avait été lancé par Barack OBAMA – c’est pourquoi il sera émouvant et utile de l’entendre quand il s’exprimera devant vous.
Mais en même temps, ce sommet vient après d’autres qui ont pu ouvrir d’autres champs pour la participation civique et pour donner aux citoyens davantage de moyens de faire entendre leur voix ou même de changer la décision publique. Ces sommets ont également fait pression sur les gouvernements pour qu’ils soient plus ouverts sans doute, plus transparents sûrement et, en même temps, plus contestés chaque fois qu’ils pouvaient mettre en cause un certain nombre de relations entre les États et les citoyens.
Ce sommet se tient dans un contexte particulier. Je ne parle pas simplement de la situation dans le monde, des conflits, des crises, du terrorisme. Je parle de ce qui peut menacer la démocratie elle-même. Dans cette période où la démocratie nous paraît fragile et pourtant si précieuse. Ce qui se produit dans le monde à travers des contestations multiples, des extrémismes de toutes formes et parfois même des expressions venant des responsables publics, montre qu’elle n’a rien d’acquise, qu’elle n’est pas installée définitivement.
La démocratie, c’est un combat, c’est un mouvement qui doit s’entretenir. C’est quand la démocratie croit qu’elle est une évidence qu’elle ne suscite que de l’indifférence.
Il y a des signes qui nous alertent depuis longtemps : l’abstention aux élections, le retrait civique d’une partie de la jeunesse, la montée des populismes, et le sentiment que la démocratie ne serait pas forcément le système le plus efficace pour préparer l’avenir. Il y a une forme de lassitude dans les démocraties qui sont installées depuis longtemps, depuis deux ou trois siècles, et puis il y a aussi, dans les pays plus émergents, l’idée que la démocratie ne serait pas forcément le point ultime d’aboutissement de leur développement. Et il y a ce qui altère la démocratie : la corruption mais également les manquements aux libertés essentielles, au pluralisme.
A côté de ce risque d’une démocratie qui pourrait être atteinte dans ses fondements, il y a aussi des messages d’espoir, il y a aussi des interventions civiques, il y a aussi des mobilisations citoyennes et c’est ce que vous représentez ici. Au-delà des chefs d’État et de gouvernement et des ministres qui sont là – que je salue -, il y a des citoyens, des innovateurs, des organisations non gouvernementales, des élus qui se mobilisent pour approfondir et réinventer notre démocratie, et pour que les aspirations des citoyens puissent se faire entendre.
Nous avons aussi des preuves de ce que la mobilisation et la participation civique peuvent donner comme changement : des médias qui mettent à jour des documents révélant une évasion fiscale mondialisée et qui permettent ainsi aux chefs d’État et de gouvernement, dans les organisations internationales, de prendre des mesures pour lutter contre la fraude fiscale ou contre l’optimisation fiscale. Sans ces médias-là, sans ces lanceurs d’alerte, qui peut savoir s’il y aurait eu la pression nécessaire ?
Il y a également des développeurs bénévoles qui mettent à la disposition de leur administration des outils de transparence pour lutter contre la corruption. Il y a des villes, ici, à Paris, mais bien d’autres dans le monde, qui associent directement les habitants à la gestion concrète d’une partie du budget. Il y a des citoyens en Amérique latine, en Europe, en Asie, partout qui sont associés à la fabrique de la loi. Il y a des développeurs qui créent des applications pour permettre à tous les citoyens de comprendre précisément ce que représente la dépense publique et où elle va.
C’est de toutes ces expériences dont nous voulons parler. Ce que le numérique a considérablement fait changer, ce que la digitalisation de nos sociétés a permis comme expression et comme changement profond dans la relation entre l’État et les citoyens.
Vous êtes venus ici, à Paris, pour échanger, dialoguer, construire de nouvelles coalitions, proposer des outils nouveaux, pour que la relation entre les pouvoirs publics et les citoyens puisse être changée, pour qu’une nouvelle démocratie puisse émerger.
Une démocratie où l’État, les administrations, les collectivités publiques s’ouvrent à toutes les initiatives, associent tous les talents qui souhaitent apporter leur concours, où l’innovation soit partout présente pour améliorer la performance publique mais également la compréhension de l’action de ceux qui ont reçu mandat des peuples pour prendre des décisions.
Une démocratie qui garantit que les gouvernements, les élus, les responsables sont bien au seul service de l’intérêt général ; qu’ils sont intègres, responsables, qu’ils rendent des comptes, que l’on puisse évaluer leur action et qu’ils puissent ensuite avoir la fierté de pouvoir dire la trace qu’ils ont pu laisser et les engagements qu’ils ont pu tenir. Une démocratie, qui suscite la confiance et qui écarte donc l’indifférence et la défiance.
C’est pour fédérer, soutenir toutes celles et tous ceux qui partagent cette vision, pour aller encore plus loin, que le Partenariat pour un gouvernement ouvert a été créé, pour mettre en commun toutes les expériences de nos sociétés. Depuis 2011, bien du chemin a été parcouru : le Partenariat est passé en moins de cinq ans de 8 à 70 pays, il a permis à des dizaines de gouvernements de collaborer avec leur société, il y a eu 2 500 engagements qui ont pu être portés dans 135 plans d’action. Nous ne sommes pas rassemblés simplement pour évoquer ce qu’il faudrait faire, nous sommes déjà là pour évaluer ce qui a été fait.
J’ai voulu d’ailleurs, dès 2012, dès mon entrée en fonction, mettre la France dans ce mouvement pour qu’elle puisse elle aussi apporter sa contribution et montrer de l’exemplarité pour la transparence, pour la participation citoyenne, pour la probité de ses dirigeants, pour l’ouverture de l’administration, pour le partage des données. Pour que la France puisse être là encore, autant qu’il est possible, d’avant-garde.
Ainsi, l’ouverture des données publiques est devenue un principe, elle concerne tous les secteurs de l’action gouvernementale. Une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a été créée. 14 000 élus et agents publics doivent communiquer leur déclaration de patrimoine et d’intérêt, celles des parlementaires sont publiées et des règles déontologiques ont pu être fixées et soumises au respect le plus scrupuleux.
Nous avons également adopté une loi qui protège les lanceurs d’alerte, qui encadre les groupes de pression, qui crée un répertoire public et qui institue une agence anticorruption – elle verra le jour au début de l’année prochaine.
Cet engagement pour une démocratie plus transparente, plus ouverte, plus participative fait partie de ce que doit être un engagement pour la politique, pour lui donner toutes ses ambitions, pour lui donner aussi toute sa fierté, pour la réhabiliter aux yeux de nos concitoyens, pour montrer qu’elle est un engagement et qu’elle n’est pas simplement une promotion. Mais nous devons collectivement aller plus loin. C’est le sens du sommet de Paris.
J’ai, pour ma part, trois ambitions en vous accueillant aujourd’hui.
La première, c’est d’élargir notre communauté. Depuis 2011, chaque sommet a vu de nombreux membres rejoindre le Partenariat. Nous serons là encore attentifs à toutes les initiatives qui permettront d’ajouter de nouveaux pays : je pense au Portugal, au Maroc, au Pakistan, au Burkina Faso, à la Jamaïque, au Luxembourg, à l’Allemagne. Les dirigeants de Guinée et d’Haïti ont aussi fait connaître leur intention. Nous voulons que ce processus puisse concerner tous les pays, quel que soit leur niveau de développement, tous les continents et qu’il puisse également être ouvert aux régions, aux collectivités territoriales, aux villes – et je salue celles qui sont parmi nous.
Ma deuxième priorité, c’est que nous puissions renouveler notre pacte commun. C’est le sens de la Déclaration qui sera publiée à l’issue de ce sommet. Elle reconnaît qu’au cours des cinq ans à venir, notre Partenariat devra être évalué en fonction de notre capacité à produire des réformes qui se concrétisent effectivement dans la vie de nos concitoyens. Chacun devra produire des plans d’action nationaux.
Nous aurons aussi à lancer de nouvelles alliances entre les acteurs publics et la société civile pour faire progresser dans chacun de nos pays la participation des citoyens et l’aptitude de l’administration à rendre des comptes et à être évaluée, également sa rapidité pour transposer, traduire concrètement dans la vie de tous les jours ce qui est décidé par la loi. Nous avons aussi l’ambition d’élargir l’enjeu de la transparence en la mettant au service du développement durable et de la lutte contre le changement climatique.
Il y a un an, ici, à Paris, dans un autre contexte qui était lourd à cause des attaques terroristes dont mon pays avait été la cible, nous réunissions la COP21 et nous concluions un Accord historique pour l’avenir de la planète. Les engagements qui ont été pris l’année dernière doivent également être évalués : savoir si les fonds promis seront effectivement dégagés, et évaluer les plans, les contributions nationales qui ont été proposées par chacun des pays. Il y a un lien direct entre la conférence de Paris sur le climat et ce sommet pour le gouvernement ouvert. C’est ce sommet pour le gouvernement ouvert qui va permettre là aussi de pouvoir être sûr que ce qui a été déclaré à Paris, ratifié par les pays de la communauté internationale, qui est devenu donc maintenant un engagement, un droit international, puisse être effectivement vérifié et contrôlé.
La Déclaration de Paris affirmera aussi le principe de partage des biens communs numériques afin que la technologie qui permet de faire circuler l’information soit au service de tous et ne soit la propriété exclusive d’aucun intérêt ou d’aucun monopole, qu’il soit privé ou étatique. Nous avons insisté sur l’enjeu du numérique, sur la digitalisation qui est à la fois la forme d’expression, d’intervention, de participation, d’innovation, d’invention, d’imagination mais qui peut être aussi capté par des forces, par des intérêts. Nous devons affirmer ici le partage des biens commun.
Voilà la feuille de route qui devra être fixée par notre sommet et qui nous conduira ensuite à agir concrètement avec toutes les forces vives de la démocratie.
Nous devons enfin, comme nous l’avons fait l’année dernière, envisager des alliances, des initiatives concrètes qui pourront rassembler plusieurs pays : ceux qui voudront aller plus loin en matière de transparence, d’ouverture ou de participation démocratique, qui voudront publier en format ouvert les données de la commande publique, constituer des registres des entreprises, utiliser les données pour mieux lutter contre la corruption, améliorer encore le principe de consultation des citoyens, faire qu’il puisse y avoir sur l’environnement l’utilisation de toutes les données climatiques. Là encore, nous pouvons proposer un agenda des solutions.
Mesdames et Messieurs, voilà ce qu’est notre responsabilité aujourd’hui. Il y a une centaine de pays ici représentés, des milliers d’innovateurs qui se sont mobilisés autour de vous pour que notre organisation puisse être plus forte encore et nous interpeller davantage.
Nous sommes conscients de la responsabilité qui est la nôtre parce que c’est l’enjeu de la démocratie. Si la démocratie n’est pas renouvelée, si elle n’est pas revisitée, si elle n’est pas appropriée par les citoyens eux-mêmes, son dépérissement est possible et sa contestation ne finira pas de monter. Les populistes s’empareront de tout ce qui fait frustration, colère ou insatisfaction. Ils joueront même avec les réseaux sociaux et le numérique pour diffuser de la fausse information, pour essayer de rendre équivalentes les opinions, pour contester celles et ceux qui sont issus du suffrage universel, pour considérer qu’il y a en réalité un autre système que celui qui donne au peuple les moyens de se faire entendre.
Voilà pourquoi notre réunion n’est pas simplement pour échanger des bonnes pratiques, pour susciter des expériences, pour évaluer ce que nous avons pu définir dans chacun de nos pays. Notre responsabilité est bien plus grande. Ce que nous devons faire, ce n’est pas défendre la démocratie comme si elle était attaquée et nous barricader derrière nos institutions, c’est tout le contraire : nous devons nous ouvrir, nous devons être transparents, nous devons montrer que nous sommes accueillants à toutes les initiatives, que les administrations, les États n’ont rien à craindre des citoyens et les citoyens ont tout à espérer des États dès lors qu’ils les respectent.
Ce que nous avons à faire, c’est que les citoyens aient envie de la démocratie et que la démocratie laisse toute leur place aux citoyens. Voilà l’enjeu de ce sommet. Merci.
RÉFÉRENCE
HOLLANDE François,
« Discours du Président de la République au Sommet mondial du Partenariat pour un gouvernement ouvert, Salle Pleyel, mercredi 7 décembre 2016, Présidence de la République, Service de presse. http://www.opengovpartnership.org/blog/françois-hollande/2016/12/07/discours-du-president-de-la-republique-sommet-mondial-du

