L’homme politique en public dit-il la vérité ou bien ment-il ? (Nicolas Chamfort)

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°346, lundi 1er avril 2019

Les hommes politiques ont un formidable désir d’ « être présents au monde » et de communiquer. Ils s’emparent de tous les moyens susceptibles, selon eux et selon leurs conseillers, qui sont de nature à valoriser leur image, et par là, leur assurer de futurs succès électoraux. Existe-il une part d’authenticité dans les actes qu’ils produisent dans l’espace public, à une époque où le cinéma, la télévision, et les réseaux sociaux imposent à tous, partout et de façon constante, des modèles d’attitudes et de langages ? De quel « vouloir être » ces postures construites, fabriquées consciemment sont-elles l’expression ?  En voulant paraître sincères, ne sont-elles pas une véritable façon de mentir ? De quelle vérités sont elles alors révélatrices ?

Heurtoir de porte, ou « la main sur la porte qui s’offre à la main du visiteur ».
Les Arcs-sur-Argens (Var), 30 décembre 2017.
© Photographie Bernard Mérigot/CAD, 2017.

« TOUT FUT EXPLIQUÉ »

Pour répondre à la question que nous posons, la lecture des Maximes et pensées (1795) de Sébastien Roch Nicolas CHAMFORT (1741-1794) nous est précieuse. Le moraliste rapporte qu’un jour, le Contrôleur général des finances présenta à Louis XV un projet de Cour plénière que le Roi devait présider. « Tout fut réglé entre le roi, madame de POMPADOUR et les ministres » écrit CHAMFORT. « On dicta au Roi les réponses qu’il ferait au Premier président. Tout fut expliqué dans un mémoire dans lequel on disait : Ici le Roi prendra un air sévère, ici, le front du Roi s’adoucira ; ici, le Roi fera tel geste ». Chamfort termine en précisant : « Le mémoire existe ». (Pensée n°693)

VALORISER L’EXERCICE DU POUVOIR

Ainsi donc, Louis XV était déjà entouré, avant l’heure, de « conseillers en communication », collaborateurs zélés qui mettaient en scène paroles et attitudes du Roi. On peut considérer que de tout temps l’entourage des princes a cherché à valoriser l’exercice du pouvoir auquel ils participaient et que rien, dans ce domaine, n’a été inventé par le monde moderne. En revanche, ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est le problème moral qui se pose : quelqu’un qui exerce un pouvoir a-t-il le droit de prononcer des paroles qu’il ne pense pas, ou bien de feindre des sentiments qu’il ne ressent pas ?

DISTANCE ET FAMILIARITÉ

S’il n’est plus concevable aujourd’hui que les élus de la République soient inaccessibles, il n’est pas concevable non plus qu’ils affichent une fausse familiarité à l’égard de leurs électeurs. Que penser d’un homme politique qui se mettrait à embrasser toutes ses électrices et leurs enfants, ou bien encore à tutoyer et à passer la main dans le dos de ses administrés ? La vraie politesse de l’élu est dans la juste mesure entre la distance et la familiarité. Son élection, si elle lui a conféré pour un temps l’exercice de certaines fonctions, ne lui a pas donné de droits particuliers, mais des devoirs : on est plus exigeant à l’égard d’un élu que de toute autre personne.

L’ÊTRE ET LE PARAÎTRE

Les hommes politiques déploient de coûteux efforts – coûteux pour les finances publiques – pour se fabriquer ce qu’ils considèrent comme une « bonne » image auprès des électeurs. Cette image fabriquée se révèle, dans les faits, particulièrement fragile lorsqu’elle est confrontée à la réalité des hommes et des évènements : le bon sens gouverne en définitive davantage les esprits qu’on ne le pense. Comme l’écrivait CHAMFORT,« Dans les grandes choses, les hommes se montrent comme il leur convient de se montrer ; dans les petites, ils se montrent comme ils sont. »

RÉFÉRENCES
CHAMFORT Nicolas, « Pensée n°693 », Maximes et pensées (1795).

LÉGENDE DES ILLUSTRATIONS

  • Heurtoir de porte, ou « la main sur la porte qui s’offre à la main du visiteur ». Les Arcs-sur-Argens (Var), 30 décembre 2017. © Photographie Bernard Mérigot/CAD, 2017.

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°346, lundi 1er avril 2019

COMMENTAIRE du 3 avril 2019

Le texte que l’on peut lire ci-dessus a été publié sur Internet a 4 h du matin du lundi 1er avril 2019. Dans la journée, le débat sur l’usage du mensonge dans l’espace public de la politique a connu une actualité soudaine lorsqu’il a été révélé que le président de la République Emmanuel MACRON venait de nommer Mme. Sibeth NDIAYE au poste de Porte-parole de l’Élysée. En effet celle-ci, alors qu’elle était conseillère à la Présidence de la République, avait publié le 15 juillet 2017 un Tweet dont le contenu était le suivant : «J’assume pleinement de mentir».

https://www.contrepoints.org/wp-content/uploads/2019/04/arg.png

« J’assume parfaitement de mentir », Sibeth NDIAYE, 15 juillet 2017.

Les aveux de mensonge sont rares de la part des acteurs de la vie politique. Dans le cas présent, l’intéressée a déclaré que sa phrase avait été «sortie de son contexte» et qu’elle voulait dire qu’elle reconnaissait pratiquer consciemment le mensonge  «pour protéger la vie privée du président».

Qu’est-ce qui est du domaine de la vie publique d’un président de la République ? Qu’est-ce qui est du domaine de la vie privée ? Le problème est qu’à partir du moment où Emmanuel MACRON est devenu président, il a perdu toute vie privée, celle-ci est devenue publique. La preuve : il la met lui-même en scène dans les médias et les  magazines people.

Frédéric MAS y voit une victoire du sophiste Thrasymaque. « L’interlocuteur de Socrate dans La République de Platon, agacé par les questions du philosophe sur la justice, lui explique tout simplement que « le juste n’est rien d’autre que l’intérêt du plus fort ». En d’autres termes, celui qui a le pouvoir dicte ses conditions, il juge de ce qui est autorisé ou non, peu lui importe la vérité ». L’auteur conclut que l’ère de la post-vérité est celle où pouvoir apparaît avec ses relations de dominations, dans toute leur crudité. « Peu importe que vous ayez tort ou raison, ce qui compte désormais, c’est si vous êtes du côté du manche ou de l’enclume. »

VOIR L’ARTICLE :
MAS Frédéric, « Nomination de Sibeth Ndiaye : Macron, président de la post-vérité ? », Contrepoint,3 avril 2019. https://www.contrepoints.org/2019/04/03/340703-nomination-de-sibeth-ndiaye-macron-president-de-la-post-verite
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Références du présent article : http://www.savigny-avenir.fr/2019/04/01/quel-doit-etre-le-comportement-dun-elu-en-public-nicolas-chamfort/

 

 

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Les « Gilets jaunes » sont un analyseur psychologique, social et politique (Wright Charles Mills)

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°344, lundi 18 mars 2019

Le mouvement des « Gilets jaunes » mobilise la France tous les samedis, de façon continue depuis le mois de novembre 2018, soit depuis quatre mois aujourd’hui. Le samedi 16 mars 2019 est la 18e semaine de manifestations dans les rues : c’est l’ « Acte 18 ». Les Gilets jaunes ne constituent pas un simple fait d’actualité politico-sociale, mais — et d’une façon essentielle — un « analyseur» : analyseur de la société, analyseur de nous mêmes, analyseur des sciences sociales qui ont pour fonction d’enquêter, d’étudier et de réfléchir sur l’espèce humaine et sur ses étranges façons de vivre en communauté.

« En raison de la manifestation des Gilets jaunes certaines stations/gares sont fermées ». Écran numérique d’information pour les voyageurs de la RATP, Station Saint-Michel, Paris, samedi 16 mars 2019.
© Photographie Bernard Mérigot/CAD.

L’ANALYSEUR « GILETS JAUNES »

On ne peut pas se satisfaire du schéma dominant qui considère les « Gilets jaunes » comme des objets susceptibles d’être commentés par l’actualité médiatique, d’être instrumentalisés par les déclarations des politiques, d’être décryptés « à chaud » dans les studios des chaînes de télévision par toutes sortes d’experts (science politique, sociologie, économie, anthropologie…). (1) Après tout, les gaz lacrymogènes, les grenades de désencerclement et les Flash-Ball (LBD), les jets des lances à eau des policiers et des gendarmes n’atteignent que les reporters de terrain « en direct », en préservant les plateaux des studios des chaînes de télévision.

Il faut renverser les termes de cette logique : les « Gilets jaunes » ne sont pas « des objets qui sont analysés », mais « des objets qui analysent », c’est-à-dire des objets appartenant à une réalité agissante produisant des effets dans plusieurs domaines :

  • sur un objet général, qui est celui de l’état de la société de ce début du XXIe siècle,
  • sur la façon dont ses membres subissent la société présente,
  • sur les moyens dont nous disposons, pour la sentir, la ressentir, la penser et en être les acteurs les moins dépendants possibles, c’est-à-dire les plus conscients possibles.
  • sur l’ensemble les contenus et des pratiques de communication ainsi que l’état présent des sciences humaines et sociales.

La sociologie, et plus particulièrement le courant de l’analyse institutionnelle, définit un analyseur comme « un évènement qui fait apparaître le non-dit d’une institution ». (2) Francis TILMAN précise que l’analyseur « oblige les forces et les intérêts en concurrence au sein d’une institution, et jusque-là occultés, à se révéler, à mettre bas les masques ». Il donne comme exemple les incidents qui font scandale et qui empêche les discours de façade pour révéler des vérités jusqu’alors occultées (intentions, partis pris, intérêts, alliances…).

L’analyseur peut être « naturel » ou « construit ».

  • l’analyseur naturel est celui qui survient dans la vie d’une organisation sans qu’il ait été provoqué à des fins d’analyse.
  • l’analyseur construit est celui qui est mis en place pour provoquer volontairement un incident dont la mise en tension forcera chacun à se dévoiler et à abattre ses cartes.

LA DÉPOSSESSION CHRONIQUE DU POUVOIR

Le sociologue américain Wright Charles MILLS (1916-1962) a défini avec justesse, il y a près de soixante ans, les deux territoires qui sont précisément occupés par cet objet et par ces moyens. Il écrit en 1959 :

« À ceux qui, de façon chronique, sont démunis de pouvoir, et dont la conscience s’arrête au milieu quotidien, il [le sociologue] révèle par son analyse le retentissement qu’entraîne sur ces milieux les décisions et les lignes de forces structurelles, et comment les épreuves personnelles rejoignent les enjeux collectifs. Ce faisant, il révèle ce qu’il a découvert concernant les actes des puissants. Telles sont les missions éducatives dont il est investi, et ce sont là également ses grandes missions auprès de la collectivité, s’il est appelé à s’adresser à un grand public. » (3)

Nous retiendrons les définitions que donne Charles Wright MILLS.

  • l’état social des gilets jaunes, qui comme toute minorité exclue, est composée de « ceux qui, de façon chronique, sont démunis de pouvoir, et dont la conscience s’arrête au milieu quotidien »,
  • les épreuves personnelles qui rejoignent les enjeux collectifs,
  • le pouvoir qui est constitué par les « actes des puissants »,
  • la mission du chercheur en sciences sociales, auxquels nous ajouterons celle du citoyen éclairé et actif, qui est de « révéler ce qu’il a découvert concernant les actes des puissants ».

Charles Wright MILLS est connu pour avoir développé le concept de « Sociological imagination », c’est-à-dire d’ « d’imagination sociologique ». Elle consiste pour le chercheur à « se mettre provisoirement à la place de l’ « autre », de celui que l’on veut étudier dans ses motivations sans risquer de se perdre dans un dédale de jugements moraux : que ce soit la personne de sexe opposée, l’enfant ou le vieillard, l’immigrant, le criminel, ou tout ce que l’on n’est pas, mais sans pour autant adopter de manière définitive ses points de vue ou ses croyances », comme le note Yves LABERGE. (4)

LE MILIEU DU QUOTIDIEN

Que signifie « une conscience qui s’arrête au milieu du quotidien » ? Il ne s’agit en aucune façon d’une sous-intelligence du monde. Tout au contraire, il s’agit d’une dénonciation du « milieu quotidien », de cet espace limité et contraint à l’intérieur duquel de plus en plus de Français vivent. Le slogan des Gilets jaunes « Fin du monde, fin de mois, même combat » en est la parfaite expression comme l’atteste cet extrait du Dauphiné libéré qui relate une manifestation qui a lieu à Albertville (Savoie).

« Ce samedi 9 mars (2019), comme les précédents, les Gilets jaunes sont au rond-point à l’entrée nord d’Albertville. Ils distribuent des tracts sans bloquer la circulation. Et préparent la mobilisation de samedi prochain. En plus de cette occupation de rond-point, ils rejoindront l’association “Nous voulons des coquelicots” pour une marche pour le climat et la justice sociale, au départ du parc olympique à 10 heures. Leur slogan commun sera : « Fin du monde, fin du mois, même combat ». L’après-midi, de 15 à 18 heures, une marche pour le climat aura également lieu à Chambéry, sur le principe de plusieurs défilés convergents vers la place de la mairie. » (5)

BLESSURES ET DÉFAITES POLITIQUES

Le phénomène des Gilets jaunes, après quatre mois d’existence, et dix-huit samedi continus de manifestations dans toute la France, sont la démonstration, comme le dit Alain FAURE, que « les politiques ne se construisent que dans la blessure et les défaites » (6), blessures des uns et blessures des autres, défaites des uns et défaites des autres. La vie collective bienveillante, sereine et apaisée demeure une espérance.

RÉFÉRENCES

1. La cha^ne de télévision d’informations continues BFM TV affiche en ce mois de mars 2019, lors de ses émissions en direct, un bandeau placé en bas de l’écran qui mentionne « Priorité au décryptage ». En fait de décryptage, il s’agit d’un placage de descriptions, d’informations et d’argumentaires dont l’ambition se limite à répondre, sous l’angle de l’immédiateté et du sensationnalisme, se limitant aux questions « Que se passe-t-il ? », « Que va-il se passer ? ». Un décryptage déjà formaté et mis en récit. Bien avant que l’évènement ne se produise, son commentaire préexiste déjà. Il vient rejoindre les éléments de langage diffusés par les conférences de presse et les points-presse des autorités à l’intention des journalistes.
2. TILMAN Francis,
« L’analyse institutionnelle », Le Grain ASBLI, 24 octobre 2005.  http://www.legrainasbl.org/index.php?option=com_content&view=article&id=118
3. MILLS Charles Wright,
The Sociological Imagination, 1959.
MILLS Charles Wright,
L’imagination sociologique, Paris, Éditions La Découverte, 2015. Traduction française.
4. LABERGE Yves,
« Charles Wright Mills, L’imagination sociologique », Amerika, Mémoires, identités, territoires, n°17, 2017, https://journals.openedition.org/amerika/8265
5.
« Albertville. Gilets Jaunes. Fin du monde, fin du mois : même combat », Le Dauphiné libéré, 9 mars 2019.  https://www.ledauphine.com/savoie/2019/03/09/albertville-fin-du-monde-fin-de-mois-meme-combat
6. FAURE Alain,
« Les gilets jaunes vivent quelque chose d’euphorisant », Le Dauphiné, 19 décembre 2018. Alain Faure est directeur de recherche au CNRS.

LÉGENDES DES ILLUSTRATIONS

  • « En raison de la manifestation des Gilets jaunes certaines stations/gares sont fermées ». Écran numérique d’information pour les voyageurs de la RATP, Station Saint-Michel, Paris, samedi 16 mars 2019. © Photographie Bernard Mérigot/CAD.

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°344, lundi 18 mars 2019

COMMENTAIRE du 25 mars 2019
J. KELL

UNE INCROYABLE VIOLENCE

Le samedi 23 mars 2019, Geneviève LEGAY, militante associative âgée de 73 ans, habitant Nice (Alpes Maritimes), se trouve Place Garibaldi. Des policiers, des CRS, chargent. Elle est grièvement blessée à la tête et transportée à l’hôpital.

Le lendemain dimanche 24 mars, à l’Aéroport de Nice, le président de la République Emmanuel MACRON, accorde un entretien au journal Nice Matin. Interrogé sur cet incident il déclare « Je souhaite d’abord qu’elle se rétablisse au plus vite et sorte rapidement de l’hôpital, et je souhaite la quiétude à sa famille. Pour avoir la quiétude, il faut avoir un comportement responsable. Je pense que quand on est fragile, on peut se faire bousculer, on ne se rend pas dans des lieux qui sont définis comme interdits et on ne se met pas dans des situations comme celle-ci. Cette dame n’a pas été en contact avec les forces de l’ordre. Elle s’est mise en situation d’aller dans un endroit interdit, de manière explicite, et donc d’être prise dans un phénomène de panique. Je le regrette profondément, mais nous devons, partout, faire respecter l’ordre public. Je lui souhaite un prompt rétablissement, et peut-être une forme de sagesse.

Cette déclaration d’Emmanuel Macron, sous l’apparence d’un faux « bon sens » (« Quand on est fragile… »), est d’une nature profondément perverse. Elle est porteuse d’une incroyable violence. Elle constitue une discrimination fondée sur l’âge et la condition physique des citoyens comme critère pour déterminer qui a le droit et qui n’a pas le droit, de se trouver dans la rue pour y exprimer des idées.

La logique de l’État est aujourd’hui de sous-entendre une idée-limite, celle d’une nouvelle légitimité démocratique qui prendrait la forme – pourquoi pas ? – d’un examen médical qui délivrerait un certificat d’aptitude physique, condition préalable pour être autorisé à manifester.

Alors que l’on peut être dans la rue sans être un manifestant affirmé. Comment distinguer le manifestant et le passant ? Comment faire la part entre être là, hic et nunc, et manifester la-bas et demain ? Comme dans l’amour courtois lorsqu’on déclarait sa flamme, désormais pour manifester, il faut aussi se déclarer  ? Manifestant ou non manifestant ? Manifestation déclarée ou manifestation non déclarée ? Manifestation autorisée, ou manifestation non autorisée ? Une démocratie procédurale est en train de se construire. Elle réduit la démocratie effective comme une peau de chagrin.

Qui peut certifier qu’un Gilet jaune blessé lors d’une manifestation était vraiment en bonne santé avant de s’y rendre et d’être atteint par un tir de Flash-Ball (LBD) ? Avait-il vraiment ses deux yeux avant d’en perdre un ?

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Référence du présent article : http://www.savigny-avenir.fr/2019/03/18/les-gilets-jaunes-sont-un-analyseur-psychologique-social-et-politique-wright-charles-mills/
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Les gilets jaunes et le Rapport annuel 2019 de la Cour des comptes (Didier Migaud)

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°339, lundi 11 février 2019

Quel rapport y a t il entre le mouvement des Gilets jaunes qui s’est manifesté à partir du mois de novembre 2018, et le Rapport annuel 2019 de la Cour des comptes ? Il y en a un, sinon Didier MIGAUD, le Premier président de cette juridiction administrative, n’aurait pas  nommément évoqué lors de sa conférence de presse du mercredi 6 février 2019, ni cette mobilisation populaire, ni les effets des décisions prises par le président de la République Emmanuel MACRON et par le Premier ministre Édouard PHILIPPE.

Didier MIGAUD, Premier président, présente le Rapport public annuel 2019 de la Cour des comptes,
le mercredi 6 février 2019, Grand’chambre de la Cour, 13 rue Cambon, Paris.
Sur la photo, De gauche à droite, Michèle PAPPALARDO, rapporteure générale du Rapport public, Didier MIGAUD, Premier président, Raoul BRIET, président de la 1ère Chambre. © Photographie Bernard Mérigot / CAD.

LA TRAJECTOIRE IMPRÉCISE
DES COMPTES PUBLICS

Didier MIGAUD déclare que « La trajectoire [des comptes publics] inscrite en septembre 2018 dans le projet de loi de finances a été substantiellement modifiée par les mesures d’urgence annoncées en décembre, en réponse au mouvement des « gilets jaunes ». Il ne nous revient nullement d’apprécier le contenu et l’opportunité de ces mesures. L’analyse figurant dans le Rapport annuel consiste à apprécier leur impact sur les comptes publics ». (p. 3) (1)

Plusieurs choses sont dites ici. D’abord, qu’un évènement qui se produit dans les deux derniers mois de l’année 2018 (la première manifestation des Gilets jaunes, dite « Acte I », a eu lieu le 17 novembre 2018), c’est-à-dire durant une période très courte (six semaines sur les cinquante-deux semaines de l’année civile), suffit à déséquilibrer l’année comptable de l’exercice budgétaire. Ensuite, qu’un phénomène imprévisible ne peut être évalué ni dans ses effets directs, ni dans ses effets indirects, le Gouvernement n’étant pas en mesure de chiffrer leur coût financier. On appréciera la belle métaphore de « trajectoire » appliquée aux comptes publics. C’est une façon de dire, sans ici le moindre jeu de mot, que l’État « en marche » ne sait pas exactement où il va dans le domaine financier.

« LES ATTENTES IMMENSES DE NOS CONCITOYENS »

La Cour des comptes signifie ainsi que les modifications budgétaires arrêtées par le président de la République Emmanuel MACRON, le Premier ministre Édouard PHILIPPE et le gouvernement sont porteuses d’effets budgétaires à ce jour ignorés. Dans sa même intervention Didier MIGAUD souligne que « notre Rapport public parait à l’heure où certains de nos concitoyens expriment d’une façon inédite leurs attentes immenses à l’égard de l’action publique et de ses gestionnaires ». (p. 1)

Il insiste :

« A cout terme, la Cour estime indispensable que le Gouvernement présente, dès que possible, des projets de loi de finances rectificatives pour l’État et la sécurité sociale. Ces textes devaient intégrer, de manière sincère et exhaustive, l’ensemble des mesures annoncées en décembre et les conséquences de l’évolution défavorable de la situation macroéconomique que nous observons depuis l’automne ». (p. 2)

ET SI L’ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES
ÉTAIT UN PROJET SUBVERSIF ?

Le propos de Didier MIGAUD doit être replacé dans contexte du Rapport annuel de la Cour des comptes, qui lui-même doit être replacé dans le contexte général de la place occupée par la Cour des comptes dans le dispositif constitutionnel français. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, la Cour des comptes a pour mission d’assister le Parlement et le Gouvernement dans l’évaluation des politiques publiques. Dans une publication d’octobre 2018 intitulée Les Juridictions financières (2) le Cour des comptes elle-même écrit :

« Lorsqu’elle évalue une politique publique, la Cour des comptes cherche à vérifier si les résultats de cette politique sont à la hauteur des objectifs fixés si les moyens utilisés le sont de manière efficace et efficiente. » (p. 17)

« Le rôle de la Cour des comptes n’est pas de commenter les décisions politiques, mais d’évaluer leurs conséquences et de formuler des recommandations pour atteindre les objectifs votés par le Parlement ». (p.17)

Relevons les quatre principes de la démarche de la Cour des comptes :

1. « vérifier si les résultats de la politique [du Gouvernement] sont à la hauteur des objectifs fixés,
2. « vérifier si les moyens utilisés le sont d’une manière efficace et efficiente,
3. « [évaluer] les conséquences [des décisions politiques] et formuler des recommandations pour atteindre les objectifs votés par le parlement »,
4. [La publication de ces évaluations] « participe pleinement à la mission constitutionnelle de la Cour des comptes qui est de contribuer à l’information des citoyens. »

Cour des comptes. Entrée du 13 rue Cambon, 75001 Paris. © Photographie Bernard Mérigot / CAD 2019.

LES QUATRE MISSIONS
DE LA COUR DES COMPTES

1. « vérifier si les résultats de la politique [du Gouvernement] sont à la hauteur des objectifs fixés ».

Il s’agit d’une mission qui comprend trois remises en cause des pratiques de gouvernement et des pratiques administratives de l’État.

  • La première remise en cause implique que soient définis clairement des objectifs. Non pas des objectifs flous, mais des objectifs précis, pas des objectifs implicites mais des objectifs explicites. Sans compter que les objectifs se déplacent, évoluent, disparaissent. Tous les gouvernements, toutes les administrations, tous les services publics subventionnés mettent souvent en avant des objectifs tellement généraux qu’ils n’ont aucun sens, et sans fournir d’indicateurs précis permettant d’apprécier s’ils sont atteints ou non.
  • La seconde remise en cause concerne l’appréciation des résultats. Souvent, faute d’indicateurs indiqués au départ, l’examen des résultats est insaisissable. Ceux-ci sont manipulés par des campagnes de communications institutionnelles, d’annonces publicitaires, et de campagnes médiatiques.
  • La troisième remise en cause est constituée par la comparaison entre les résultats et les objectifs. Celle-ci contient potentiellement une contestation radicale des pratiques effectives de l’État à partir de la multitude d’annonces quotidiennes faites par certains ministres.

2. « vérifier si les moyens utilisés le sont d’une manière efficace et efficiente ».

Il faut distinguer ici « efficacité » et « efficience ».

  • L’efficacité est la capacité, d’une personne, d’un groupe ou d’un système, à parvenir à ses fins, à ses objectifs qu’il s’est donné, ou bien qui lui ont été donnés. Être efficace revient à produire à l’échéance prévue les résultats escomptés et réaliser ce qui est attendu, que ce soit en termes de quantité, de qualité, de rapidité, de coût, de rentabilité.
  • L’efficience est la capacité à atteindre des objectifs au prix d’une consommation optimale de ressources (personnel, matériel, finances).

Le problème lorsque l’on évoque les moyens qui sont utilisés, c’est qu’ils ne sont pas toujours en adéquation avec l’objet visé. D’abord parce que, tout simplement, certains moyens ne sont pas visibles. Non pas qu’ils soient secrets. Ils ne sont tout simplement pas pris « en compte ». On a l’impression que des services publics fonctionnent automatiquement. D’abord, parce que le niveau pertinent de moyens est toujours difficile à déterminer : ils sont, ou bien sur-estimés, ou bien sous-estimés. Souvent le nombre de personnes « pour faire » est soit pléthorique, soit insuffisant. Enfin, diverses formes de bénévolat, ou bien de pratiques non comptabilisés, aboutissent à ce qui ne devrait pas marcher en théorie, fonctionne en pratique. Et vice versa, ce qui devrait marcher en théorie, ne fonctionne pas en pratique. Nous sommes dans l’imprévisible. De toute façon, dans un cas comme dans l’autre, l’État s’auto-félicite sans jamais reconnaître s’être trompé.

3. « [évaluer] les conséquences [des décisions politiques] et formuler des recommandations pour atteindre les objectifs votés par le parlement ».

Quelles sont les conséquences des décisions politiques ? Les conséquences directes et les conséquences indirectes sont généralement confondues. Quant-aux recommandations faites, et rendues publiques, relevons ici l’interrogation portant sur « les objectifs votés par le parlement ». Quels documents publics présentent clairement ces objectifs ? Qui les consulte ? Qui s’y réfère ? Pas les citoyens.

4. [La publication de ces évaluations] « participe pleinement à la mission constitutionnelle de la Cour des comptes qui est de contribuer à l’information des citoyens ».

Il est utile, eu égard aux légitimes attentes démocratiques, que soit rappelé ici que le destinataire final n’est pas l’État, mais le citoyen. Le problème est que la complexité des dispositifs rend ses productions invisibles.

LA PAROLE PUBLIQUE EST MISE EN DOUTE

Didier MIGAUD termine son propos en évoquant « le contexte de plus en plus exigeant, à une époque où la parole publique, quel qu’en soit l’auteur, est mise en doute, et où la production d’une information objective est menacée par la propagation de fausses nouvelles ».

Ces deux thèmes sont d’actualité et vont de paire : délégitimation de la parole publique, et diabolisation des Fake news. L’un et l’autre affectent les rapports des citoyens avec la Res publica. Plus exactement, une fonction de cette relation. Celle qui fait que le citoyen et la citoyenne croit, ou ne croit pas, en cette fiction républicaine de l’État juste et bienveillant.
La capacité à croire porte un nom : la crédulité. La capacité à ne pas croire a elle aussi un nom : l’incrédulité. Au milieu résiderait l’esprit critique que de bons esprits voudraient voir jouer un rôle de légitimation de la vérité, comme si les faits sociaux pouvaient échapper à la fois à leur mode de production et à leur rôle dans la construction de la réalité.

Nous sommes en présence d’une rupture de deux continuités : rupture des discours de croyance, rupture des territoires de croyance.

  • Rupture au sein des discours de croyance, c’est-à-dire à la possibilité de croire à des paroles tenues par des « autorités représentantes ». Les Gilets jaunes disent ne plus croire en la parole politique qui se plait à dénoncer les Fake news alors qu’elle en a toujours été la grande productrice de Fake news d’État – du type « la route du fer est définitivement coupée » de Paul RAYNAUD (24 mai 1940) – jusqu’aux innombrables déclarations de ministres, à longueur d’interviews radiophoniques et télévisés. Paul RAYNAUD mentait-il ? Il ne disait pas la vérité : il arrangeait la réalité. Pensait-t-il que ses paroles seraient bonnes pour le moral de la population ? Mais annoncer des choses qui n’existent pas, en créant un espoir temporaire est un risque. Comment s’étonner que ceux qui le constatent manifestent ?
  • Rupture au sein des territoires de croyance, c’est à dire d’un espace ou les plus riches viennent en aide aux plus pauvres. Les citoyens ne croient plus que tous les territoires appartiennent de façon continue à une même démocratie.

Didier MIGAUD achève  son propos : « Tous les acteurs publics sont soumis à la même obligation de rendre compte de leur gestion ». (p. 8). Ce qui n’est pas le cas pour tous les discours et pour tous les territoires. La Cour des comptes ne ment pas. Elle dit  ce qu’elle peut, comme elle peut, dans le cadre « qui est le sien », selon une formule chère aux acteurs politiques. Elle n’a pas pour rôle de résoudre les ruptures mais d’en dire un certain nombre.

Bernard MÉRIGOT

Au-dela des rapports de la Cour des comptes, l'endettement, les deficits publics sont criants, l'Etat depense depuis  belle lurette beaucoup plus qu'il n'encaisse, il vit a credit.