RÉFÉRENCES

1. Laure de la Bretèche (Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, SGMAP), Henri Verdier (Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État, DINSIC), Laure Lucchesi  (Etalab), «Mail en date du 23 décembre 2016 adressé à Bernard MÉRIGOT»,  Président de Mieux Aborder L’Avenir (MALA).

2. HOLLANDE François, « Discours du Président de la République au Sommet mondial du Partenariat pour un gouvernement ouvert, Salle Pleyel, mercredi 7 décembre 2016, Présidence de la République, Service de presse. http://www.opengovpartnership.org/blog/françois-hollande/2016/12/07/discours-du-president-de-la-republique-sommet-mondial-du

3. COLLECTIF, « Le gouvernement ouvert à la française, un leurre ? », Bilan du gouvernement ouvert à la française, co-signé par les associations et collectifs  April, BLOOM, DemocracyOS France, Fais ta loi, Framasoft, La Quadrature du Net, Ligue des Droits de l’Homme, Regards Citoyens, République citoyenne, SavoirsCom1, Décembre 2016, 9 p. http://www.20161205-article-pgo.pdf

4. Open Government Partnership, «Déclaration de Paris», 4e Sommet mondial du Partenariat pour un gouvernement ouvert, 9 décembre 2016.

Ressources

  • Galerie multimédia (vidéos et photos) : https://fr.ogpsummit.org/media-gallery/
  • Déclaration de Paris et actions collectives: https://fr.ogpsummit.org/paris-declaration.
  • OGP Toolbox : https://fr.ogpsummit.org/the-open-government-toolbox/

Etalab est un service public créé en 2011. Il est chargé de conduire la politique d’ouverture et de partage des données publiques du gouvernement français, de coordonner l’action du gouvernement en vue du gouvernement ouvert et de la mise en œuvre des fonctions attribuées à l’administrateur général des données.
Etalab développe et maintient le portail des données ouvertes du gouvernement français data.gouv.fr. Depuis septembre 2015, la mission Etalab est rattachée à la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État (DINSIC) au sein du Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP).

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°228, 26 décembre 2016

Mention du présent article : http//www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
BNF. Dépôt légal du numérique, 2016

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In Memoriam. Pierre Loyaux (1927-2016)

Nous venons d’apprendre ce jour de Noël, le décès de Pierre LOYAUX, ancien conseiller municipal de Savigny-sur-Orge. Ses obsèques auront lieu le mercredi 28 décembre 2016 à 14 h 30 l’Église Saint-Thèrèse à Savigny-sur-Orge.
C’est l’occasion de rendre hommage à son engagement tant associatif que municipal (1) dans la commune, notamment depuis les années 1980, aux cotés d’André SÉRON.

Sur le bord de la rivière Yvette qui traverse le quartier de Grand-Vaux à Savigny-sur-Orge.
De gauche à droite, :
Bernard MÉRIGOT,  maire adjoint, vice-président du Syndicat intercommunal pour l’aménagement hydraulique de l’Yvette (SIAHVY),
Jean MARSAUDON, député-maire,
Pierre LOYAUX
, conseiller municipal, délégué au SIAHVY.
Juin 1996.
Publication éditée par le SIAHVY, 1996.