« Au-delà des rapports de la Cour des comptes, l’endettement, les déficits publics sont criants, l’État dépense depuis belle lurette beaucoup plus qu’il n’encaisse, il vit à crédit ». Présentation du Rapport annuel 2019 de la Cour des comptes, Grand’chambre de la Cour, 13, rue Cambon, 75001 Paris, mercredi 6 février 2019. Article de Michel RICHARD « Triste Cour des comptes », Le Point (Édition numérique), 10 février 2019. © Photographie Jacques DEMARTHON.

COMMENTAIRES
12 février 2019

Bernard MÉRIGOT à la Cour des comptes

Lorsque je suis venu ce mercredi 6 février 2019 à la conférence de presse de présentation du Rapport public 2019 de la Cour des Comptes, ce n’était pas pour « faire un Selfie » avec son Premier président Didier MIGAUD. J’y ai participé avec une accréditation Presse, j’y ai pris des notes, j’y ai pris des photos, j’ai rédigé un article sur le sujet (on peut le lire ci-dessus), et qui est publié et accessible en ligne.
Tous les grands médias et les agences de presse étaient présents. Le magazine Le Point y était, et dans son édition numérique en date du 10 février 2019, il a publié une photo prise dans la Grand’Chambre de la Cour. (3) Je découvre que j’y figure dans l’assistance (exactement de dos-trois-quart : il n’y a qu’a chercher, comme dans  « Où est Charlie ? » (4)  Cela dit, la photo restitue bien l’ambiance de cette conférence de presse. Il est à noter que les caméras des chaînes de télévision, se trouvant derrière le photographe du Point, ne sont pas visibles sur cette photo.

Qu’est-ce qu’une conférence de presse ? Un anthropologue observera que pour toute institution, une conférence de presse est toujours un moment important de son existence. Elle comprend un rituel. Elle a été préparée et annoncée (le lieu, le contenu, les documents…). Il y a des choses à dire, et des choses à ne pas dire,  des messages « à faire passer » et l’attente que les médias s’en fassent l’écho. Le pire qui puisse advenir est qu’elle se déroule devant une assistance clairsemée et que ses retombées en terme d’articles et de reportages, soient peu nombreuses. C’est la crainte de tous les organisateurs : une gréve de transports en communs, une tempête de neige, une vague de chaleur, ou des inondations, et c’est tout le travail de communication qui échoue dans l’indifférence.
La conférence de Prese de la Cour des comptes, est un rendez-vous qui a lieu tous les ans et qui constitue le point d’aboutissement du rapport qui a été préparé tout au long de l’année : une publication (1 210 pages) longuement élaboré, rédigé, corrigé… et enfin rendu public.
Son Premier président, Didier MIGAUD est venu à l’Élysée le remettre en main propre au Président de la République dans les premiers jours de février. Le sommaire et quelques passages qui ont pu être divulgués aux journalistes accrédités l’ont été selon la règle de l’embargo, c’est-à-dire avec l’engagement, pris par eux, de ne rien ni révéler ni publier, avant la date fatidique de la conférence de presse.

Rapport public 2019 de la Cour des comptes, Conférence de presse du mercredi 6 février 2019. Note aux rédactions, 30 janvier 2019.

RÉFÉRENCES DE L’ARTICLE

1. MIGAUD Didier, Présentation du Rapport public annuel, Conférence de presse, mercredi 6 février 2019, 8 p. Didier MIGAUD est Premier président de la Cour des Comptes.

Le corps principal du Rapport public annuel 2019 comprend 1210 pages réparties ainsi :

  • COUR DES COMPTES, Le Rapport public annuel 2019, Tome I, Les Observations, 504 p.
  • COUR DES COMPTES, Le Rapport public annuel 2019, Tome II, 433 p.
  • COUR DES COMPTES, Le Rapport public annuel 2019, Tome III, 153 p.
  • COUR DES COMPTES, Le Rapport public annuel 2019, Les observations. Synthèse, 60 p.
  • COUR DES COMPTES, Le Rapport public annuel 2019, Le suivi des recommandations. Synthèse, 60 p.

2. COUR DES COMPTES, Les Juridictions financières, 2018, 34 p. Préface de Didier MIGAUD.

3. RICHARD Michel, « Triste Cour des comptes », Le Point (Édition numérique), 10 février 2019. https://www.lepoint.fr/editos-du-point/michel-richard/michel-richard-triste-cour-des-comptes-10-02-2019-2292381_54.php

4. « Où est Charlie ? » (« Where’s Wally ? » au Royaume-Uni, et « Where’s Waldo ? » aux États-Unis) est le nom des livres-jeu créés par Martin HANDFORD qui consiste à retrouver un personnage (dont le nom est Charlie, en France) à l’intérieur d’images complexes.

LÉGENDES DES ILLUSTRATIONS

  • Didier MIGAUD, Premier président Rapport public annuel 2019 de la Cour des comptes, mercredi 6 février 2019, Grand’chambre de la Cour, 13 rue Cambon, Paris. Sur la photo, De gauche à droite, Michèle PAPPALARDO, rapporteure générale du Rapport public, Didier MIGAUD, Premier président, Raoul BRIET, président de la 1ère Chambre. © Photographie Bernard Mérigot / CAD.
  • Cour des comptes. Entrée du 13 rue Cambon, 75001 Paris. © Photographie Bernard Mérigot / CAD.
  • « Au-delà des rapports de la Cour des comptes, l’endettement, les déficits publics sont criants, l’État dépense depuis belle lurette beaucoup plus qu’il n’encaisse, il vit à crédit ». Présentation du Rapport annuel 2019 de la Cour des comptes, Grand’chambre de la Cour, 13, rue Cambon, 75001 Paris, mercredi 6 février 2019. Article de Michel RICHARD « Triste Cour des comptes », Le Point (Édition numérique), 10 février 2019. © Photographie Jacques DEMARTHON.
  • Rapport public 2019 de la Cour des comptes, Conférence de presse du mercredi 6 février 2019. Note aux rédactions, 30 janvier 2019.

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°339, lundi 11 février 2019

Territoires et Démocratie numérique locale (TDNL) est un media numérique mis en ligne sur le site http://savigny-avenir.info.
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Référence du présent article : http://www.savigny-avenir.fr/2019/02/11/les-gilets-jaunes-et-le-rapport-annuel-2019-de-la-cour-des-comptes-didier-migaud/

 

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Le Grand Débat National 2019. A quelles conditions peut-il constituer un nouveau souffle démocratique ? Lettre ouverte au Président de la République (ICPC)

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°337, lundi 28 janvier 2019

Le 15 janvier 2019, le président de la République Emmanuel MACRON a adressé à l’ensemble des Français une lettre les invitant à participer du 15 janvier au 15 mars 2019, à un « Grand Débat National ». Annoncé avec un délai très court, ce « dispositif de débats » – dont l’organisation n’est pas précisée – fait suite aux manifestations des Gilets jaunes qui ont eu lieu depuis  novembre 2018. Ce « Grand Débat National » n’ayant été précédé d’aucun débat préalable, une réponse à la lettre présidentielle d’annonce s’impose.

« Chères Françaises, Chers Français, Mes Chers compatriotes »,
Lettre du président de la République Emmanuel MACRON, 15 janvier 2018.

Le lancement du Grand Débat National a suscité l’approbation de quelques uns. Il a surtout suscité des réserves d’autres qui ont souligné « la précipitation, le flou, les incertitudes, le manque d’engagement et de transparence ». Les interrogations sont nombreuses : elles entachent sa légitimité avant même qu’il ne débute.

En réponse à la Lettre du 15 janvier 2019 d’Emmanuel MACRON, une Lettre ouverte au président de la République a été publiée le 23 janvier 2019 à l’initiative de l’institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne (ICPC). Elle émane d’acteurs œuvrant en faveur de l’innovation démocratique, de gilets jaunes, de représentants de mouvements écologistes, de chercheurs et d’experts de la démocratie participative, et d’acteurs de la société civile, de Tous citoyens… Bernard MÉRIGOT, président de Territoires et Démocratie Numérique Locale (TDNL), et membre de l’Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne, est l’un des signataires de cette lettre ouverte. (1) Elle constitue un préalable méthodologique au débat autour de trois questions :

  • 1. ce débat doit-être mené de façon indépendante et dans la plus grande transparence,
  • 2. un engagement politique clair doit être pris sur le débouché des propositions,
  • 3. ce débat ne peut pas être un moment isolé.

On trouvera ci-dessous le texte complet de la Lettre ouverte ainsi que le liste de ses premiers signataires.

La Rédaction de Territoires et Démocratie Numérique Locale (TDNL)

LETTRE OUVERTE
AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

23 janvier 2019

Monsieur Emmanuel MACRON
Président de la République

Monsieur le Président de la République,

Le 15 janvier dernier, vous adressiez à l’ensemble des Français une lettre nous invitant à participer au Grand Débat National, déclenché suite au mouvement des Gilets jaunes. Le lancement d’un tel débat, qui crée une occasion d’inventer collectivement de nouvelles pratiques démocratiques, est enthousiasmant.

Néanmoins, la précipitation, le flou, les incertitudes, le manque d’engagement et de transparence risquent fort de bloquer la participation d’un nombre significatif de Français, entachant ainsi la légitimité et l’efficacité du Grand Débat National.

Pour que les Français y participent massivement et sereinement cela suppose de mettre au point collectivement une méthode :

  • qui assure un débat transparent,
  • que ses contributions soient réellement prises en compte,
  • qui débouche sur des avancées concrètes.

Nous, acteurs œuvrant en faveur de l’innovation démocratique depuis plusieurs années, groupements de gilets jaunes, représentants de mouvements écologistes et associatifs, acteurs de la société civile, chercheurs et citoyens craignons qu’un certain nombre de conditions ne soient pas remplies pour garantir la réussite de ce Grand Débat.

Pour appeler à participer et appuyer votre démarche, il manque en effet trois conditions essentielles afin de garantir aux Français son utilité, nous déploierons un dispositif à même de les satisfaire au mieux.

1. En premier lieu, il nous semble indispensable que ce débat soit mené de manière indépendante et avec une transparence exemplaire.

Ainsi, afin d’analyser les conditions de sa mise en œuvre et en lien avec des médias, nous participerons dans les prochains jours à la mise en place d’un Observatoire qui étudiera les dispositifs et méthodes utilisés dans les débats, qu’ils soient organisés dans ou en dehors du cadre du Grand Débat. Ces éléments nous permettront de mettre en avant les réussites mais aussi d’alerter sur les dysfonctionnements.

2. En deuxième lieu, il nous semble indispensable qu’un engagement politique clair et fort soit pris sur le débouché concret des propositions qui émergeront, avant même de savoir ce que seront ces propositions.

Ainsi, pour garantir la crédibilité et l’intérêt de la démarche, nous recommandons la mise en place d’une Assemblée citoyenne tirée au sort, représentative de la société, chargée de faire des propositions donnant lieu à un référendum à choix multiples. Les débats de cette assemblée seraient filmés et retransmis en continu.

Si un référendum seul peut faire peur à certains, articulé à une large délibération il permet de construire collectivement des solutions ayant une réelle cohérence d’ensemble. Les assemblées régionales prévues actuellement ne semblent pas pouvoir jouer ce rôle car, en l’état, elles n’auront pas la composition, le temps et les possibilités de délibération nécessaires. Compte tenu des circonstances et de l’enjeu, il est nécessaire d’être ambitieux en créant une assemblée réunissant quelques centaines de personnes, bénéficiant d’un temps suffisant et suivant une méthodologie rigoureuse ayant fait ses preuves. Elle traitera du RIC bien sûr puisqu’il a émergé comme une priorité ces dernières semaines, mais au-delà, elle reverra plus largement nos pratiques démocratiques afin qu’elles soient plus à même d’impliquer les citoyens de façon régulière et pas seulement lors des échéances électorales. De plus, cette assemblée hiérarchisera les propositions émanant des débats pour définir les priorités qui pourraient faire l’objet du référendum à choix multiples.

Ce n’est que par une démarche politique et démocratique ambitieuse que la confiance pourra revenir. Nous sommes prêts à soutenir et/ou réaliser par nous-même la mise en œuvre d’un tel dispositif, qui a déjà fait ses preuves ailleurs, dans des contextes très divers (notamment en Irlande, en Islande, ou encore au Canada). Les moyens, les outils, les recherches et retours d’expérience nécessaires à l’organisation d’une telle dynamique existent.

Nous entamons d’ores et déjà une réflexion collective sur les conditions de mise en œuvre d’une telle assemblée par des acteurs de la société civile, au cas où vous ne vous engageriez pas en ce sens. Nous travaillerons au rapprochement avec des initiatives convergentes.

3. En troisième lieu, il nous semble indispensable que le Grand Débat ne soit pas un moment isolé après lequel on reviendrait aux pratiques politiques traditionnelles.

Ainsi, nous lançons également une boîte à outils (plateformes délibératives en ligne, méthodes d’animation, décryptages, etc.) destinée à tous les citoyens qui souhaitent s’inscrire dans un engagement de court ou long terme, dans le cadre du Grand Débat National ou en dehors. En effet, il nous semble essentiel de tirer parti des « énergies citoyennes » qui se sont exprimées, notamment de la part de personnes qui s’étaient éloignées de tout engagement. C’est une chance formidable pour réussir les transitions économiques, sociales et environnementales. Nous devons pouvoir tirer parti des débats locaux pour engager concrètement un travail de terrain afin de trouver des solutions aux problèmes qui ont été à l’origine de la crise.

Notre pratique démocratique doit devenir plus régulière, plus concrète, à toutes les échelles et sur tous les thèmes !

Monsieur le Président, vous avez appelé à « transformer les colères en solutions », voilà la manière dont nous pensons que nous pouvons y parvenir.

Nous souhaitons vivement la réussite d’une démarche démocratique ambitieuse et inédite. Nous sommes déterminés à y participer si les conditions sont réunies pour que ces transformations s’enclenchent réellement. Il faut pour cela reconnaître aux citoyens une compétence d’acteurs et pas seulement de spectateurs ou de commentateurs d’un jeu qui se passe ailleurs. Les Français veulent entrer dans le jeu !

Nous vivons une opportunité historique pour que les citoyens inventent la démocratie de demain. Soyons ensemble à la hauteur des enjeux.

Paris, le 23 janvier 2019.

Deux signataires de la Lettre ouverte au président de la République sur le Grand Débat National (2019) : Loïc BLONDIAUX, professeur à l’université de Paris I Panthéon Sorbonne et Pierre-Yves GUIHÉNEUF, délégué général de l’Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne (ICPC).
Photographie prise lors de la séance de préparation de la charte de la Participation, le 29 janvier 2016, au ministère de l’Environnement. © Photographie Bernard Mérigot / CAD.