DOCUMENT

L’ancien conseiller municipal Pierre LOYAUX est décédé

Pierre LOYAUX est mort. Il avait 89 ans. En ce jour de Noël où je l’apprends, je pense surtout à Annette, sa femme et à tous ses proches, pour qui l’absence de Pierre doit particulièrement se faire ressentir avec les fêtes. Je regrette aussi de ne pas avoir pu « plus me réconcilier » avec Pierre car la politique nous avait fâchés. Il m’avait cependant encouragé lors de notre dernière rencontre peu après les départementales de mars 2015.
Je me rappelle d’un jour de fin janvier 2015 où il m’avait à peu près dit (je ne suis plus certain de tous les mots), après la parution de mes vœux aux Saviniens, que j’étais « complètement con, que je divisais la droite et que j’allais la faire perdre ». Puis la campagne avait passée, la droite était repassée et il m’avait pris par l’épaule et dit « c’est bien ce que tu fais ». Ce seront les dernières paroles qu’il m’aura adressées, et la dernière fois que je le voyais, à une commémoration.
Avec Pierre, nos principaux échanges avaient lieu avant ou après ces cérémonies, quoique je le voyais aussi presque tous les dimanches à l’église sainte-Thérèse. Il était aussi un des fidèles du public des conseils municipaux, quoiqu’il m’avait avoué un jour où je reprochais à Laurence SPICHER de mettre les conseils tôt dans la journée qu’il ne viendrait pas si c’était en soirée, car c’était top tard. Et en effet, il ne venait plus quand Éric MEHLHORN les avait passés à 20 h 30. L’âge aussi…
Conseiller municipal de la majorité de Jean MARSAUDON de 1995 à 2008, délégué au SIAHVY notamment, il m’avait expliqué avoir attendu sa retraite pour rentrer au Conseil municipal car sa vie professionnelle n’avait que trop empiété sur sa vie de famille. Il me racontait que son travail l’amenait à beaucoup voyager, notamment en Allemagne, et qu’ils n’étaient pas rares les soirs où il appelait sa femme pour lui dire qu’il serait très en retard pour diner. Le regrettait-il ?
Pierre était un homme d’engagements. Membre actif d’Agir pour Savigny, au rôle sûrement sous-estimé, fidèle distributeur du journal paroissial Grain d’Orge dans son quartier, lui-même ne supportait pas les gens inactifs, et je me rappelle aussi d’échanges assez vifs au travers desquels il me disait ne pas comprendre que les élus municipaux ne soient pas aussi engagés que ce que lui avait pu l’être, et notamment pas assez présents aux différentes commémorations…
C’est encore à cette période de début 2015 que j’ai cessé de le voir, non pas sans penser à lui chaque fois que je passais rue Mistral, notamment lorsque je voyais accroché à la grille devant chez lui un tout petit sac poubelle bleu le jour du ramassage. Je garderai donc ce regret de n’avoir pas pu reprendre nos conversations, que tout se soit arrêté brutalement, et finalement que la politique nous ait éloigné sur la fin car il est un homme que j’estimais profondément.
Je vous renvoie à l’hommage rendu par Bernard MÉRIGOT sur son site internet.
RÉFÉRENCE
VAGNEUX Olivier, « L’ancien conseiller municipal Pierre LOYAUX est décédé », oliviervagneux.wordpress.com, 25 décembre 2016. https://oliviervagneux.wordpress.com/2016/12/25/lancien-conseiller-municipal-pierre-loyaux-est-decede/

RÉFÉRENCES
1. Pierre LOYAUX (1927-2016). Conseiller municipal de Savigny-sur-Orge. Mandats 1995-2001 et  2001-2008.
2. VAGNEUX Olivier,
« L’ancien conseiller municipal Pierre LOYAUX est décédé », oliviervagneux.wordpress.com, 25 décembre 2016. https://oliviervagneux.wordpress.com/2016/12/25/lancien-conseiller-municipal-pierre-loyaux-est-decede/

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ISSN 2261-1819
Dépôt légal du numérique, BNF 2016

 

 

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Politique étrangère de la France : une vision stratégique inquiète (Assises nationales de la recherche stratégique, CSFRS)

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°227, lundi 19 décembre 2016

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LA REVANCHE DE L’HISTOIRE ET DE LA GÉOGRAPHIE

Les VIIe  Assises Nationale de la Recherche Stratégique, saison 2016 ont pour thème le Monde fragmenté.
La mondialisation, l’intégration par les échanges, la circulation des personnes, des services et des biens, les tendances à l’uniformisation culturelle ont pu faire croire à une convergence vers l’unité du monde et à la construction d’une « communauté internationale ». Certains avaient prophétisé la fin de l’histoire, d’autres encore entrevoyaient que la planète deviendrait plate grâce à l’abolition des barrières physiques et mentales que devait permettre la diffusion universelle des technologies d’information et de communication. La société internationale devait ainsi se structurer non pas autour des états, des puissances et des rapports de force, mais trouver son unité dans l’instantanéité et l’universalité des échanges interpersonnels.
L’Europe, construite sur le droit et sur la culture du compromis, apparaissait comme la pointe avancée de ce mouvement. Elle avait aboli la violence comme instrument de règlement des différends entre états et au sein des états, montrant ainsi l’exemple au reste du monde. Mais l’expérience des guerres balkaniques, la situation en Ukraine, ont démontré que cette force stabilisatrice peine à peser sur sa propre périphérie. Et l’Union Européenne se trouve désormais confrontée à la remise en cause de sa propre cohésion interne, sous l’effet de la crise économique, de la fatigue des opinions vis-à-vis des ambitions intégratrices, et des menaces, dans la suite des crises migratoires, sur ce qui est l’une des manifestations les plus fortes d’unité, Schengen et la libre circulation des personnes. Le vote du peuple britannique a en outre affaibli le postulat d’irréversibilité de la construction européenne et ouvert une période d’incertitude  sur la relation du Royaume-Uni avec l’Europe, mais aussi une interrogation sur l’effet en retour du choix britannique sur les équilibres internes de l’Union. Les Assises se pencheront donc tout d’abord, et tout naturellement, sur les fragmentations de l’Europe, l’espace immédiat de notre avenir.
Plus globalement, le jeu des puissances se ranime avec autant, voire davantage de vigueur qu’au temps de la Guerre Froide où les acteurs avaient pu paradoxalement trouver les moyens de préserver une relative stabilité. Le pivot central restait figé mais les tensions avaient  leur exutoire dans les conflits périphériques. La question se pose désormais de savoir si des  puissances verront dans les crises actuelles des opportunités à exploiter pour restaurer un statu quo antérieur, ou pour en créer un nouveau. Nos sociétés pacifiques sont en outre confrontées non seulement à ce retour des jeux de puissance mais aussi à la diffusion du terrorisme en leur cœur. Cela sera-t-il un facteur d’influence des mouvements géopolitiques d’ensemble ou cela restera –t-il une menace, certes gravissime, pour les citoyens mais qui n’altèrera pas les équilibres –ou les déséquilibres- fondamentaux du système international ? Les Assises s’interrogeront ainsi sur les fragmentations géopolitiques globales, où se joue cette tectonique des puissances.
Au Moyen-Orient, les dynamiques de fragmentation internes à la région et aux pays semblent s’emballer et entrer en résonance avec le jeu des puissances. Les ambitions de prises de distance et de réalignement des intérêts des États-Unis dans la région se sont heurtées à sa centralité persistante. Et si l’on ne distingue plus très bien ce qui alimente la dynamique d’évolution des crises de la région, du jeu des acteurs extérieurs ou les facteurs propres à ces pays et sociétés, l’on voit bien que son évolution reste un élément central de celle des équilibres globaux. Les Assises se pencheront ainsi  sur les fractures du Moyen-Orient.
Le moment est venu de repenser le monde en retrouvant ses racines et comprenant ses dynamiques. Pour éviter que la fragmentation devienne explosion.
Alain BAUER
Professeur de criminologie au Conservatoire National des Arts et Métiers, Shanghai, New York et Beijing
Président du Conseil Supérieur de la Formation et de la Recherche Stratégiques
Olivier CARON
Directeur Général du CSFRS
RÉFÉRENCES
BAUER Alain et CARON Olivier,
« La revanche de l’histoire et de la géographie », Un monde fragmenté. Les forces centrifuges de la globalisation, VIIe Assises nationales de la recherche stratégique, 15 décembre 2016, Paris École militaire. https://www.csfrs.fr/missions/assises/VII2016

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°227, lundi 19 décembre 2016

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ISSN 2261-1819
BNF. Dépôt légal du numérique, 2016

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Regard des sciences humaines sur les conditions de l’exilé (Alexis Nouss)

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°225, 5 décembre 2016

Étranger, dont la voile a si longtemps longé nos côtes
(et l’on entend parfois de nuit le cri de tes poulies)
Nous diras-tu quel est ton mal,
et qui te porte, un soir de plus grande tiédeur,
à prendre pied parmi nous sur la terre coutumière?

Saint-John Perse, Amers (1957), Oeuvres complètes, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1972, p. 321.