SIGNATAIRES DE LA LETTRE OUVERTE
AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
du 23 janvier 2019

(Liste au 25 janvier 2019)

Acteurs œuvrant en faveur de l’innovation démocratique, groupement de gilets jaunes, représentants de mouvements écologistes, chercheurs et experts de la démocratie participative, et acteurs de la société civile, Tous citoyens…

– Bulent Acar, Co-fondateur de I-buycott
– Kévin André, Co-Président de Démocratie Ouverte et Fondateur de Kawaa
– Fanny Agostini, Journaliste et co-fondatrice LanDestini
– Sophie Aouizerate, Fondatrice de Raisonnances
– Achille Audouard, Co-responsable de l’antenne parisienne de I-buycott
– Jean Louis Bancel, Président du Crédit Coopératif
– Julien Bayou, Conseiller régional d’Ile de France
– Mathieu Baudin, Directeur de l’Institut des Futurs souhaitables
– Lucie Berson, membre et administratrice d’Astérya
– Grégory Bertrand, Simple citoyen, fondateur de Nous Rassemble
– Aurore Bimont, Co-fondatrice de Système D, l’incubateur de Démocratie Ouverte
– Loïc Blondiaux, Professeur à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne
– Delphine Blumereau, Directrice de la communication, Institut des Futurs souhaitables
– Lisa Basty, co-coordinatrice des Connecteurs citoyens d’Astérya
– Christian de Boisredon, Fondateur de Sparknews
– Medhi Bolic, Gilet Jaune, Association France Unité, référents Marseille
– Dominique Bourg, philosophe français, professeur ordinaire à l’université de Lausanne
– Marie-Hélène Bacqué, professeure à l’Université Paris Ouest-Nanterre
– Pierre-Marie Boulle, Gilet Jaune d’Apt
– Antoine Brachet, Co-Président de Démocratie Ouverte
– Cécile Calé, Agrégé Chercheur Arts & Philosophie politique, Co-Fondatrice Cercle Spiridion & Coop Cité Arts & Démocratie
– Mikael Carpentier, Gilet Jaune, référent Châteaurenard et membre du MTRF (Mouvement des Transmetteurs Réunis Français)
– Francois Cathelineau, Co-président de Tous Elus
– Hervé Chaygneaud-Dupuy, Innovateur sociétal et blogueur, membre de Démocratie Ouverte
– Tarik Chekchak, Directeur du pôle biomimétisme, Institut des Futurs souhaitables
– Enora Conan, Co-fondatrice du Labo de Démocratie Ouverte
– Danielle Le Coq, Gilet Jaunes, co-administratrice plateforme des revendications Bretagne, co-administrateur www.le-vrai-debat.fr
– Julian Couderc, Citoyen, Gilet jaune et Modérateur groupe Facebook
– Lydie Coulon, Gilet Jaune, co-administratrice plateforme des revendications PACA et plateforme nationale www.le-vrai-debat.fr
– Dimitri Courant, chercheur en science politique, Université de Lausanne et Université Paris 8, spécialiste des assemblées citoyennes
– Laurie Debove, journaliste
– Carole Delga, Présidente de la Région Occitanie Pyrénées-Méditerranée
– Alexandre Detroux, ingénieur de concertation chez Bluenove
– Valérie Deldrève, directrice de recherche en sociologie, Irstea Bordeaux
– Quentin Desvigne, fondateur de Demodyne
– Cyril Dion, écrivain, poète et militant écologiste français, réalisateur du film « Demain »
– Céline Evita, Fondatrice consultante Réponses Citoyennes, membre de Démocratie Ouverte
– Eric Favre, simple citoyen de Seine-et-Marne, Gilet vert, bénévole du mouvement colibris
– André Feigeles, citoyen solidaire membre du Cercle des engagés de Démocratie Ouverte, Commission économique Nuit Debout, Conseiller de Quartier Paris.
– Frédéric Fleurié, Les-Gilets-Jaunes.re, plateforme de démocratie ouverte à l’île de la Réunion, co administrateur de la plateforme nationale www.le-vrai-debat.fr
– Jean-Marc Fortané, Président du MTRF (Mouvement des Transmetteurs Réunis Français) et co-initiateur de Fédération Citoyenne
– Jean-Baptiste de Foucauld, coordinateur du Pacte civique
– Jean-Michel Fourniau, président du GIS Démocratie et Participation
– Bruno Fournier, Gilet Jaune d’Apt
– Charles Fournier, Vice Président région centre Val de Loire
– Didier Fradin, La Belle Démocratie, Groupe de travail sur le Municipalisme
– Claude Grivel, Président de l’Union Nationale des Acteurs du Développement Local (Unadel)
– Florent Guignard, co-fondateur du journal Le Drenche
– Pierre-Yves Guihéneuf, délégué général de l’Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne (ICPC)
– Pierre Guilhaume, coordinateur du Pacte civique. Guillaume Ginier, membre et administrateur d’Astérya
– Clément Girard, consultant D21 et militant associatif, membre de Démocratie Ouverte
– Léa Giraud, Animatrice de communautés de Démocratie Ouverte
– Manon Godefroi, coordinatrice de la vie associative, du développement et de la mobilisation d’Astérya
– Pierre-Louis Guhur, co-fondateur du collectif Mieux Voter
– Philippe Honigman, Co-fondateur de Tribute
– Mathilde Imer, Co-Présidente de Démocratie Ouverte, co-coordinatrice de la campagne «On Est prêt», et co-productrice de la vidéo de diffusion de la pétition «L’Affaire du Siècle»
– Luc Jacob, Gilet jaune, co-administrateur plateforme des revendications Bretagne et plateforme nationale www.le-vrai-debat.fr
– Antonin Jourdan, responsable technique iD CITY , civic-tech
– Janique Laudouar, fondatrice Le Blog de la Ménagère
– Brice Jehanno, Co-fondateur de Tous élus
– Julien Joxe, directeur marchés francophones CitizenLab.
– Danielle Kerbrat, Gilet Jaune, Association France Unité, référents Marseille
– Sophie Labrunie, membre et administratrice d’Astérya
– Mathieu Labonne, directeur du Mouvement Colibris
– Ninon Lagarde, Co-présidente de Tous élus
– Henri Landes, co-fondateur de Landestini et CliMates ancien Directeur Général de la fondation Good Planet
– Claudy Lebreton, Membre de Démocratie Ouverte et ancien président de l’ADF.
– Armel Le Coz, Co-fondateur de Démocratie Ouverte et Parlement et Citoyens
– Claire Lejeune, responsable du bouquet Transition Ecologique chez Bleu Blanc Zebre
– Anne-Elise Lenne, animation de concertations avec co-création de contenu multimédia en temps réel Cycla Wap
– Franck Lenoir, membre de Démocratie ouverte
– Olivier Lenoir, Co-fondateur d’Osons Ici et Maintenant
– Patrice Levallois, 4ème chambre
– Simon Leurent, Co-fondateur d’Osons Ici et Maintenant
– Cécile Lizé, co-coordinatrice des Connecteurs citoyens et administratrice d’Astérya
– Vianney Louvet, co-président de Tous Elus
– Clément Mabi, maître de conférences, Université de Technologie de Compiègne
– Basile Mace de Lepinay, Co-responsable de l’antenne parisienne de I-buycott Antoine Jestin, co-fondateur iD CITY, civic-tech
– Flora Magnan, cofondatrice de l’outil de lobbying citoyen United4Earth
– Camille Marguin, Co-présidente de Tous Elus
– Fabien Martre, co-fondateur de Livedem
– Jean Massiet, Fondateur d’Accropolis
– Bernard Mérigot, Président de Territoires et Démocratie Numérique Locale (TDNL)
– Angélica Montes, philosophe, chercheuse associée au LLCP, Université Paris 8.
– Paloma Moritz, réalisatrice à Spicee média, co-fondatrice de Mieux Voter
– Catherine Neveu, directrice de recherche au CNRS, Tram-IIAC
– Anne-Sophie Novel, Journaliste et fondatrice de Place to B
– Kathleen Olanor, membre et administratrice d’Astérya
– Cécile Ostria, Directrice générale de la Fondation pour la Nature et l’Homme
– Chloé Pahud (co-fondatrice) et toute l’équipe de Civocracy
– Olivier Pastor, co-fondateur de l’Université du Nous
– Magali Payen, fondatrice de la campagne « On Est Prêt » et co-productrice de la vidéo de diffusion de la pétition « L’Affaire du Siècle »
– Nils Pedersen, Président de La Fonda
– Bertrand Pancher, Président de Décider Ensemble
– Aurélien Paccard, Institut des Futurs souhaitables
– Dominique Poirier, Retraité, ex “Architecte fonctions collaboratives” à la DGA
– Henri Poulain, Réalisateur, co-auteur et co-producteur du programme #DataGueule et réalisateur du film Démocratie(s)
– David Prost, gilet jaunes du vaucluse co-administrateur de la plateforme revendications PACA et plateforme nationale Le Vrai Débat
– Simon Quatrevaux, responsable conseil et développement iD CITY , civic-tech
– Sylvain Raifaud, adjoint à la maire du Xème arrondissement de Paris
– Gabriel Ray, Gilet jaune, co-administrateur plateforme des revendications Toulouse, co-administrateur www.le-vrai-debat.fr
– Alain Renk, Co-fondateur 7 Milliards d’Urbanistes
– Jean-Rémy Ricordel, citoyen engagé.
– Juliette Rohde, co-fondatrice de Saisir
– Julien Roirant, président d’AgoraLab
– Steven Rostren, Gilet Jaune, co-administrateur plateforme des revendications Bretagne, co-administrateur www.le-vrai-debat.fr
– Maxime de Rostolan, Fondateur de Fermes d’Avenir et Blue Bees
– Marion Roth, Directrice Décider Ensemble
– Gabriel Rouqueirol, Gilet Jaune d’Apt
– Quentin Sauzay, Co-fondateur du lobby citoyen ECHO
– Maxime Senzamici, Co-fondateur de l’outil de lobbying citoyen United4Earth
– Grégory Signoret, Gilet jaune du Vaucluse co-administrateur de la plateforme revendications PACA et plateforme nationale www.le-vrai-debat.fr
– Thomas Simon, Démocratie Ouverte et Co-fondateur de Les voies de la démocratie
– Yves Sintomer, professeur de sciences politiques à l’université de Paris
– Martin Serralta, Prospective des organisations Institut des Futurs souhaitables
– Blandine Sillard, administratrice d’Astérya et doctorante en science politique à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne
– Elfaniel Sonnard, Citoyenne Gilet jaune et Modératrice groupe Facebook
– Romain Slitine, Co-fondateur de Système D, l’incubateur de Démocratie Ouverte et auteur de Le Coup d’Etat citoyen (La Découverte)
– Maxime Souque, Gilet Jaune, Référent Avignon Sud, co-administrateur plateforme des revendications PACA, co-administrateur www.le-vrai-debat.fr
– Joe Spiegel, Maire de Kingersheim
– Julien Talpin, chargé de recherche au CNRS, Ceraps
– Vincent Tardieu, coordinateur du pôle Inspirer, Colibris
– Frédéric Tinel, Gilet Jaune d’Apt
– Marie Toussaint, Présidente de Notre Affaire à Tous, une des 4 ONG portant le recours en justice « L’Affaire du Siècle »
– Jacques Trentesaux, journaliste et co-fondateur de Mediacités
– Laurence Tubiana, professeur à Sciences Po
– Valérie Urman, journaliste, membre de Démocratie Ouverte
– Marie Valéro, Gilet Jaune référente au Thor. Membre du cercle de gouvernance de la plateforme des revendications PACA et de www.le-vrai-debat.fr
– Aurélien Vernet, co-fondateur de CLIC (Citoyennes.ens lobbyistes d’intéret commun) : lobby-citoyen.fr
– Jean-Luc Verreaux, Délégué Général Institut des Futurs souhaitables
– Laetitia Veriter, Directrice des programme de Citizens for Europe
– Clément Viktorovitch, docteur en science politique, fondateur de l’Université populaire Politeia
– Stéphane Vincent, Délégué général et cofondateur de La 27e Région et administrateur des Halles Civiques
– Patrick Viveret, Co-fondateur des dialogues en humanité

Charte du Grand débat national, 2019.

DOCUMENT

LE GRAND DÉBAT NATIONAL


À l’initiative du Président de la République, le Gouvernement engage un grand débat national sur quatre thèmes qui couvrent des grands enjeux de la nation : la fiscalité et les dépenses publiques, l’organisation de l’Etat des services publics, la transition écologique, la démocratie et la citoyenneté.
Depuis quelques semaines, les maires ont ouvert leurs mairies pour que les citoyens puissent commencer à exprimer leurs attentes. Notre pays va désormais entrer dans une phase plus ample et lancer sur l’ensemble du territoire, des débats locaux, afin qu’un grand dialogue national s’engage entre tous et que chaque citoyen puisse y contribuer.
Des débats partout en France
Chacun peut organiser un débat que ce soit à l’échelle du quartier, du village ou de la région. Afin de recueillir au mieux la parole citoyenne sur le terrain, la mission du grand débat national propose des kits d’organisation et des présentations des thématiques pour la tenue des débats et des stands. En parallèle, tous les citoyens pourront contribuer en ligne, sur une plateforme numérique dédiée qui permettra de déposer des contributions. Enfin, des conférences de citoyens tirés au sort seront mises en place dans chaque région pour échanger sur les analyses et propositions issues des différents débats.
Pour quoi faire ?
Il s’agit d’envisager des solutions pour l’avenir du pays sur des problématiques majeures. Le Gouvernement propose quatre thèmes de débats :
Les étapes
Toutes les contributions seront remontées pour permettre une analyse approfondie à la fois quantitative et qualitative et ainsi nourrir une restitution placée sous le contrôle et la responsabilité de garants.
Elles permettront de forger un nouveau pacte économique, social et environnemental et de structurer l’action du Gouvernement et du Parlement dans les prochains mois.
Comment participer ?
Dès le 15 janvier, la plateforme numérique du grand débat national permettra à tous les citoyens, élus, organisations à but lucratif ou non lucratif souhaitant organiser des réunions locales de s’enregistrer et de recevoir le kit d’accompagnement des réunions et toutes les informations nécessaires pour la bonne tenue des débats.
I. La transition écologique
  • Comment finance-t-on la transition écologique : par l’impôt, par les taxes et qui doit être concerné en priorité ?
  • Comment rend-on les solutions concrètes accessibles à tous, par exemple pour remplacer sa vieille chaudière ou sa vieille voiture ? Quelles sont les solutions les plus simples et les plus supportables sur un plan financier ?
  • Quelles sont les solutions pour se déplacer, se loger, se chauffer, se nourrir, qui doivent être conçues plutôt au niveau local que national ? Quelles propositions concrètes faire pour accélérer notre transition environnementale ?
  • Comment garantir scientifiquement les choix que nous devons faire à cet égard ? Comment faire partager ces choix à l’échelon européen et international pour que nos producteurs ne soient pas pénalisés par rapport à leurs concurrents étrangers ?
II. La fiscalité et les dépenses publiques
  • Comment pourrait-on rendre notre fiscalité plus juste et plus efficace ? Quels impôts faut-il à vos yeux baisser en priorité ?
  • Quelles sont les économies qui semblent prioritaires à faire ?
  • Faut-il supprimer certains services publics qui seraient dépassés ou trop chers par rapport à leur utilité ? A l’inverse, faut-il entrevoir des besoins nouveaux de services publics et comment les financer ?
III. La démocratie et la citoyenneté
  • Faut-il reconnaître le vote blanc ? Faut-il rendre le vote obligatoire ?
  • Faut-il, et dans quelles proportions, limiter le nombre de parlementaires ou autres catégories d’élus ?
  • Quel rôle nos assemblées, dont le Sénat et le Conseil économique, Social et Environnemental doivent-ils jouer pour représenter nos territoires et la société civile ? Faut-il les transformer et comment ?
  • En outre, une grande démocratie comme la France doit être en mesure d’écouter plus souvent la voix de ses citoyens. Quelles évolutions envisager pour rendre la participation citoyenne plus active, la démocratie plus participative ?
  • Faut-il associer davantage et directement des citoyens non élus, par exemple tirés au sort, à la décision publique ?
  • Faut-il accroître le recours aux référendums et qui doit en avoir l’initiative ?
  • Comment améliorer l’intégration dans notre Nation ? En matière d’immigration, une fois nos obligations d’asile remplies, faut-il fixer des objectifs annuels définis par le Parlement ? Que proposer afin de répondre à ce défi qui va durer ?
  • Comment renforcer les principes de la laïcité française, dans le rapport entre l’Etat et les religions de notre pays ? Comment garantir le respect par tous de la compréhension réciproque et des valeurs intangibles de la République ?
IV. L’organisation de l’Etat et des services publics
Dans un monde qui change, dans une France où les mouvements de populations n’ont jamais été aussi massifs depuis 20 ou 30 ans, il est nécessaire de rendre les administrations et les services publics plus accessibles, plus efficaces et plus transparents.
  • Y a-t-il trop d’échelons administratifs ou de niveaux de collectivités locales ?
  • Faut-il renforcer la décentralisation et donner plus de pouvoir de décision et d’action au plus près des citoyens ? A quels niveaux et pour quels services ?
  • Comment l’Etat devrait-il être organisé et comment peut-il améliorer son action ? Faut-il revoir le fonctionnement de l’administration et comment ?
  • Comment l’Etat et les collectivités locales peuvent-ils s’améliorer pour mieux répondre aux défis de nos territoires les plus en difficulté ?
C’est en s’interrogeant collectivement que l’on pourra y répondre.
Pour toutes vos questions sur le Grand Débat  (N° Vert)
Pour la France métropolitaine : 08 00 97 11 11
Pour l’Outre-Mer : 01 82 71 03 39
RÉFÉRENCES DU DOCUMENT
https://www.gouvernement.fr/le-grand-debat-national

RÉFÉRENCES DE L’ARTICLE

1. DÉMOCRATIE OUVERTE, « Lettre ouverte au Président de la République. Réussir le Grand Débat National : pour un nouveau souffle démocratique », 23 janvier 2019. https://democratieouverte.org/blog/lettre-ouverte-au-president-de-la-republique-reussir-le-grand-debat-national-pour-un-nouveau-souffle-democratique

LÉGENDES DES ILLUSTRATIONS

  • « Chères Françaises, Cher Françaises, Mes Chers compatriotes », Lettre du président de la République Emmanuel MACRON, 15 janvier 2018.
  • Deux signataires de la Lettre ouverte au président de la République sur le Grand Débat National (2019) : Loïc BLONDIAUX, professeur à l’université de Paris I Panthéon Sorbonne et Pierre-Yves GUIHÉNEUF, délégué général de l’Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne (ICPC). Photographie prise lors de la séance de préparation de la charte de la Participation, le 29 janvier 2016, au ministère de l’Environnement. © Photographie Bernard Mérigot / CAD.
  • Charte du Grand débat national, 2019.

ARTICLES EN LIGNE SUR http://savigny-avenir.info

Démocratie participative

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°337, lundi 28 janvier 2019

Territoires et Démocratie numérique locale (TDNL) est un media numérique mis en ligne sur le site http://savigny-avenir.info.
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Référence du présent article : http://www.savigny-avenir.fr/2019/01/28/le-grand-debat-national-2019-a-quelles-conditions-peut-il-constituer-un-nouveau-souffle-democratique-lettre-ouverte-au-president-de-la-republique-icpc/

 

Posted in BLONDIAUX Loïc, Démocratie participative, Grand débat national 2019, GUIHÉNEUF Pierre-Yves, Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne (ICPC), MACRON Emmanuel | Commentaires fermés sur Le Grand Débat National 2019. A quelles conditions peut-il constituer un nouveau souffle démocratique ? Lettre ouverte au Président de la République (ICPC)

Comment préserver les principes démocratiques du débat public ? (CNDP, ICPC)

La Commission nationale du débat public (CNDP) et sa présidente Chantal JOUANO ont été mis en cause à l’occasion de la préparation du « Grand débat national » décidé par Emmanuel MACRON en janvier 2019. Face à ces attaques, l’Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne (ICPC), ses administrateurs, ses membres et ses partenaires ont affirmé leur attachement à l’indépendance et aux principes du débat public dans un texte daté du 16 janvier 2019. Bernard MÉRIGOT, président de Mieux Aborder L’Avenir, membre de l’ICPC, est l’un de ses signataires. (1)

Intervention de Loïc BLONDIAUX lors du colloque international « Le citoyen et la décision publique » organisé par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), 16 juin 2014, La Villette, Paris. © Photographie Bernard Mérigot /CAD.

LE DÉBAT PUBLIC,
OBJET DÉMOCRATIQUE NON IDENTIFIÉ

En matière de débat public, quel est à ce jour le bilan de ce que les institutions de la République ont effectivement mis en place ? Le colloque international  « Le citoyen et la décision publique », qui avait été organisé le 16 juin 2014 par la Commission nationale du débat public à La Villette à Paris, avait procédé à un inventaire et avait tracé les perspectives d’avenir. Le colloque passé, les pouvoirs publics s’empressèrent d’oublier les analyses et les propositions qui avaient été faites. (2)

Nous reviendrons dans un prochain article sur cet objet démocratique non identifié (ODNI) qu’est le « débat public » : depuis les attentes citoyennes, en passant par les promesses politiques, jusqu’aux instrumentalisations dont il est l’objet aujourd’hui.

Dans les années 2000, c’est-à-dire au tournant du siècle, de nouvelles demandes sociales et politiques se sont exprimées. Il n’y a pas été répondu, sinon par la procrastination parsemée de quelques mesures d’apparence.

En ce qui concerne les appels pour une nouvelle constitution, et une VIe République, ils n’ont pas été entendus.  « Nuit debout » (mars – mai 2016) a été un premier signe. Les « Gilets jaunes » (depuis novembre 2018) en sont un nouveau signe.

Aujourd’hui, l’urgence demeure, plus que jamais, avec cette question : comment préserver au sein d’une démocratie (qui est toujours théorique) les principes (qui doivent être nécessairement pratiques) du débat public, du débat citoyen, du débat local ?

« L’Espace du Débat. Tout foutre en l’air ? » est le titre d’une exposition qui s’est tenue du 6 avril au 7 mai 2017 au Pavillon de l’Arsenal à Paris. © Photographie Bernard Mérigot / CAD.

DÉBATTRE OU TOUT FOUTRE EN L’AIR ?

Les artistes et les chercheurs (peintres, architectes, universitaires…) expriment souvent de façon prémonitoire ce qui est latent dans la société. Au moment de la campagne de l’élection présidentielle de 2017, à l’issue de laquelle Emmanuel MACRON sera élu au second tour, une exposition se tient au Pavillon de l’Arsenal à Paris. Elle s’intitule « L’Espace du Débat. Tout foutre en l’air ? ».

Elle se présentait de la façon suivante :

 « À l’occasion des élections, BAOBAB Dealer d’Espaces a investi le Pavillon de l’Arsenal à Paris pour une exposition qui interroge les formes et les rôles du débat d’idées, à l’heure d’Internet et des soulèvements citoyens.

En s’inspirant de configurations spatiales typiques, l’exposition illustre les nouvelles manières d’échanger : positionnement des corps, temps et signes de la prise de parole, symbole des lieux investis. Chacun s’approche, s’agrippe et s’engueule dans un conflit devenu nécessaire puisqu’il  « est déjà la résolution des tensions entre les contraires », entre les hommes et dans la ville.

Partant de la question « Faut-il tout foutre en l’air ? » une vingtaine de contributions artistiques inédites pèsent les mots, investissent de nouveaux lieux d’expression, colportent des textes ordinaires, exposent les réseaux de dialogues souterrains…

À travers l’exposition, émerge l’hypothèse qu’en s’inspirant de la diversité des lieux de débat existants, il sera possible de revivifier les institutions démocratiques, quitte à les secouer ! Avec le cycle de débat s’ouvre la question de savoir pourquoi, où et comment construire des espaces communs d’échanges contradictoires ». (3)

La résonance entre la lecture de ce texte écrit en 2017 avant E.M, et lu en 1919, après E.M. (4) est singulière : « soulèvements citoyens », « conflits devenus nécessaires », « tensions entre les contraires », « réseaux de dialogues souterrains », « revivifier les institutions démocratiques », « cycle de débat ».

Nous retiendrons la fin du texte qui évoque « la question de savoir pourquoi, où et comment construire des espaces communs d’échanges contradictoires ». Nous lui adjoindrons une autre question : la construction d’espaces communs d’échanges contradictoires peuvent-ils résoudre les tensions, les conflits et les soulèvements qui sont nés d’un déficit démocratique ?

RÉFÉRENCES

1. INSTITUT DE LA CONCERTATION ET DE LA PARTICIPATION CITOYENNE (ICPC), « Grand débat 2019 : les principes de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) sont une ressource toujours valable et une chance », 16 janvier 2019,
« Les principes de la CNDP restent une ressource valable et une chance », L’Obs, 17 janvier 2019.

2. « Le citoyen et la décision publique », colloque international organisé par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), 16 juin 2014, La Villette, Paris.

3. Centre d’information, de Documentation et d’Exposition d’Urbanisme et d’Architecture de Paris et de la Métropole parisienne, Pavillon de l’Arsenal, 21 boulevard Morland, 75004 PARIS. http://www.pavillon-arsenal.com/Fr/Expositions/10708-Lespace-Du-Debat.Html

4. Avant E.M. : Avant Emmanuel MACRON (année 2017).
Après E.M. : Après Emmanuel MACRON (année 2017).

LÉGENDES DES ILLUSTRATIONS

  • Intervention de Loïc BLONDIAUX lors du colloque international « Le citoyen et la décision publique » organisé par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), 16 juin 2014, La Villette, Paris. © Photographie Bernard Mérigot.
  • « L’Espace du Débat. Tout foutre en l’air ? » est le titre d’une exposition qui s’est tenue du 6 avril au 7 mai 2017 au Pavillon de l’Arsenal à Paris. © Photographie Bernard Mérigot / CAD.
    Centre d’information, de Documentation et d’Exposition d’Urbanisme et d’Architecture de Paris et de la Métropole parisienne, Pavillon de l’Arsenal, 21 boulevard Morland, 75004 PARIS. http://www.pavillon-arsenal.com/Fr/Expositions/10708-Lespace-Du-Debat.Html


DOCUMENT

LE « GRAND DEBAT » 2019
Les principes de la CNDP
sont une ressource toujours valable et une chance

L’organisation du grand débat national ne sera pas assurée par la Commission Nationale du Débat Public. (CNDP).
Sollicitée par le Premier Ministre, cette autorité administrative indépendante, créée en 1995 et renforcée en 2002 et 2016, est la référence en matière d’organisation de débats sur l’ensemble des grands projets d’aménagement dans notre pays.
  • Elle est chargée de faire appliquer un droit constitutionnel, celui pour tout citoyen de participer à l’élaboration des décisions publiques (art. 7 de la Charte constitutionnelle de l’environnement).
  • Elle est un cas presque unique au monde : celui où une démocratie mature est capable de se doter de tiers neutres pour susciter la participation de tous aux choix publics et prévenir les conflits.
  • Elle est pour cela une source d’inspiration dans de nombreux pays.
La CNDP a fait la preuve de son utilité en organisant de nombreux débats, principalement autour de projets d’aménagement, plus récemment autour de politiques publiques nationales. Elle organise les débats sur la base de trois principes qui en garantissent la qualité démocratique : la transparence des échanges et de l’information, l’obligation d’argumenter toutes les positions et enfin l’égalité de traitement entre tous les acteurs quels qu’ils soient : citoyen, représentant syndical ou associatif, élu, chef d’entreprise, etc.
Elle tire de ces débats des comptes rendus et des bilans qui sont salués pour leur qualité au regard de ces principes. C’est sur la base de ces comptes rendus, de ce matériau qui contient la variété et la richesse des différents points de vue et propositions, que les décisions publiques doivent ensuite être motivées.
Cette expérience, autant que les textes de loi, ont fait de la CNDP une référence dans le débat sur la démocratie participative au cours des dernières années. La CNDP a, en particulier, défendu auprès de nombreux acteurs de la société française, qu’ils soient publics ou privés, le fait que la participation des citoyens à la décision publique contribue à l’intérêt général.
Les praticiens de la participation, au sein des collectivités, des associations ou des entreprises maîtres d’ouvrage, se réfèrent à la CNDP pour porter les exigences démocratiques à toutes les échelles de notre vie publique.
Mais le combat n’est pas encore gagné. Le chemin n’est pas facile car il suppose une évolution de nos pratiques, nos habitudes et références. Certains continuent de penser que la mise en discussion des choix publics doit rester l’affaire des seuls experts ou des décideurs publics ou privés. Or, l’actualité nous montre tous les jours que les citoyens demandent à être entendus et sont en capacité d’apporter une contribution utile aux discussions sur les choix publics. Il faut pour cela que les débats soient préparés, structurés, organisés, valorisés. Il faut qu’ils soient conduits par des animateurs neutres qui n’interviennent pas sur le fond mais qui s’en font l’écho en toute indépendance. Il faut encourager l’expertise pluraliste et l’étude sérieuse des solutions alternatives portées par la société civile. Il faut mettre en place une véritable ingénierie du débat et la CNDP y apporte une contribution significative.
Il faut surtout que ces débats soient effectivement pris en compte par les décideurs : tous les citoyens savent que c’est aujourd’hui leur principale carence. Ce n’est pas le fait de la CNDP mais d’un manque dans la manière de concevoir la décision. Il faut rendre évidente la manière dont il va être tenu compte de cette participation afin d’éviter que l’on puisse dire que la contribution des participants ne sert à rien. Le mode d’emploi n’est pas simple mais il existe des clés. Il ne suffit pas de décider ; il faut décider au regard de la concertation. C’est précisément le défi auquel la présidente de la CNDP, Chantal Jouanno, s’est attelée depuis sa prise de fonction.
En affichant clairement les conditions au prix desquelles le grand débat pouvait être producteur d’une démarche démocratique et permettre la participation de tous, Chantal Jouanno a porté haut la mission de l’institution qu’elle préside. La question du salaire des hauts fonctionnaires ou autres dirigeants, légitime et qui doit être ouverte, ne doit pas occulter d’autres enjeux. On voit bien qu’elle pourrait atteindre l’institution et les valeurs démocratiques qu’elle porte. Pour nous, les remises en causes dont fait l’objet la CNDP à propos du débat national ne sont pas recevables. Tout comme nous avons besoin d’institutions indépendantes du pouvoir dans d’autres domaines, celui de la justice par exemple, il est nécessaire qu’en matière de débat public, la CNDP soit à l’abri de toute pression.
Nous avons besoin d’institutions du débat, compétentes, indépendantes, soucieuses de porter la parole des citoyens, capables de s’affirmer face aux décideurs publics. Nous espérons que ce message sera entendu par les autorités qui prennent à présent la démarche en main, afin qu’elles mettent en place des garanties, indispensables à une confiance minimale des Français-e-s envers ce débat, qui reste une opportunité unique de débattre d’un projet de société et d’un nouveau pacte social. Les principes promus par la CNDP, même en son absence, restent une chance pour ce débat.
Au-delà, nous espérons que la CNDP et l’amélioration de la participation démocratique qu’elle incarne, sera plus largement écoutée par les décideurs publics et privés et sollicitée par les citoyens eux-mêmes.
Etienne BALLAN, Sylvie BARNEZET,  Christophe BEUROIS, Loïc BLONDIAUX, Hélène CAUCHOIX, Judith FERRANDO , Aline GUERIN, Pierre-Yves GUIHENEUF, Pascal JARRY, Clément MABI, Damien MOUCHAGUE, Emeline PERRIN, David PROTHAIS et Gilles-Laurent RAYSSAC, administrateurs et animateurs de l’Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne.
Liste des premiers signataires (au 23 janvier 2019)
Marion ROTH, directrice de Décider Ensemble
Jean-Michel FOURNIAU, Président du Groupement d’intérêt scientifique Démocratie et Participation
Armel LE COZ, Co-fondateur de Démocratie Ouverte
Mathilde IMER, co-Présidente de Démocratie Ouverte
Julie MAUREL
Serge ZETLAOUI, universitaire
Maxime SOURDIN
Charlotte ZUCKMEYER, consultante chez Scopic
Bernard MERIGOT, Territoires et Démocratie Numérique Locale (TDNL).
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Anthropologie et linguistique. La singulière correspondance entre Claude Lévi-Strauss et Roman Jacobson (1942-1982)

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°335, lundi 14 janvier 2019

Pendant quarante années, de 1942 à 1982, l’anthropologue Claude LÉVI-STRAUSS (1908-2009) et le linguiste Roman JACOBSON (1896-1982) ont échangé des lettres. Cette « correspondance »  vient d’être publiée pour la première fois en 2018. (1) Il existait une prédisposition pour que ce corpus, fait de deux ensembles de lettres adressées « de l’un à l’autre, et de l’autre à l’un », soit reconstitué et publié. Car rien ne garantissait à priori leur conservation. Leur contenu n’est pas anecdotique : il concerne l’histoire des idées et l’histoire des sciences humaines et sociales.