Littexil, 1er Salon des littératures et de la migration organisé par le Collège d’études mondiales, la Fondation Maison des Sciences de l’homme, et le Musée national d’histoire de l’immigration, Péniche Antipode, 55 quai de Seine, Paris, 11 décembre 2016 Affiche

UN HABITANT DE LA PLANÈTE SUR SEPT EST UN EXILÉ

Le phénomène migratoire est aujourd’hui globalement en augmentation dans le monde. En 2016 on estime à un milliard le nombre de personnes exilées, soit un habitant de la planète sur sept. Sans compter les exiles à l’intérieur de leur propre pays : la Syrie compte à l’intérieur de ses frontières 6 millions de déplacés sur une population totale de 23 millions d’habitants, soit un quart des habitants qui ont du quitter leur domicile et fuir loin de leur région de naissance, de famille, de travail.

Il existe des cartographies menaçantes qui représentent l’Europe cernée par des flux migratoires convergents, symbolisés par des flèches de différentes épaisseurs provenant d’Afrique ou du Moyen-Orient. Elles représentent des colonnes de populations appauvries, persécutées et misérables, prêtes à fondre sur le vieux continent.

DU « DROIT D’ASILE» AU « DROIT D’EXIL »

La figure de l’exilé est devenue un type humain universel. Nombre d’écrivains et d’artistes ont vécu cette condition. Jusqu’à présent seule la littérature ou la philosophie lui accordait – en quelque sorte – un « droit d’asile » à savoir une véritable reconnaissance, la plupart du temps, durement obtenue par les intéressés.

Aujourd’hui, les sciences humaines et les sciences sociales s’intéressent au sort des exilés, le plus souvent sous l’angle de l’intégration ou bien dans une perspective historique. Un domaine de recherche spécifique se développe en milieu anglophone, les « exile studies ». En France, Alexis NOUSS plaide pour que le phénomène migratoire – incontrôlable et disséminé – ne soit plus relégué dans l’invisibilité, dans l’indifférence, et dans l’instrumentalisation. Face à la réalité massive que nous connaissons il convient d’intégrer l’exil dans une définition renouvelée des droits humains. Et en lieu et place du droit d’asile qui s’avère défaillant, il propose d’établir les fondements d’un droit d’exil. (1)

Pour Alexis NOUSS, l’exiliance est « un noyau existentiel commun à toutes les expériences exiliques, du poète banni au réfugié, de l’apatride au sans-papier ». Il distingue trois types de vécu exilique :

  • sociologique, en s’aidant sur l’histoire et la géographie,
  • métaphysique, en s’aidant de la religion et toutes les formes de spiritualité,
  • existentiel enfin.

Il précise qu’il s’agit d’un sentiment complexe et exigeant : « une étrangeté au milieu environnant, un âpre étonnement devant les faits et les gestes du quotidien, la tentation du mutisme comme devant une langue inconnue. » (2)

Littexil, 1er Salon des littératures et de la migration organisé par le Collège d’études mondiales, la Fondation Maison des Sciences de l’homme, et le Musée national d’histoire de l’immigration, Péniche Antipode, 55 quai de Seine, Paris, 11 décembre 2016 Dessin original de l’affiche. © Béa N.

DOCUMENT

LITTEXIL 1er Salon des littératures et de la migration Exposition, tables rondes, vente de livres Dimanche 11 décembre 2016

1er Salon des littératures et de la migration organisé par Collège d’études mondiales, la Fondation Maison des Sciences de l’homme, et le Musée national d’histoire de l’immigration, Péniche Antipode, 55 quai de Seine, Paris, (3)
Parce que, de l’Ulysse d’Homère à celui de Joyce, l’histoire de la littérature ne cesse de raconter l’exil. Parce que, depuis Ovide, Dante et Victor Hugo, l’histoire de la littérature est peuplée d’auteurs exilés. Parce que les migrants d’aujourd’hui doivent produire des récits afin d’obtenir refuge et des témoignages afin d’exister, Il importe de dédier un espace consacré à l’expression littéraire comme dispositif autre d’appréhension et de compréhension des mouvements migratoires. Alexis NOUSS
  • Migrations : lorsque les sciences humaines prennent les chemins de la création. Table ronde avec Michel Agier (anthropologue), Jérémy Beschon (metteur en scène), Laetitia Tura (cinéaste), Tassadit Yacine (anthropologue). Modération : Marie Poinsot, responsable du département Editions au Musée national de l’histoire de l’immigration
  • Dire l’exil au féminin: les pouvoirs de la littérature Table ronde avec Patrick Bard (Poussières d’exil), Doan Bui (Le silence de mon père), Ana Paula Coutinho (Passages et naufrages migrants), Luba Jurgenson (Une autre vie). Modération : Alexis Nouss, titulaire de la chaire « Exil et migrations » au Collège d’études mondiales.

    Expo-vente de livres liés aux thèmes de l’exil et de la migration, et séance de signatures.

RÉFÉRENCE COLLÈGE D’ÉTUDES MONDIALES ET MUSÉE NATIONAL D’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION, Littexil, 1er Salon des littératures et de la migration, Péniche Antipode, 55 quai de Seine, Paris, 11 décembre 2016. http://www.fmsh.fr/fr/c/9328

 

Littexil, 1er Salon des littératures et de la migration organisé par le Collège d’études mondiales, la Fondation Maison des Sciences de l’homme, et le Musée national d’histoire de l’immigration, Péniche Antipode, 55 quai de Seine, Paris, 11 décembre 2016 Programme

RÉFÉRENCES

1. NOUSS Alexis, Les conditions de l’exilé. Dossier de presse, Novembre 2016, Fondation Maison Sciences de l’Homme, Paris.

2. NOUSS Alexis (Alexis NUSELOVICI), « Exiliance, condition et conscience » : http://halshs.archives-ouvertes.fr/FMSH-WP/halshs-00861246.

3. COLLÈGE D’ÉTUDES MONDIALES ET MUSÉE NATIONAL D’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION, Littexil, 1er Salon des littératures et de la migration, Péniche Antipode, 55 quai de Seine, Paris, 11 décembre 2016. http://www.fmsh.fr/fr/c/9328

La Lettre de Mieux Aborder l’Avenir, n°225, lundi 5 décembre 2016

Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info ISSN 2261-1819 Dépôt légal du numérique, BNF 2016

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Quelles sont les interactions entre usagers et guichetiers dans les administrations ? (EHESS)

La troisième Rencontre annuelle d’Ethnographie (RAE) organisée par l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) consacre un atelier aux travaux de recherche portant sur les interactions entre les usagers et les guichetiers dans les administrations. Il est intitulé « Des deux côtés du guichet. Une ethnographie politique de la rencontre administrative ».

Le terme de « guichet » est pris ici comme la métaphore d’une activité – collective et située – au cours de laquelle des groupes sociaux se rencontrent, se forment et se déforment. L’intérêt est porté particulièrement aux perceptions et aux évaluations mutuelles qui s’élaborent dans ces situations ainsi qu’ aux conséquences que ces modes d’expérience ont dans l’organisation de la rencontre administrative.

A partir de travaux de recherche en cours, l’atelier vise à réfléchir sur la démarche ethnographique autour des interactions entre usagers et guichetiers dans les administrations. Ce domaine a connu un grand dynamisme avec les travaux sur Les Métiers du public (Jeannot, Joseph, 1995), La vie au guichet (Dubois, 1999) et L’Etat au guichet (Weller, 1999). Il s’appuie sur des enquêtes mettant en pratique des postures d’observation participante afin de mettre en perspective les expériences portant sur les deux côtés du guichet.