Olivier DOUVILLE dans la présentation qu’il a faite lors de la séance du 8 janvier 2019 du Séminaire Anthropologie, psychanalyse et politique (2), a indiqué les trois raisons pour lesquelles cette  publication était précieuse :

  • « elle rend tout d’abord compte de la genèse de l’imposition des modèles linguistiques sur le structuralisme de Claude Lévi-Strauss,
  • elle met en scène l’ambition d’unifier les sciences sociales et les sciences du vivant dans une même approche « holistique » , c’est-à-dire globale (3)
  • elle offre un regard le fonctionnements des institutions auxquelles ont appartenu Claude LÉVI-STRAUSS et Roman JAKOBSON, tant en France qu’aux États-Unis. » (4)

Monique SELIM et Olivier DOUVILLE. « La correspondance entre Claude LÉVI-STRAUSS et Roman JACOBSON : des paradigmes actuels ? » Séance du 8 janvier 2019 du Séminaire Anthropologie, psychanalyse et politique. Regards sur les terrains, Fondation Maison des Sciences de l’Homme (FMSH), Maison Suger, 16 rue Suger, Paris 6e. © Photographie Bernard Mérigot/CAD.

SINGULIÈRES CORRESPONDANCES

Une « correspondance » est un rapport entre des choses ou des personnes. Quel type de rapport ? Quelles choses ? Quelles personnes ? Rapport au temps d’abord, puisque l’échange de lettres entre Claude LÉVI-STRAUSS et Roman JACOBSON dure quarante années, de 1942 à 1982. C’est-à-dire pendant une période considérable par rapport à la vie humaine : elle représente un peu plus d’une génération, ou encore presque un demi-siècle. Il est évident que Claude LÉVI-STRAUSS n’est pas tout à fait le même en 1982 (il a 74 ans) qu’en 1942 (il a 34 an). Pas plus que le Roman JACOBSON n’est le même en 1982 (il a 86 ans) qu’en 1942 (il a 46 ans)

Il faut reconstituer le contexte historique des idées durant cette période qui s’étend depuis le milieu de la Seconde guerre mondiale jusqu’au monde moderne de la fin du XXe siècle, ainsi que leurs deux pays de référence, la France et les États-Unis,  qui passent de Philippe PÉTAIN à François MITTERRAND, et de ROOSEVELT à Jimmy CARTER.

STRUCTURES ET STRUCTURALISME
La Grande affaire

La grande affaire qui les occupe tous les deux, et qui est présente dans leurs échanges, concerne le structuralisme, c’est-à-dire un projet, une invention, une élaboration, une théorie. Le structuralisme les travaille l’un et l’autre.

Le mot de structuralisme désigne un ensemble de plusieurs courants de pensée apparus en sciences humaines et sociales au milieu du XXe siècle. Il s’est organisé à partir des années 1950-1979 autour d’un petit nombre de « personnalités-phares » comme Roman JACOBSON, Claude LÉVI-STRAUSS, Roland BARTHES, Jacques LACAN, Michel FOUCAULT, Louis ALTHUSSER, avant d’envahir les champs linguistiques, anthropologiques, littéraires, psychanalytiques, philosophiques, et médiatiques.

On qualifie le caractère des courants structuralistes, d’holistique, c’est-à-dire de global. Ils ont en commun la notion de structure qui constitue un modèle théorique inconscient, non explicite et non perceptible. Ce modèle établit la forme et l’organisation des objets étudiés en constituant un système, en mettant l’accent davantage sur les relations qui unissent les unités élémentaires, que sur ces unités elles-mêmes.

LES INVARIANTS

Le débat sur les invariants (Pour ou contre les invariants ?) peut sembler à la fois abstrait et dérisoire. Emmanuelle LOYER et Patrice MANIGLIER notent que l’un et l’autre furent « des médiateurs entre l’abstraction de la science  et l’expérience sensible ». Pour preuve, le fait que Claude LÉVI-STRAUSS, faisant l’éloge de Roman JACOBSON en 1982, fixe un objectif :  concilier le sens de la variation et la recherche des invariants, ne pas opposer la passion pour le singulier, le différent, l’unique et le souci des formes universelles.
Faire des structures invariantes des matrices de variation ?  La réponse risque de choquer par sa banalité : nous n’avons rien de commun sinon ce qui nous fait différer les uns des autres ! « Il ne s’agit pas seulement d’appliquer ce principe à l’humanité, mais aussi au concert de la diversité biologique et cosmique », écrit Claude LÉVY-STRAUSS  dans l’éloge qu’il adresse à Roman JACOBSON. On le voit, leur projet est d’ampleur, le désir de théorie est vaste.

Olivier DOUVILLE, « La correspondance entre Claude Lévi-Strauss et Roman Jakobson : Des paradigmes actuels ? », Séminaire de l’Association française des anthropologues (AFA) « Anthropologie, psychanalyse et politique. Regards sur les terrains », Fondation Maison des Sciences de l’Homme (FMSH), Maison Suger, 16 rue Suger, Paris 6e, Séance du 8 janvier 2018. © Photographie Bernard Mérigot/CAD.

L’HISTOIRE DE DEUX COPAINS ?

L’histoire de LÉVI-STRAUSS et de JACOBSON serait tout simplement l’histoire de deux copains. Le premier est né à Bruxelles en 1908. Le second est né à Moscou en 1896. En 1941, ils se rencontrent tous les deux à New York. LÉVI-STRAUSS a 33 ans. JACOBSON a 45 ans. En 1948, LÉVI-STRAUSS quitte New York pour Paris. Et ils vont s’écrire pendant quarante ans, jusqu’en 1982, date de la mort de JACOBSON.

Claude LÉVI-STRAUSS commence par enseigner la philosophie en 1930, puis se spécialise en ethnologie au Brésil. Roman JACOBSON, après des études de linguistique, enseigne à Prague (Tchécoslovaquie), puis au Danemark, en Norvège et en Suède. Roman JACOBSON est professeur à l’université d’Harvard aux États-Unis en 1949. Claude LÉVI-STRAUSS est professeur au Collège de France en 1959 et membre de l’Académie française en 1973. Leurs livres sont des best-sellers dont l’audience touchent les deux côtés de l’Atlantique et au-delà : elle devient mondiale.

HISTOIRE D’INSTITUTIONS

L’un et l’autre sont comblés d’honneurs jusqu’à leur mort, Roman JACOBSON en 1982, et Claude LÉVI-STRAUSS en 2009. L’histoire des deux hommes est aussi une histoire institutionnelle. Les positions qu’ils occupent n’est pas déconnectée des pouvoirs politiques nationaux ou des  instances  internationales (notamment l’UNESCO pour Claude LÉVI-STRAUSS). Chacun est entouré d’une cour d’élèves, de disciples, de proches. Chacune évolue dans le temps au gré des influences concernant les nominations à tel ou tel poste.

LÉVI-STRAUSS, AUTEUR DE SUJETS DE BAC

« Le barbare, c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie », cette phrase extraite de Race et Histoire (1952), est l’un des nombreux textes de Claude LÉVI-STRAUSS à être devenu un sujet de baccalauréat et d’examen scolaire et universitaire. Une telle phrase, permet d’innombrables variations (du genre « Le structuralisme, c’est d’abord l’homme qui croit à la structure »).

Claude LÉVI-STRAUSS est un auteur « du programme » scolaire et universitaire. Sa vie et son oeuvre sont devenues des activités de révision pour le  baccalauréat :

LÉVI-STRAUSS (Claude). Anthropologue né en 1908 à Bruxelles. Son approche des sociétés humaines est structuraliste, en ce qu’il s’attache à déchiffrer des structures invariantes du comportement social. Il tient l’interdit de l’inceste comme l’acte culturel décisif qui fonde la vie sociale, dans la mesure où il témoigne de la règle de l’échange à l’œuvre dans toute société. »
Réviser son bac avec Le Monde,
2013. https://www.lemonde.fr/revision-du-bac/annales-bac/philosophie-terminale/levi-strauss-claude_ix151.html


CONCLUSION

UN RÊVE PARTAGÉ

Comment qualifier Claude LÉVI-STRAUSS et Roman JACOBSON ? Des professeurs ? Des savants ? On serait tenté d’user d’un mot décalé – qui n’existait pas à leur époque – apparu sur les réseaux sociaux dans les années 2010 : celui d’ « influençeurs ». Ils ont été l’un et l’autre deux influençeurs de l’université et du monde des idées. Ils sont à l’origine de multiples rêves.

Rêves personnels. L’anthropologue et le linguiste ont tous les deux partagé un projet : celui d’élaborer une théorie générale unifiant les sciences humaines et les sciences sociales. Cette aventure a porté un nom : le structuralisme. Ils ont rêvé à deux.
Rêves d’études, rêves de recherches, rêves d’enseignement, rêves d’écritures, rêves de publications.
Rêves générationnels. Ils ont fait rêver les sciences humaines et les sciences sociales dans leur ensemble, ils fait rêver les générations nés 1930/1960, celles qui avaient entre 20 et 50 ans dans les années 1950/1980.
Rêves de carrière. Et aussi rêves de « leadership », de position dominante sur les esprits des deux côtes de l’Atlantique.

Ils ont illustré un moment d’échange entre la France et les États Unis, une French Connexion pour reprendre l’expression utilisée par Sylvère LOTRINGER pour qualifier la diffusion des travaux de travaux de Gilles DELEUZE, de Félix GUATARI, de Michel FOUCAULT dans les années 1975. (4)

Bernard MÉRIGOT

La « Résidence Claude Lévi-Strauss à Saint-Denis » (Seine-Saint-Denis). Il existe une anthropologie de la notoriété. Quand, et qui, attribue un nom de personne à une rue, à une école, à une résidence ? 2 décembre 2016. © Photographie Bernard Mérigot/CAD.

RÉFÉRENCES

1. LÉVI-STRAUSS Claude et JACOBSON Roman, Correspondance (1942-1982), Seuil, 2018, 448 p. Traduction de Patrice Maniglier.

2. Le holisme (du grec holos signifiant « la totalité, l’entier ») est un néologisme forgé par l’avocat, militaire, homme d’état et philosophe Sud-africain Jan Christiaan SMUTS (1870-1950) dans son ouvrage Holism and Évolution (1926).

Le holisme :

  • explique qu’un phénomène est un ensemble indivisible et que la somme de ses parties ne suffit pas à le définir,
  • prend en compte « la tendance dans la nature à constituer, au travers d’une évolution créatrice, des ensembles qui sont supérieurs à la somme de leurs parties ».
  • est opposée au réductionnisme qui tend à expliquer un phénomène en le divisant en parties.

3. DOUVILLE Olivier, « La correspondance entre Claude Lévi-Strauss et Roman Jakobson : Des paradigmes actuels ? », Séminaire de l’Association française des anthropologues (AFA) « Anthropologie, psychanalyse et politique. Regards sur les terrains », Fondation Maison des Sciences de l’Homme (FMSH), Maison Suger, 16 rue Suger, Paris 6e, Séance du 8 janvier 2018.

4. Deux articles sur la diffusion de la Schizo-culture française aux États-Unis en 1975 :

Un compte rendu à lire :
LEBIEZ Marc,
« Les pères du structuralisme », En attendant Nadeau, 3 juillet 2018. https://www.en-attendant-nadeau.fr/2018/07/03/levi-strauss-jakobson-correspondance/


LÉGENDES DES ILLUSTRATIONS

  • Monique SELIM et Olivier DOUVILLE. « La correspondance entre Claude LÉVI-STRAUSS et Roman JACOBSON : des paradigmes actuels ? » Séance du 8 janvier 2019 du Séminaire Anthropologie, psychanalyse et politique. Regards sur les terrains, Fondation Maison des Sciences de l’Homme (FMSH), Maison Suger, 16 rue Suger, Paris 6e. © Photographie Bernard Mérigot/CAD.
  • Olivier DOUVILLE, « La correspondance entre Claude Lévi-Strauss et Roman Jakobson : Des paradigmes actuels ? », Séminaire de l’Association française des anthropologues (AFA) « Anthropologie, psychanalyse et politique. Regards sur les terrains », Fondation Maison des Sciences de l’Homme (FMSH), Maison Suger, 16 rue Suger, Paris 6e, Séance du 8 janvier 2018. © Photographie Bernard Mérigot/CAD.
  • La « Résidence Claude Lévi-Strauss à Saint-Denis » (Seine-Saint-Denis), 2 décembre 2016. Il existe une anthropologie de la notoriété. Quand et qui attribue un nom de personne à une rue, à une école, à une résidence ? © Photographie Bernard Mérigot/CAD.