RÉFÉRENCES
« Des deux côtés du guichet : Une ethnographie politique de la rencontre administrative ». Atelier des 3e Rencontres annuelles d’Ethnographie (RAE) organisées par l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), Fondation Maison des sciences de l’Homme, 190 avenue de France, Paris, jeudi 24 octobre 2016 et vendredi 25 octobre 2016.

https://rae.hypotheses.org

L’atelier est conduit par Céline Véniat (CEMS/IMM-Tepsis), Nasiha Aboubeker (CEMS-IMM-Tepsis, EHESS/APEX) et Jean-Marc Weller (CNRS, LISIS). Intervenants :

  • Alexandra Clavé-Mercier (Université de Bordeaux, Centre Emile Durkheim): Les migrants romps au guichet: interactions entre agents et migrants au fondement d’une politique de mésentente
  • Lionel Francou (Université catholique de Louvain, CRIDIS): Etre visibles pour rassurer. Ethnographie d’une mise à disposition.
  • Pascal Martin (Université Paris 8, LabTop-Cresspa): L’individualisation de la relation entre l’agent et l’usager au guichet de l’assurance maladie
  • Marion Le Tyrant (Observatoire Hommes Milieux Littoral méditerranéen, Université Aix Marseille): « Montrez moi votre jardin, je vous dirai quel usager vous faites »: Enquêtes ethnographiques au sein du service intercommunal de démoustication de la CAVEM
École des Hautes Études en Sciences Sociales
190 avenue de France, Paris
24 novembre 2016
©  Photo CAD / BM 2016

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ISSN 2261-1819
Dépôt légal du numérique, BNF 2016

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Concertation, conciliation, médiation. Quelles synergies ? (CNDP)

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°223, lundi 21 novembre 2016

« On n’a pas l’habitude de faire l’histoire du débat public » remarquait Jacques ARCHIMBAUD, vice-président de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) dans sa conclusion au carrefour-débat organisé au Centre national des Arts et métiers (CNAM) organisé le mardi 8 novembre 2016. (1) Il poursuivait en relevant la «perte en ligne» qui existe entre tout ce qui se dit lors des réunions publiques sur les projets d’aménagement et ce qui en est retenu. Le paradoxe est que  les habitants,  eux, conservent la mémoire des projets successifs : ils retiennent lorsqu’une réunion « ne s’est pas bien passée », lorsque le maire ou une administration a présenté un projet qui a suscité une opposition massive. Ces réflexions sont venues clore une journée consacrée à un quadruple sujet : débat public, concertation, conciliation, médiation.

Jacques ARCHIMBAUD, vice-président de la Commission nationale du débat public, concluant le carrefour-débat Débat public, concertation, conciliation, médiation : quelles synergies ? organisé le 8 novembre 2016 au Conservatoire national des arts et métiers à Paris. A la tribune, de gauche à droite : Julie TALDIR, Philippe BARRET et Claude CHARDONNET.  ©  Photo CAD / BM 2016
Débat public, concertation, conciliation, médiation : quelles synergies ?
Carrefour-débat organisé le 8 novembre 2016 au Conservatoire national des arts et métiers à Paris.

©  Photo CAD / BM 2016

 

DOCUMENT

DÉBAT PUBLIC, CONCERTATION, CONCILIATION, MÉDIATION :
QUELLES SYNERGIES ?

Carrefour-débat du 8 novembre 2016

Contexte, objectif et enjeux
Caractérisé par de nombreuses procédures, une gouvernance partagée et une forte conflictualité, les domaines de l’environnement et de l’aménagement a fait l’objet de différents dispositifs réglementaires et institutionnels destinés à favoriser la participation, au sens large, des citoyens et des acteurs de la société civile aux décisions susceptibles de les concerner.
La conflictualité a elle-même évolué : à sa dimension « classique » de contestation et conflits d’usage autour de grands projets s’est ajoutée une dimension de remise en cause plus globale du modèle de développement et de gouvernance qui a prévalu jusque-là. Les conflits actuels sont des conflits de valeurs autant que des conflits d’intérêts.
L’importance prise ces dernières années par quelques dossiers emblématiques témoigne de la difficulté à trouver des réponses à ces situations et traduit l’ampleur des attentes et des besoins dans ce domaine. En se donnant pour objectif de renouveler le dialogue environnemental, avec notamment les dispositions de l’Ordonnance du 3 août 2016, les pouvoirs publics ont acté le besoin d’aller plus loin.
Explorer le potentiel que représentent les modes alternatifs de règlement des différends, et en particulier la médiation et la conciliation, est une piste à mettre en débat. Encore peu présents dans le champ de l’environnement en France, peuvent-ils compléter et élargir l’éventail des réponses possibles ? Et comment se distinguent-ils des pratiques qui relèvent plutôt d’une approche axée sur la démocratie participative : le débat public et la concertation ?
  • Le débat public vise à permettre aux citoyens d’exprimer en opportunité leurs points de vue sur une politique, un projet, un programme ou un sujet d’intérêt public, dans un souci d’inclusivité et d’égalité d’accès à la délibération publique. Il s’est institutionnalisé en France avec la création de la CNDP. Centré sur l’objectif de garantir les conditions d’une authentique participation au débat des citoyens et acteurs de la société civile, dans toute leur diversité (accès à l’information, expression de tous les acteurs et intérêts, y compris les plus « faibles », etc.), le débat public est désormais ancré dans le paysage français de la démocratie participative.
  • La concertation est plus diverse dans ses acceptions et ses représentations, entre une définition large englobant l’ensemble des pratiques participatives, et une définition plus étroite, centrée sur les dispositifs permettant une véritable co-construction entre les acteurs. Sous ses différentes formes, elle s’est développée au niveau des projets de territoires depuis les années 1990, selon des degrés d’institutionnalisation et des méthodologies variables selon les domaines (eau, espaces naturels, etc). La réglementation prévoit ainsi de plus en plus souvent une concertation en amont de décisions publiques locales. La toute récente Ordonnance du 3 août 2016 va conduire à généraliser les « concertations garanties », menées par les maîtres d’ouvrage selon un dispositif défini par la CNDP et faisant intervenir un « tiers-garant ». De nombreuses concertations territoriales sont par ailleurs lancées en dehors de toute prescription réglementaire.
Ces approches se sont développées parallèlement à l’émergence d’initiatives visant à proposer des modes « alternatifs » de résolution des conflits, en réponse à un certain nombre d’aspirations et de besoins nouveaux, entraînés notamment par l’affaiblissement des différentes structures traditionnelles de régulation. La médiation et à la conciliation désignent un processus dans lequel des parties conviennent d’avoir recours à un tiers, neutre et indépendant, pour les aider à trouver une solution à leur conflit. Dans la réflexion engagée ici, il a été convenu d’utiliser le terme de médiation pour désigner ces deux pratiques, la différence entre médiation et conciliation tenant pour l’essentiel à la place plus ou moins active du tiers dans la recherche de solutions. Cette définition se distingue de la médiation institutionnelle, mieux connue en France depuis la création du Médiateur de la République et, plus récemment, la mise en place de médiateurs chargés par leur institution de trouver des solutions amiables aux réclamations des usagers ou des clients.
Si ces pratiques faisant appel à un tiers neutre et indépendant sont encore peu développées dans le champ de l’environnement, elles ne sont pas sans rapport avec certaines approches de démocratie participative, qui mobilisent un « tiers », comme une Commission Particulière dans un débat public ou un garant dans une concertation. Il en résulte que les pratiques de médiation et les pratiques de débat se rencontrent, se croisent ou, selon les cas, cheminent de façon parallèle. Les professionnels du débat se forment à la médiation et des médiateurs participent à des processus de concertation. La question de leurs complémentarités et de leurs spécificités se trouve donc interrogée en permanence et traduit un besoin d’éclaircissement de leurs objets communs et respectifs. Dans un contexte d’élargissement du « marché de la participation », cette clarification permettrait notamment d’encourager le développement d’une offre de compétences adaptées aux moments, aux objets et aux territoires concernés par des conflits.
L’enjeu de cette réflexion, initiée par la CNDP, est de questionner l’adéquation de ces différentes pratiques aux différents types de situation, objets et territoires concernés par des conflits, et d’explorer leurs apports respectifs et réciproques. Dans quelle mesure les pratiques de médiation et de conciliation peuvent-elles enrichir et compléter les pratiques de débat public et de concertation ? Comment assurer une plus grande synergie et une complémentarité entre ces différentes approches, tout en conservant leurs spécificités ? Quels sont les liens entre les postures et les rôles de garant, de médiateur, d’animateur de concertations ?
Ces questions sont parmi celles que vise à explorer ce Carrefour-débat, dans un contexte de modernisation du droit à la participation et du dialogue environnemental et de l’élargissement des missions et des activités de la CNDP. Elles seront mises en débat à partir de quelques axes de réflexion issus des travaux de deux ateliers préparatoires.
Travaux préparatoires
Un groupe de travail d’une trentaine de personnes a été constitué pour alimenter la réflexion préalable à ce Carrefour-débat. Il associe des chercheurs et des praticiens de la participation et de la médiation, des maîtres d’ouvrages, des représentants de la société civile et des institutions publiques nationales et locales impliquées dans ces sujets. Il s’est réuni en atelier à deux reprises, les 9 juin et le 11 octobre 2016.
Une équipe de cinq médiateurs issus de Médiations Plurielles a appuyé la CNDP dans ce processus.
En amont des ateliers, des entretiens individuels ont été conduits avec chacun des membres du groupe. Ils ont permis de nourrir la réflexion préalable et de clarifier les attentes et les propositions de chacun.
Un rapide recensement de ce qui constitue pour le groupe de travail les causes essentielles de la conflictualité environnementale a ainsi pu être réalisé. Parmi ces causes : une prise en compte trop tardive des préoccupations des acteurs locaux ; l’impression de ces derniers de ne pas avoir été entendus ; un sentiment que les intérêts en cause sont trop inégaux ; des dispositifs de concertation conçus sur des projets, au détriment d’une approche plus globale par territoire ; une durée de processus souvent très longue, avec des moments « forts » de concertation entrecoupés de périodes « vides », altérant la dynamique de concertation et la confiance entre des acteurs qui se renouvellent au cours du processus ; une culture et des compétences de dialogue souvent insuffisantes parmi les acteurs impliqués dans les démarches de concertation.
Ces entretiens ont permis aussi de recenser quelles étaient, pour les membres du groupe de travail, les
forces et les faiblesses des différents processus de concertation et de débat : si l’institutionnalisation du débat public est considérée par beaucoup comme un acquis précieux pour la démocratie participative, certains regrettent que les pratiques du débat se résument trop à une confrontation entre postures et positions et ne favorisent pas suffisamment l’écoute, l’échange, le dialogue, et la compréhension mutuelle. Les dispositifs de concertation sont, eux, jugés souvent insuffisamment pris en compte dans le processus de décision. Beaucoup regrettent des concertations qui se juxtaposent parfois dans le temps et dans l’espace, sans cohérence d’ensemble, et soulignent la discontinuité du processus dans le temps.
S’agissant de la médiation, ces entretiens confirment qu’elle est encore mal connue, voire méconnue.
Pour certains notamment, elle risque, en remettant en cause les modes de confrontation habituels, de détourner le processus vers un rapport de forces entre acteurs au détriment de la participation du public et des acteurs les plus faibles. Son potentiel dans le domaine de l’environnement est cependant reconnu, en réponse à la difficulté actuelle à répondre aux attentes de la société civile comme à celles des maîtres d’ouvrage.
Le premier atelier, réuni le 9 juin 2016, s’est attaché en priorité à clarifier les objectifs, les spécificités et les synergies possibles entre débat public et médiation d’une part, et entre médiation et concertation garantie d’autre part.
Le débat public et la médiation ont des finalités différentes et reposent donc sur des dispositifs bien différenciés. Les pratiques et les compétences de médiation peuvent cependant contribuer à développer davantage de dialogue et d’« humanité » dans le débat public, et ont leur place en amont et en aval du débat.
Dans le cadre de concertations garanties, la place de la médiation diffère selon qu’on s’attache au processus, aux pratiques ou aux compétences en médiation. A été évoquée en particulier la question des « phases» de la concertation qui peuvent conduire à proposer une médiation. La question des rôles respectifs du garant et du médiateur dans ces situations a été débattue, esquissant une première orientation vers une formation des garants à la médiation mais sans dégager de propositions consensuelles à ce stade.
Le second atelier, réuni le 11 octobre 2016, s’est attaché à mieux appréhender, en partant de quatre cas concrets de débat public ou de concertation, à quels moments, dans quel cadre et à quelles conditions un processus ou des compétences spécifiques de médiation auraient pu être mobilisées. Différentes questions ont émergé :
  • Faut-il et comment surmonter la tentation pour les différents acteurs d’éviter le conflit ?
  • Quelle place pour un processus moins axé sur les positions et plus proche des besoins des acteurs dans un contexte où ils peuvent craindre que leurs propos soient instrumentalisés ou utilisés dans des procédures administratives (DUP) ou contentieuses ?
  • De manière plus générale, comment la médiation peut-elle irriguer le débat public et la concertation, leur apporter plus de souplesse notamment ?
Chercher à répondre à ces questions conduit à s’intéresser aux différentes formes d’ « hybridation » ou d’interaction : selon les uns ou les autres, la médiation peut être, au regard des processus de débat public et de concertation, un temps particulier, une alternative, ou une source d’inspiration.
Cette initiative est organisée par la CNDP (Commission nationale du débat public), le Cnam (Cnam Développement) et Médiations Plurielles (association des médiateurs formés au Cnam), en association avec l’Institut de la concertation, le GIS démocratie et participation et Décider ensemble.
Membres du groupe de travail qui ont participé à l’un et/ou l’autre des deux ateliers :
  • Chercheurs et universitaires : Sophie Allain, Jean Pierre Bonafé-Schmitt, Karim Berthomé, Jean-Marc Dziedzicki, Jean Michel Fourniau, Jacques Salzer, Arnaud Stimec.
  • Praticiens : Etienne Ballan (spécialiste concertation), Philippe Barret (médiateur), Christophe Beurois (spécialiste concertation), Paul Carriot (garant), Pierre Yves Guihéneuf (médiateur), Michel Gaillard (garant), Emmanuel Gradt (médiateur), Jean-Louis Laure (garant), Pierre-Gérard Merlette (garant), Jean-Paul Puyfaucher (commissaire-enquêteur, garant), Dominique Simon (médiatrice), Laure Veirier (médiatrice), Aline Guérin (médiatrice, Institut de la Concertation)
  • Elus et collectivités : Pascale Ceron (Arene Île-de-France), Damien Mouchague (Communauté urbaine de Bordeaux) ainsi que Luc Picot (directeur de Décider Ensemble).
  • Maîtres d’ouvrage : Julie Taldir et Meven Bouvet (SNCF Réseau), Brigitte Fargevieille (EDF), Jean- Louis Carlier (RTE), Alain Monteil (VNF).
  • Société civile : Monique Sené (ANCCLI), Marylise Léon et Barbara Serrano (CFDT), Michel Dubromel (FNE).
  • Institutions : CNDP (Christian Leyrit, président, Jacques Archimbaud et Ilaria Casillo, viceprésidents)
  • MEEM (Marie Christine Bagnati, service de la Recherche, Joana Janiw, CGDD).
Isabelle Boutefoy, Catherine Garreta, Stéphanie Joumard, François Poux et Thierry Renaud, médiateurs, étaient chargés par Médiations Plurielles d’appuyer la CNDP pour la préparation et l’organisation de cette initiative. Ont également apporté leur concours : Françoise Lavarde, Alexandra Moreau, Stéphanie Antoine
RÉFÉRENCE
COMMISSION NATIONALE DU DÉBAT PUBLIC (CNDP), CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS (CNAM),
MÉDIATIONS PLURIELLES, « Débat public, concertation, conciliation, médiation : quelles synergies ? », Carrefour-débat du 8 novembre 2016, 4 p. (Document préparatoire)
Conservatoire national des Arts et métiers (CNAM)
292, rue Saint-Martin, Paris
©  Photo CAD / BM 2016

RÉFÉRENCES

1. « Débat public, concertation, conciliation, médiation : quelles synergies ? », Carrefour-débat organisé le 8 novembre 2016.

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°223, lundi 21 novembre 2016

Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
Dépôt légal du numérique, BNF 2016

 

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Patrick Ollier inaugure le nouveau siège de la Métropole du Grand Paris (MGP), avenue Pierre-Mendès-France à Paris

L’inauguration des nouveaux locaux de la Métropole du Grand Paris (MGP) le vendredi 18 novembre 2016 n’est pas un événement dépourvu d’intérêt (1). La localisation matérielle d’une collectivité territoriale est une des conditions pour qu’elle existe au regard de la démocratie dans l’espace public. Les dispositifs numériques (sites Internet, réseaux sociaux…) ne peuvent être que des accompagnements et des prolongements des institutions physiques. Ils ne suffisent pas à les constituer en tant qu’objets réels. Le citoyen a besoin de savoir quels sont les lieux où s’exercent les pouvoirs exécutifs, de connaître leur adresse géographique, de voir les bureaux où travaillent ses représentants et ses responsables, de pouvoir assister aux réunions publiques de leurs assemblées délibérantes.

Patrick OLLIER, président de la Métropole du Grand Paris (MGP) inaugure le nouveau siège,
15 avenue Pierre Mendès-France, Paris 13e le 17 novembre 2016.