Articles d’Olivier DOUVILLE sur Claude LÉVI-STRAUSS (en ligne)

Olivier DOUVILLE est l’auteur de nombreuses publications. Parmi celles qui portent sur Claude LÉVI-STRAUSS, certaines sont en ligne. Nous citerons :

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°335, lundi 14 janvier 2019


CET ARTICLE EST CITÉ PAR :

DOUVILLE Olivier, « La singulière correspondance entre Claude Lévi-Strauss et Roman Jacobson (1942-1982). Présentation par Olivier Douville », Mis en ligne le 2 novembre 2020.
Présentation par O. Douville La singulière correspondance entre Claude Lévi-Strauss et Roman Jacobson (1942-1982)
http://olivierdouville.blogspot.com/2020/11/presentation-par-o-douville-la.htmlhttp://olivierdouville.blogspot.com/2020/11/presentation-par-o-douville-la.html


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Les Gilets jaunes posent la question de l’urgence démocratique

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°334, lundi 7 janvier 2019

GILETS JAUNES : L’URGENCE DÉMOCRATIQUE

Le mouvement des Gilets jaunes est remarquable, à bien des titres, spécialement parce que les aspirations à plus de justice sociale y apparaissent fortement associées à l’attente d’une transformation profonde de la démocratie, dans toutes ses dimensions. Le système institutionnel bien sûr, mais aussi la représentation de toutes les catégories sociales, ou encore les formes multiples de la participation démocratique et la prise en charge d’intérêts structurellement marginalisés sont questionnés.

Nous, chercheurs et chercheuses en sciences humaines et sociales, assemblés au sein du Groupement d’intérêt scientifique « Démocratie et participation », sommes interpellés par ce que nous interprétons comme un appel à une république plus « participative » et par des pratiques qui s’attachent d’ores et déjà à la mettre en œuvre au quotidien, entre citoyennes et citoyens.

Sans être formulé dans ces termes – la démocratie participative n’étant pas explicitement revendiquée – cet appel prend cependant forme au croisement de propositions plus ou moins creusées qui s’y rattachent fortement : assemblée citoyenne, référendum d’initiative populaire, débats décentralisés.

  • Ces revendications démocratiques, leur émergence comme leur structuration via l’usage des réseaux sociaux ou l’organisation d’assemblées populaires, témoignant d’une profonde défiance à l’égard de la représentation et d’une aspiration à l’horizontalité, ne sont pas en elles-mêmes nouvelles.
  • Ce qui est plus original, c’est qu’elles ne sont pas portées par le petit cercle de leurs promoteurs habituels. Autrement dit, alors que nous observons et contribuons depuis des années à des expériences participatives souvent pensées et pratiquées du haut vers le bas, une forme de demande sociale s’exprime sous nos yeux.
  • Il serait tentant d’annoncer aux Gilets jaunes que les dispositifs participatifs ne manquent pas et que nous sommes prêts à leur en livrer le mode d’emploi. Ce serait pourtant contraire à notre posture de chercheurs et de chercheuses en participation, et présomptueux, de considérer que les réponses institutionnelles et procédurales aux attentes démocratiques des Gilets jaunes existent, que nous n’avons pas besoin de leurs propositions et qu’il suffirait d’élargir ou de généraliser ce qui se fait déjà.
  • De surcroît, l’aspiration à une vie démocratique ne saurait être enfermée dans quelques solutions procédurales vite digérées. D’autant moins que de multiples expériences participatives, aussi étudiées et renseignées soient-elles, montrent d’importantes limites tant dans leur capacité à élargir le spectre de « ceux qui participent » que dans leur influence réelle sur les décisions. Par contre, l’observation et l’étude de ces dispositifs, que les chercheurs et chercheuses réunis au sein du Gis mènent depuis plusieurs années, peuvent fournir de précieux éléments sur les opportunités mais aussi sur les risques de ce qui va se construire dans les semaines et les mois qui viennent.
  • Prise au sérieux, la participation conduit d’abord à ouvrir de vraies possibilités de débats pluralistes, d’interpellation et de proposition pour les citoyennes et citoyens, et à garantir leur indépendance en dehors des échéances électorales. Cela peut concerner l’ensemble des politiques publiques (notamment économiques, fiscales et monétaires), et ce à tous les niveaux.
  • Elle conduit ensuite à reprendre à nouveaux frais la question de l’articulation de cette démocratie participative avec la démocratie représentative, dont les limites sont bien établies à tous les échelons territoriaux, de la commune à l’Europe. De plus, la participation ne saurait conduire à délégitimer les autres formes d’expression ou d’expérimentation démocratiques, y compris celles qui s’expriment sur un mode radical.
  • Nos recherches montrent à cet égard que la vitalité des formes plus conflictuelles d’interpellation est bien souvent une condition d’épanouissement des dispositifs participatifs comme d’aboutissement de décisions mieux ajustées à l’état réel de notre société.
  • Enfin, pour être crédible, la concertation à venir doit s’entourer de toutes les garanties désormais bien identifiées (marges de manœuvre politique, moyens financiers et humains cohérents, animation neutre et indépendante, calendrier réaliste…). La réunion de ces conditions suppose à minima l’assurance de la transparence des échanges et un contrôle démocratique sur le traitement, les synthèses et les comptes rendus de l’immense matériau qui sera rassemblé, ainsi qu’un retour sur l’usage qui en sera fait dans les décisions publiques, justifiant ce qui est gardé ou non des propositions faites dans le débat.

Au-delà de cette expérimentation à laquelle nous sommes prêts à contribuer, nous réaffirmons l’urgence sociale, politique et environnementale d’une vie démocratique, parce que celle-ci conditionne la capacité de nos sociétés à aborder de front les déchirures qui la traversent et à relever les défis à venir.

La direction collégiale et le Conseil scientifique
Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS) Démocratie et Participation

RÉFÉRENCES

DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION (Groupement d’intérêt scientifique, GIS), « Gilets jaunes : l’urgence démocratique », 15 décembre 2018. Texte signé par la Direction collégiale et le Conseil scientifique du GIS Démocratie et Participation. http://www.participation-et-democratie.fr/fr/content/gilets-jaunes-lurgence-democratique

DOCUMENT

Liste des membres du Conseil scientifique du
« Groupement d’intérêt scientifique (GIS) Démocratie et participation »

Le Conseil scientifique est présidé par Catherine Neveu, anthropologue, directrice de recherche au CNRS, TRAM-IIAC
Simone Abram, professeure d’anthropologie à l’Université Durham (GB)
Marie-Hélène Bacqué
, professeure de sociologie à l’Université Paris 10-Nanterre, directrice du laboratoire Mosaïques (LAVUE)
Rémi Barbier
, sociologue, professeur à l’École Nationale du Génie de l’Eau et de l’Environnement de Strasbourg (ENGEES), GESTE (GEStion Territoriale de l’Eau et de l’Environnement) – IRSTEA
Loïc Blondiaux
, professeur de science politique à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, CRPS-CESSP
Mathieu Brugidou
, politiste, directeur de recherche au GRETS-EDF et à Pacte
Francis Chateauraynaud
, sociologue, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, GSPR-EHESS
Marie-Anne Cohendet
, professeure de droit constitutionnel à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, ISJPS
Agnès Deboulet
, professeure de sociologie à l’Université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis, CRH-LAVUE
Valérie Deldrève
, sociologue, directrice de recherche à l’Irstéa, ETBX
Patrice Duran
, professeur de sociologie à l’École Normale Supérieure de Paris-Saclay, ISP
Maria Inés Fernandez Alvarez,
professeur d’anthropologie à l’Université de Buenos Aires
Joan Font
, directeur de recherche, Instituto de Estudios Sociales Avanzados, Consejo superior de investigaciones scientificas (Córdoba)
Mario Gauthier
, professeur agrégé d’aménagement à l’Université du Québec en Outaouais (UQO), Département des sciences sociales
Corinne Larrue
, professeure d’aménagement à l’Université Paris-Est, directrice de l’École d’urbanisme de Paris, Lab’Urba
Sylvain Lavelle
, philosophe, ICAM Paris-Sénart et Institut Hylès, Centre Éthique, Technique et Société (CETS)
Rémi Lefebvre
, professeur de science politique à l’Université de Lille 2, CERAPS
Eeva Luhtakallio
, associate professoren sociologie à l’Université de Tampere (Finlande)
Noortje Marres
,STS,associate professeur à l’Université de Warwick (GB), Center for interdisciplinary methodologies
Catherine Neveu
, anthropologue, directrice de recherche au CNRS, TRAM-IIAC
Emmanuel Picavet
, philosophe, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Phico
Sandrine Rui
, maîtresse de conférence en sociologie à l’Université de  Bordeaux, Centre Émile Durkheim et Cadis-EHESS
Fabrice Ripoll
, maître de conférence en géographie sociale à l’Université Paris-Est-Créteil, Lab’Urba
Yves Sintomer
, professeur de science politique à l’Université Paris 8, chercheur invité à l’Université de Neufchâtel, chercheur associé au Centre Marc Bloch (Berlin), CRESPPA
Marie-Gabrielle Suraud
, professeure de sciences de l’information et de la communication à l’Université de Toulouse 3, CERTOP
Stéphanie Tawa Lama-Rewal
, Politiste, chargée de recherche au CNRS, CEIAS
Sophie Wahnich
, historienne, directrice de recherche au CNRS, IIAC-TRAM
Stéphanie Wojcik
, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris-Est Créteil, Ceditec
Joëlle Zask
, maîtresse de conférences en philosophie à l’Université d’Aix-Marseille, Institut d’histoire de la philosophie

BIBLIOGRAPHIE

Liste de publication à partir du 10 décembre 2018. Mise à jour le 8 janvier 2019.

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°334, lundi 7 janvier 2019

COMMENTAIRE
Philippe TANCELIN, 2 janvier 2019

LE ROND-POINT DES GILETS JAUNES

 Révélation d’une avant-garde…
La grande peur d’une apparition

Philippe TANCELIN

Par un vent glacial et puissant qui accentue le ressenti de froid et malgré les quelques braseros dont les lueurs réchauffent plus les esprits que les corps, ils sont cette nuit de la Saint Sylvestre 2018, vers 22 heures, un peu plus d’une centaine de gilets jaunes sur le grand rond-point d’Aubenas en Ardèche. Quelques drapeaux tricolores sont plantés au sommet de modestes tentes-abris. Au centre de la partie blanche du drapeau, un poing levé suivi du dessin du département.

D’abord, c’est le partage de sourires illuminés de tendresse qui circule d’un regard, d’un visage à l’autre sans hésitation, à l’adresse de tout venant avec gilet ou non, puis c’est le partage encore, celui de nourritures apportées par chacun et chacune, et offertes ici simplement, généreusement par les mains tendues. Certaines de ces mains sont frêles, d’autres plus marquées par le dur ouvrage. Elles émergent de plusieurs couches de tricots, blousons, anoraks pour affronter les bourrasques.

Ensuite c’est la parole, tel un fleuve puissant et régulier qui file de lèvres en lèvres, liées par une même joyeuse pensée critique. Elle s’anime d’une singularité d’expressions habitées du réel qui transforme à cœur ouvert la langue de communication en une corne d’abondance d’échanges.

Là, on vit au présent, on profère, on témoigne de cette mutuelle reconnaissance d’être debout ensemble à contre-courant des logiques politiciennes. On s’encourage à une écriture collective de l’histoire, une autre histoire surgie de manière atypique, subversive qui lance un défi à sa propre mémoire populaire. On s’enflamme par l’imaginaire d’un lendemain fier de la dignité recouvrée grâce à l’héritage de résistances en train de se constituer et de se transmettre aux enfants et petits enfants…

Sur l’herbe rase du rond-point, derrière les tentes se dressent en mémoire des morts du mouvement onze croix blanches ceintes de fragments de gilets jaunes.

Lors, d’autres sont venus… ils sont près de deux cents, dos aux centres commerciaux, les yeux vers la plaine et au loin les collines. On découvre un étonnant mélange de générations, depuis les plus adolescents, leurs grands frères et sœurs, leurs parents dansant au rythme des flammèches qui s’échappent des braseros, jusqu’aux plus âgés des grands-parents et même arrière grands-parents, siégeant sur leur chaise de camping, couvertures polaires aux genoux. Ils rient d’un bon rire qui refuse bien les vœux d’un Président imbu « du pouvoir qui lui a été malencontreusement prêté mais qui appartient au peuple qui le reprend » avec ses chants comme celui des « partisans » selon une écriture magistralement actualisée.

« Vaut mieux mourir debout que de vivre à genoux », « Ne lâchons pas nos enfants face aux lâchetés des possédants » peut-on lire sur les gilets.

Si d’aucuns entre les nantis, les éclairés, les élites et parmi eux tant d’autres « assis » se demandent aujourd’hui « qu’est-ce que le peuple ? » « Où est le peuple ? »  « Qui se prétend peuple ? ». Qu’ils apprennent et sachent entendre ceci : OUI depuis deux mois en France et pour une durée qui n’appartient qu’au courage de la Fraternité lorsqu’elle sort de ses gravures dans la pierre des édifices pour retrouver la ronde vivante des indignés, des révoltés, oui, le PEUPLE se réinvente dans une nomination qu’il prononce nouvellement. Il crée, écrit les événements de tout son corps pensant avec une orthographe du combat de l’imaginaire, selon d’autres conjugaisons de manifestations, d’étonnants tissages de solidarités, de bouleversants accords de participes avec les auxiliaires avoir et être qui ont été détournés par les grands propriétaires d’actions et de pensée du progrès ou encore d’une post-modernité anesthésiante.

Oui il serait temps de percevoir l’intelligence et la créativité, de cette avant-garde révélée de femmes et d’hommes dessinant le vrai visage d’un peuple libre dont on dissimule la lucidité sous le voile de « gilets jaunes radicaux » quand ils écrivent sur certaines de leurs affiches :

« Sachez bien une chose, ce mouvement des gilets jaunes est surement l’une des dernières révoltes populaires de masses, possible en France. Dans les prochaines années, l’intelligence artificielle, la reconnaissance faciale, les techniques de maintien de l’ordre et de surveillance empêcheront les peuples de se soulever. Pensez-y avant de raccrocher le gilet. »

Cette avant-garde sur le grand rond-point d’Aubenas ou de tant d’autres ailleurs en le premier de l’an 2019, porte à voix haute et à visage découvert le véritable poème d’habiter autrement la vie et le monde, de les aimer, de s’aimer d’une juste manière humaine.

La sage pensée ingénieuse, poétique qui anime pour une large part ce mouvement de révolte contre les injustices et les inégalités, protège aussi la nature. Elle y est chérie et respectée au nom même des signes-répliques par lesquels elle se manifeste face aux attentats que commet contre elle le système économique mondial et les ordures qu’il répand.

Contre une peur certaine de l’autre que suscite notre seul complexe sécuritaire, réapprenons à nous inquiéter les uns des autres à travers ces gilets de protection qui ont la couleur solaire de notre possible humain devenir.

Philippe TANCELIN. Poète-philosophe, 2 janvier 2019

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L’anthropologie politique doit avoir sa place dans l’espace public. Voeux pour l’année 2019 de Bernard Mérigot.

TERRITOIRES ET DÉMOCRATIE NUMÉRIQUE LOCALE

Les mois de novembre et de décembre de l’année 2018, avec leurs manifestations hebdomadaires des « gilets jaunes » chaque samedi, dans toute la France, constituent des symptômes de l’état de santé de la démocratie française. Ils nous obligent à faire un constat réaliste : la communication sociale et politique entre les citoyens et l’État ne répond pas ce que la société française attend de la démocratie dont l’organisation générale est aujourd’hui vieille d’un peu plus de deux siècles. (1)

Aimé CÉSAIRE (1913-2008). Street Art. Portrait peint sur une armoire électrique, 77 rue Saint-Jacques, Paris 5e, « Illustres C215 Autour du Panthéon », 3 décembre 2018. © Photographie Bernard Mérigot.