©  Photo CAD / BM 2016

Patrick Ollier a fait un compte rendu de la gouvernance de l’institution qu’il préside depuis sa création en janvier 2016. Partant du constat que les 209 membres du conseil métropolitain appartenaient politiquement à la droite et au centre, il a déclaré « Nous avons décidé de laisser la politique au vestiaire » en faisant l’éloge du fonctionnement partagé instauré entre ses différentes appartenances (Les Républicains, UDI, Parti Socialiste, Écologistes…).

RÉFÉRENCES
1. Métropole du Grand Paris, 15 avenue Pierre Mendès-France, Paris 13e.

Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
Dépôt légal du numérique, BNF 2016

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Nuisances aériennes subies par les riverains de l’aéroport d’Orly. Approche anthropologique de l’inégalité des territoires

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°222, lundi 14 novembre 2016

« Comment rendre acceptables des nuisances inacceptables ? » Cette question résume la tâche des gestionnaires de l’aéroport d’Orly, à savoir Paris-Aéroport / Groupe Aéroport de Paris (ADP) et son administration de tutelle, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) du ministère des Transports.

Avion survolant une maison à Villeneuve-le-Roi
avant d’atterrir à l’aéroport d’Orly

Paysages urbains d’Ile-de-France, 2e semaine des patrimoines d’Ile-de-France,
14-20 septembre 2013, Conseil régional d’Ile-de-France, p. 5.
Photo de Stéphane Asseline
Service patrimoines et inventaire de la Région Ile-de-France

Gérer un aéroport qui accueille un nombre croissant de passagers, et un nombre croissant de vols a pour conséquence d’augmenter sans cesse les nuisances, qu’elles soient sonores, ou qu’elles concernent la pollution de l’air, ou les encombrements routiers…) causées aux riverains : nuisances permanentes et nuisances temporaires, nuisances de proximité immédiate et nuisances distantes, nuisances ponctuelles et nuisances continues.

Tout habitant survolé par des avions a été, est ou sera atteint dans sa qualité de vie.

RÉFÉRENCES

Articles en ligne sur le site http://portes-essonne-environnement.fr

·       Aéroport d’Orly. Chronique des travaux 2016 (5) : la fin des nuisances pour la vallée de l’Orge annoncée ce lundi 5 septembre ?

·       Aéroport d’Orly. Chronique des travaux 2016 (4) : le vrai bilan des nuisances aériennes (18 juillet – 28 août 2016)

·       Aéroport d’Orly. Chronique des travaux 2016 (3) : la DGAC confirme l’augmentation incessante du niveau des nuisances subies par les riverains

·       Aéroport d’Orly. Chronique des travaux 2016 (2) : nuisances aériennes, ce qu’ADP (Paris Aéroport) cache aux riverains

·       Aéroport d’Orly. Chronique des travaux 2016 : tous les riverains sont des victimes potentielles

Avion survolant la voie SNCF RER C à Savigny-sur-Orge (Essonne)
avant d’atterrir à l’aéroport d’Orly
le 19 juillet 2016 à 16 : 18
©  Photo CAD / BM 2016

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°222, lundi 14 novembre 2016

Mention du présent article : http//www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
BNF. Dépôt légal du numérique, 2016

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Il faut renforcer le pouvoir des citoyens sur la décision publique. Manifeste de l’Institut de la concertation (IDC)

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°221, lundi 7 novembre 2016

L’Institut de la concertation organise le 10 novembre 2016 sa 3e journée d’études annuelle. (1) Elle comprend notamment la présentation de son nouveau manifeste « Nous acteurs de la concertation ». Nous nous sommes entretenu avec Bernard MÉRIGOT, membre de l’Institut de la concertation, qui fait partie des 14 premiers signataires de ce manifeste (2).

ADMIRATEURS ET DÉTRACTEURS
DE LA CONCERTATION

Quelle analyse peut-on faire des phénomènes de participation citoyenne actuels ?
Bernard MÉRIGOT.
Il existe une double contradiction qui traverse les phénomènes participatifs. Elle est connue et fait l’objet des recherches du Groupe d’intérêt scientifique (GIS) Participation du public, décision, démocratie participative. (3) Après plus d’une trentaine d’années (1985- 2015), marquées par une réinvention moderne des pratiques de concertation, de participation… et  leur institutionnalisation, celles-ci se retrouvent sous le feu des critiques, à la fois par ses détracteurs qui en dénoncent les excès, et par ses partisans qui en déplorent les limites.

« Nous, acteurs de la concertation et de la participation citoyenne… »
Manifeste de l’Institut de la concertation (IDC), février 2015, p. 1
Voir note n°2
« Nous, acteurs de la concertation et de la participation citoyenne… »
Manifeste de l’Institut de la concertation (IDC), février 2015.
Liste des quatorze premiers signataires :
Lucie Anizon
(salariée associative), Etienne Ballan (enseignant et salarié associatif), Christophe Beurois (consultant), Loïc Blondiaux (chercheur), Hélène Cauchoix (salariée associative), Judith Ferrando (consultante), Aline Guérin (fonctionnaire territorial), Pierre-Yves Guihéneuf (consultant), Pascal Jarry (fonctionnaire territorial), Laurence Monnoyer-Smith (enseignante et Vice-présidente de la CNDP), Bertrand Paris (consultant et militant associatif), Gilles-Laurent Rayssac (consultant) Bernard Mérigot (rédacteur en chef), Pierre Zémor (haut fonctionnaire, ancien consultant et élu territorial)

AVANCÉES ET RECULS
DE LA CONCERTATION
CITOYENNE

Comment caractériser la situation de la concertation citoyenne concernant les politiques publiques locales ?
Bernard MÉRIGOT.
Il y a deux phénomènes. Le premier est un phénomène de surface que la communication institutionnelle impose de façon manifeste et visible : il doit être analysé et décodé. Le second est un mouvement de fond qui, pour être perceptible, doit être révélé par la vigilance, l’alerte et l’action citoyenne.

1. En matière de concertation citoyenne de surface, il existe des avancées indéniables. D’abord, pour tout ce qui concerne les dispositions obligatoires prévues par les textes en vigueur comme les grands projets nationaux, ainsi que les projets locaux, qui bénéficient de dispositifs qui sont appliqués. Par exemple par la Commission nationale du débat public (CNDP) ou par les enquêtes publiques qui permettent aux citoyens d’avoir connaissance de dossiers concernant des projets avant qu’ils soient réalisés, de poser des questions et d’obtenir des réponses. D’autre part, pour tout ce qui relève des dispositifs non-obligatoires, on voit des collectivités mettre en place des dispositifs de co-élaboration des décisions en matière de budget participatif, de choix entre plusieurs scénarios d’aménagement, d’appel à projets… Volontairement, des élus et des administrations proposent des instances de concertation.

2. Mais il y a des difficultés et des reculs. D’abord toutes les dispositions obligatoires sont loin d’être appliquées. Combien de projets sont encore conduits dans le secret, au motif que les pouvoirs exécutifs en place considèrent, une fois qu’ils sont élus, qu’ils sont les détenteurs exclusifs de la légitimité politique représentant l’intérêt général.
Ils réfutent toute question qui vient à l’encontre de leurs projets (d’aménagement, de construction, d’urbanisme…), que celle-ci vienne :

  • 1. des citoyens : par ce qu’ils défendent des intérêts particuliers,
  • 2. des associations militantes : par ce qu’elles sont dans une posture d’opposition systématique,
  • 3. des élus minoritaires : par ce qu’ils sont inspirés par des intentions politiques visant à renverser l’exécutif en place.

EN FINIR AVEC LA CULTURE DU SECRET

C’est ainsi que l’on assiste à d’innombrables refus opposés – au mépris de la loi, des textes en vigueur et des avis de la CADA – aux demandes de communications de documents publics. Le citoyen, tout comme le militant, découvre qu’il vit dans un régime qui essaie très souvent à faire passer ses décisions dans le secret. En tout ou en partie, et en mettant tout le monde devant le fait accompli, ou bien cachant telle ou telle disposition en l’ « habillant » par une communication institutionnelle. En surtout en retardant au maximum l’accès aux documents publics. Voire en l’empêchant.

Pour aller d’un point à un autre, je passe par où ?
La concertation citoyenne est un réseau complexe fondé sur le principe des entrelacs et des labyrinthes.
©  Photo CAD / BM 2016

TENDANCE GÉNÉRALE DES POUVOIRS EN PLACE :
UNE MÉFIANCE GÉNÉRALISÉE

À L’ÉGARD DES CITOYENS ?

Il existe un jeu de la part de certains élus, de certaines administrations, de certains services publics… de retarder la communication dinformations publiques sur des projets, ou d’en travestir le contenu, Outre que c’est est dangereux, cela met en péril la reconnaissance que les citoyens ont à l’égard de la démocratie dans laquelle ils vivent.

Un exemple concernant les rapports des commissaires enquêteurs. On sait que ces derniers sont nommés par les présidents des tribunaux administratifs. Les préfets, dans leurs arrêtés mentionnent que les rapports qui sont adressés aux maires et aux présidents d’intercommunalité sont « communicables sans délais ». Et bien pour des enquêtes importantes, comme celles des plans locaux d’urbanisme, des maires et leur administration communale persistent à refuser de communiquer « sans délai » – sous format papier ou sous format numérique – les rapports publics en leur possession. Ils veulent continuer à vivre dans un monde fondé sur la décision solitaire de ce qui est jugé, par eux, comme étant bon pour la collectivité.

En fait, ils sont inquiets de devoir présenter de façon précise, détaillée et documentée, leurs projets, d’écouter les questions posées par les riverains et par les usagers, d’y répondre et de justifier leurs choix.

Qui tire le plus fort la corde ? Les pouvoirs politiques ou les citoyens ?
Atelier organisé dans le cadre de Fête de la science 2016
à l’Université Paris Diderot, Paris
Photo CAD / BM 2016

OBSTACLES ET INSTRUMENTALISATIONS ?

Il existe une double contradiction qui traverse les opinions relatives à la démocratie participative.

  • d’une part, la critique d’un excès d’exigences normatives, le « droit à la participation » constitutionnalisé avec la Charte de l’environnement est présenté comme un obstacle à la croissance et au développement,
  • d’autre part, les espoirs déçus des dispositifs institués alimentent les critiques d’une instrumentalisation de la participation au service des pouvoirs et aux dépens de résultats significatifs dans les secteurs d’action publique concernés.

UNE REMISE EN CAUSE DE LA DÉMOCRATIE

La démocratie participative et la concertation citoyenne sont des révélateurs de la crise de la démocratie ?
Bernard MÉRIGOT.
Il y a un paradoxe qui apparaît dès que l’on considère la triple nature de la démocratie. Celle-ci est à la fois :

  • un régime de représentation politique,
  • un système d’institutions publiques qui assure la cohésion de la société,
  • un ensemble de formes de vie collective, de manières d’être au monde et de vivre ensemble fondées sur le respect de l’égalité.

Lorsque la démocratie s’incarne dans un régime politique qui se réduit à n’être qu’un système électoral, la défiance citoyenne mine les institutions politiques. En revanche, lorsqu’elle consiste à faire société, en expérimentant de nouvelles formes politiques et économiques, en s’emparant des nouvelles technologies pour renouveler l’expérience de la citoyenneté et à inventer les pratiques du commun, elle renforce le sentiment d’appartenance à un régime démocratique.

Il est urgent de passer d’un pouvoir politique qui avait l’habitude d’imposer ses choix à un pouvoir politique qui accepte de débattre avant d’agir. C’est la meilleure prévention pour empêcher les errances citoyennes de non-reconnaissance à l’égard de la démocratie, foyer de toutes les radicalisations possibles.

 DOCUMENT

Nous, acteurs de la concertation et de la participation citoyenne…
Manifeste de l’Institut de la Concertation

Février 2015

Nous, acteurs de la concertation et de la participation citoyenne, membres de l’Institut de la Concertation, sommes convaincus :
• Que la participation, sous toutes ses formes et par tous ses canaux, est un pilier de notre démocratie.
• Que le pouvoir des citoyens sur la décision publique doit être renforcé, notamment par le biais de dispositifs ambitieux de concertation publique et de dialogue entre les parties prenantes.
• Que cet effort est nécessaire pour améliorer la qualité de l’action publique, favoriser l’appropriation des projets sur le long terme et pour renforcer la cohésion de notre société.
Nous, acteurs engagés dans l’élaboration et la mise en oeuvre de processus de concertation et de participation citoyenne, constatons le développement de nouvelles pratiques et l’émergence de nouveaux métiers. Nous nous sommes regroupés pour interroger et accompagner ces évolutions : l’Institut de la Concertation est l’espace d’émergence d’une communauté d’acteurs divers et complémentaires au service de la démocratie et de la qualité des projets. Cela nous engage, en particulier, à évaluer et accompagner la recherche sur les processus de concertation et de participation citoyenne.
L’Institut de la Concertation est indépendant. Il constitue le lieu d’une parole libre qui n’engage pas nos institutions et organismes respectifs. Nos débats sont animés par une exigence d’ouverture et de bienveillance ; les concurrences possibles entre nous n’entravent pas nos discussions.
Nos actions consistent à :
• Échanger sur les pratiques, sur leurs fondements théoriques et méthodologiques, sur leurs modes d’évaluation et sur les principes éthiques qui les guident ;
• Améliorer leur visibilité aux yeux des décideurs publics et notamment des collectivités territoriales, des entreprises et du grand public ;
• Créer et animer des espaces de confrontation productifs entre chercheurs, praticiens, acteurs, élus et citoyens, sur les thématiques et enjeux qui émergent au sein des pratiques participatives ;
• Permettre un large accès aux informations, aux initiatives et aux formations sur la concertation et la participation ;
• Interroger les acteurs publics sur les modalités de développement et d’appui à la participation et à la concertation ;
L’Institut de la Concertation contribue ainsi aux débats qui animent la société sur l’évolution et la refondation de notre démocratie.
Rédacteurs et premiers signataires du Manifeste de l’Institut de la Concertation, membres du Conseil d’Administration des Amis de l’Institut de la Concertation
Lucie Anizon (salariée associative)
Etienne Ballan (enseignant et salarié associatif)
Christophe Beurois (consultant)
Loïc Blondiaux (chercheur)
Hélène Cauchoix (salariée associative)
Judith Ferrando (consultante)
Aline Guérin (fonctionnaire territorial)
Pierre-Yves Guihéneuf (consultant)
Pascal Jarry (fonctionnaire territorial)
Laurence Monnoyer-Smith (enseignante et Vice-présidente de la CNDP)
Bertrand Paris (consultant et militant associatif)
Gilles-Laurent Rayssac (consultant)
Signataires
Bernard Mérigot (rédacteur en chef)
Pierre Zémor (haut fonctionnaire, ancien consultant et élu territorial)
Paris, Février 2015

RÉFÉRENCES

1. GROUPE D’INTÉRÊT SCIENTIFIQUE (GIS) Participation du public, décision, démocratie participative, « Les expérimentations démocratiques aujourd’hui : convergences, fragmentations, portées politiques, http://www.participation-et-democratie.fr/fr/node/2150/

2. INSTITUT DE LA CONCERTATION, « Manifeste de l’Institut de la concertation », février 2015, 2 p. http://institutdelaconcertation.org

3. INSTITUT DE LA CONCERTATION, « Présentation du nouveau manifeste de l’Institut de la concertation », 2e Journée de l’Institut de la concertation (IDC), L’Entrepôt, 7 rue Francis de Pressensé, Paris 14ehttp://institutdelaconcertation.org

  • Quelle est l’actualité de la concertation et la participation ?
    Climat pré-électoral et campagnes pour les primaires avant les élections de mai 2017, Évolutions réglementaires récentes en matière de dialogue environnemental,
    Enthousiasme grandissant pour les «civictech» et leurs incidences sur la vie démocratique, Retours deux ans après la mise en place obligatoire des conseils citoyens dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville…
  • Quels sont les impacts sur la participation des citoyens ? Débat en présence d’intervenants français et européens qui analyseront la situation de la France à l’aune de ce qui se passe ailleurs.
  • Regards d’ailleurs. Table ronde avec Loïc Blondiaux, professeur au Département de Sciences Politiques de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne; Giovanni Allegretti, chercheur au Center for Social Studies de l’Université de Coimbra (Portugal), membre de l’Autorité régionale de garantie et promotion de la participation et du débat public de Toscane (Italie) ; Jan de Kezel, fondateur de l’agence Createlli (Belgique).

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°221, lundi 7 novembre 2016

Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
Dépôt légal du numérique, BNF 2016

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