LA PERTE DE CRÉDIT
DE LA PAROLE DE L’ÉTAT

L’année 2018 demeurera celle d’un moment de décrochage : une majorité de citoyens a manifesté sa perte de confiance à l’égard de la parole de l’État, du gouvernement, de son administration, de ses juges. Le mythe de l’État bienveillant, impartial et protecteur, ce fantasme qu’une majorité de médias en place rappellent d’une façon compulsive, s’est soudain fissuré.

Des hommes, des femmes, des familles ont été lacrimogènéisés, arrosés, frappés, flashballés, interpellés, fouillés, gardés à vue, jugés en comparution immédiate… La simple présence dans la rue s’est transformée en une « participation à une manifestation interdite », la possession d’un masque en papier ou d’un flacon de collyre ophtalmique est devenue une preuve. Un tournevis, trouvé dans une poche, s’est transformé en une arme par destination. Au cours de ces journées, nombre de citoyens ont été atteints dans leur dignité et dans leur corps.

Les policiers, envoyés dans la rue pour contenir une situation que les instances politiques n’ont ni voulue, ni sue résoudre – quand elles ne l’ont provoquée par des déclarations – ont été des cibles de substitution. Obéissant aux ordres donnés, leur simple présence ainsi que leurs interventions ont souvent créé des situations d’affrontement qui auraient pu être évitées. Ils ont été les objets d’une violence qui s’adressait en fait aux responsables de l’État : Emmanuel MACRON, président de la République, Édouard PHILIPPE, Premier ministre, aux ministres, aux députés et sénateurs de la majorité gouvernementale, aux fonctionnaires…

LES TENDANCES NÉGATIVES DE LA COMMUNICATION PUBLIQUE

Personne ne peut réfléchir seul, avec ses expériences et ses propres connaissances, à ce type de situation. Nous avons besoin de ceux dont la fonction est précisément de chercher, d’enseigner, et de réfléchir à l’état de nos sociétés. Nous devons les interroger. Que disent-ils ?

« Les formes de communication actuelles aboutissent à des conflits rituels marqués par la brutalité et la simplification des messages » constate le sociologue polonaise Maciej GDULA dans un article intitulé « Perspective de la sociologie dans le nouvel espace public » (« Prospect for Sociology in the New Public Sphere »). Il poursuit en soulignant que des « tendances négatives hantent notre communication publique ». (« negative tendencies haunting our public communication »). (1)

 DONNER UNE VOIX AUX CLASSES POPULAIRES

Maciej GDULA propose une solution simple pour remédier à cette situation : que les disciplines universitaires et scientifiques comme la sociologie, l’anthropologie ainsi que les autres sciences humaines et sociales, par leurs travaux de recherche, occupent une place nouvelle dans l’espace public. Pourquoi ? Parce qu’elles ont une tâche importante à accomplir : « donner une voix réelle au peuple pour qu’il ait une place dans la sphère publique. Pour moi, il est particulièrement important de créer un espace pour les classes populaires et de montrer leurs perspectives et leurs expériences. » (An important task of sociology is to give a real voice to people for whom there is little room in the public sphere. For me it is particularly important to create a space for the popular classes and show their perspectives and experiences »).

PRENDRE POSITION

Les sciences sociales doivent « se positionner », c’est-à-dire se situer par rapport aux autres acteurs de la sphère publique. Comme les deux forces manifestantes le font, les gilets jaunes d’une part, et les forces de l’ordre d’autre part, lorsqu’elles prennent position sur les Champs-Élysées à Paris, dans les rues de Toulouse, de Nantes, de Bordeaux, de Colmar…, sur un rond-point, ou  à un péage d’autoroute.

RÉSISTER AUX PRESSIONS

Pour Maciej GDULA, la démarche des chercheurs en sciences sociales, par sa nature, est distincte et en opposition radicale à celle des journalistes et à celle des politiciens. « La sociologie est différente en raison de sa sensibilité, de ses connaissances, et de son autonomie par rapport aux rivalités pour capter l’attention sociale », ce qui traduit par une « distance par rapport aux pressions des conflits politiques ».

POUR UN DROIT À LA DÉFINITION
DE LA RÉALITÉ SOCIALE ET POLITIQUE

Alors, quels voeux ? Nous reprendrons pour le compte de l’anthropologie politique la conclusion que Maciej GDULA propose comme mission pour la sociologie, qui consiste à « constituer un contrepoids aux autres acteurs de la sphère publique en limitant leur pouvoir ».

Que souhaitons-nous pour l’année nouvelle ainsi que les suivantes ? Tout simplement que le discours pris en considération pour décrire la réalité sociale ne soit jamais – d’une façon unilatérale et verticale – celui des pouvoirs en place. Ni celui du pouvoir d’État, ni celui des moyens de communication institutionnels. Et voir la démocratie, de façon permanente, « remettre en cause la réalité », comme le formule Luc BOLTANSKI, lorsqu’il pose cette question : « Comment maintenir la singularité de chaque expérience tout en favorisant la mise en place d’équivalences permettant des transmissions, des accords, et ce que l’on appelle couramment des mobilisations ? » (3)

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Pour le Groupe Mieux Aborder L’Avenir (MALA)
Bernard MÉRIGOT
Rédacteur en chef

RÉFÉRENCES

1. L’agenda des manifestations des « gilets jaunes » s’énonce, chaque samedi, en terme d’ « actes ». On en compte sept au 31 décembre 2018 : 17 novembre 2018 (Acte I), 24 novembre 2018 (Acte II), 1er décembre 2018 (Acte III), 8 décembre 2018 (Acte IV), 15 décembre 2018 (Acte V), 22 décembre 2018 (Acte VI), 29 décembre 2018 (Acte VII).

2. GDULA Maciej, « Prospect for Sociology in the New Public Sphere », Dialogue, International, Sociological Association (ISA), décembre 2018, n°3, p. 51. (Édition anglaise).
Maciej GDULA est professeur de Sociologie à l’Université de Warsovie (Warsaw), Pologne. « Counterbalance current forms of communication that have a tendency to end in ritual conflicts, in which the brutalization and simplification of the message reign supreme.» 

3. BOLTANSKI Luc, « Remettre en cause la réalité. Un entretien avec le sociologue Luc Boltanski », Global Dialogue, Magazine of the International Sociological Association (ISA), janvier 2017, (Édition française). Entretien avec Laura Chartain et Marine Jeanne Boisson, http://isa-global-dialogue.net/remettre-en-cause-la-realite-un-entretien-avec-le-sociologue-francais-luc-boltanski/

« Écouter la voix des citoyens » est le voeu que le Conseil d’orientation de notre média numérique Territoires et Démocratie numérique locale (TDNL), mis en ligne sur le site http://savigny-avenir.info adresse à tous ses lecteurs pour l’année 2019. Il les remercie de leur fidélité et de leur soutien.

Aimé CÉSAIRE (1913-2008). Street Art. Portrait peint sur une armoire électrique, 77 rue Saint-Jacques, près du carrefour avec la rue des Écoles, Paris 5e, 3 décembre 2018. © Photographie Bernard Mérigot

LÉGENDES DES ILLUSTRATIONS

  • Aimé CÉSAIRE (1913-2008). Street Art. Portrait peint sur une armoire électrique, 77 rue Saint-Jacques, Paris 5e, « Illustres C215 Autour du Panthéon », 3 décembre 2018. © Photographie Bernard Mérigot.
  • Aimé CÉSAIRE (1913-2008). Street-Art. Portrait peint sur une armoire électrique, 77 rue Saint-Jacques, près de l’angle avec la rue des Écoles, Paris 5e, 3 décembre 2018. © Photographie Bernard Mérigot.

Thèmes des vœux de nouvelle année présentés par Bernard MÉRIGOT, rédacteur en chef de de Territoires et démocratie numérique locale (TDNL)de 2010 à 2018.

  • 2019.  «L’anthropologie politique doit avoir sa place dans l’espace public
  • 2018.  « Contre la fin du monde »  (Paul Valéry et Jean-Claude Schmitt).
  • 2017. « Qui s’y frotte, s’y pique » (Ne toquès mi, je poins)
  • 2016. « L ‘événement n’est pas ce qu’on peut voir, mais ce qu’il devient ».
  • 2015. « Paix, solidarités et espérances durables ».
  • 2014. « Les nouvelles exigences du bonheur citoyen »(John Dewey)
  • 2013. « La démocratie, c’est partout, et tout le temps » (Pierre Mendès-France)
  • 2012. « Que nos pratiques correspondent à nos idéaux »
  • 2011. « En finir avec l’exploitation des peurs et des humiliations »
  • 2010. « Regarder l’année passée aussi bien que celle à venir »

Vœux de nouvelle année en ligne sur http://savigny-avenir.info

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Référence du présent article :
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Qu’est-ce que la psychanalyse nous enseigne sur la politique ? Articles en ligne (1971-2018) sur le site http://savigny-avenir.info

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°331, lundi 17 décembre 2018

Être en familiarité avec les concepts et la théorie psychanalytique de Sigmund FREUD, de Jacques LACAN et de ses continuateurs, et avec sa pratique, est à la fois le fruit d’une chance et d’un travail personnel. Cette situation nous charge d’une responsabilité : celle de rendre public le regard que nous portons sur la société et sur l’actualité des relations de pouvoir particulières qui s’exercent dans la vie politique. Elles sont autant de « Territoires de l’inconscient » qui nous interrogent et que nous interrogeons sans cesse.

La psychanalyse et la politique. La vitre brisée n’est pas qu’une métaphore : la réalité subit l’effet du réel. Une constatation : à partir de l’impact « tout est cassé », et pourtant, ça tient encore. Une incertitude : on ne sait pas pour combien de temps. © Photographie de Bernard Mérigot / CAD

LÉGENDE DES L’ILLUSTRATIONS

  • La psychanalyse et la politique. La vitre brisée n’est pas qu’une métaphore : la réalité subit l’effet du réel. Une constatation : à partir de l’impact « tout est cassé », et pourtant, ça tient encore. Une incertitude :  on ne sait pas pour combien de temps. © Photographie de Bernard Mérigot / CAD

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n°331, lundi 17 décembre 2018

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Anthropologie politique de la honte (Emmanuel Macron)

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°328, lundi 26 novembre 2018

« Honte à ceux qui… » : l‘actualité politique occupe l’espace public. Les sentiments y ont-ils une place ? Telle est la question que l’on peut se poser en lisant le tweet qu’Emmanuel MACRON,  président de la République, a envoyé le 25 novembre 2018, au soir du deuxième samedi consécutif de manifestation des « gilets jaunes » sur les Champs-Élysées à Paris, et dans toute la France.

« Honte à ceux… » : l’anaphore de la honte d’Emmanuel Macron, président de la République.Tweet, 24 novembre 2018, 10 : 17.

LA HONTE EST-ELLE UNE MALADIE CULTURELLE ?

Comment définir la honte ? Le dictionnaire du Trésor de la langue française (TLF) en donne la définition suivante. « Honte. Effet d’opprobre entraîné par un fait, une action transgressant une norme éthique ou une convenance (d’un groupe social, d’une société) ou par une action jugée avilissante par rapport à la norme (d’un groupe social, d’une société). »

L’anthropologue américaine Ruth BENEDICT (1887-1948) a publié en 1948 une étude intitulée The Chrysanthemum and the Sword (Le Chrysanthème et le sabre) portant sur le Japon. (1) Elle relève qu’il existe au sein de la société nippone une très forte contrainte morale : ne pas perdre la face et ne pas succomber à la honte.

Elle décrit une société où « chacun est à sa place », où l’ordre et la hiérarchie sont respectés dans le plus petit détail. Les comportements de chaque individu sont précisément fixés, pris dès la naissance dans un réseau de dettes mutuelles. Tout ce que quelqu’un accepte de la part de l’autre fait dette.

La vertu commence avec le remboursement de la dette que l’on doit à sa famille, à la société et à la nation. Le caractère de ces obligations est absolu et les individus doivent s’y soumettre. Tout ce qui fait perdre la face, ou affecte l’honneur, est un affront qui plonge celui qui le subit dans une honte : celle-ci exige un effacement et une réparation. Si l’affront n’est pas lavé, ou si la dette n’est pas payée, il n’y a pas d’autre solution que le suicide.

Au Japon, la honte est donc, aussi bien d’un point de vue anthropologique que d’un point de vue psychanalytique, une affaire sérieuse.

LA HONTE EST UNE RÉTENTION

Revenons en France. Que peut vouloir dire Emmanuel MACRON lorsqu’il parle de honte ? Une confidence ? Les agissements d’individus portant des gilets jaunes m’inspirent de la honte. Un appel collectif à ceux qui partagent ses idées ? Il faut faire honte aux manifestants. Une interpellation individuelle ? Vous n’avez pas honte ?

PLATON, dans La République, note que « la honte, au même titre que la colère, trouve son siège dans le thumos, cet intermédiaire entre les passions et la raison ». (2) La honte est-elle une passion ou une raison ?
Dans les Dialogues, la honte apparaît comme une disposition psychique individuelle primitive qui consiste à «  retenir » ceux qui déchirent la cité en étant à l’origine de la guerre civile et du chaos social. Toute une tradition, philosophique et religieuse, met la honte au cœur d’un dispositif que l’on qualifie de katéchontique. (3)

Le mot nécessite une explication. En grec, le katechon (du grec : τὸ κατέχον, « ce qui retient », ou κατέχων, « celui qui retient ») est un concept biblique (2 Thessaloniciens 2 :6-7) qui est devenu une notion de philosophie politique.

2 Thessaloniciens 2 : 6-7. 6 Et vous savez ce qui le retient maintenant, afin qu’il soit révélé lorsque son temps sera venu. 7 Car le mystère de l’anarchie est déjà à l’œuvre, mais jusqu’à ce que celui qui la retient soit retiré. (4)

La suite de cette deuxième Épître de saint Paul aux Thessaloniciens  évoque (pour la traduction que nous suivons ici), le « travail de Satan qui utilise tout pouvoir, tout signe, toute merveille menteuse et toute sorte de supercherie », ceux « qui refusent d’aimer la vérité », ceux « qui croient ce qui est faux », et enfin la juste condamnation de ceux « qui ont pris plaisir à l’injustice ». (5) Autant d’évocations aux  résonances troublantes lorsqu’on les applique au débat politique.

LE KATECHON ET LE TWEET

Pour Paul VIRNO, philosophe italien, le katechon se situe dans une double configuration :

  • 1. celle de la capacité humaine d’utiliser le langage : ce qui permet de concevoir la négation de quelque chose et qui permet la conceptualisation de quelque chose qui peut être autre que ce qu’il est.
  • 2. celle de comportement bio-anthropologique des humains, en tant qu’ «animaux sociaux », qui permet aux gens de savoir suivre des règles sans avoir besoin d’une règle pour dire comment suivre une règle, puis d’une règle pour dire comment suivre cette règle, et ainsi de suite à l’infini… Un principe qui fait penser au fonctionnement complexe des administrations et des bureaucraties où la règle n’est rien sans la règle de la régle…

1. On peut se servir du premier principe de négation pour analyser dans l’espace public, par exemple, les cas de neutralisation par contradiction, les « effet pervers » (pour une mesure sociale, lorsque l’effet produit est l’inverse du but poursuivi), les inventaires de promesses électorales/bilan de mandat..
2. De même pour le second principe des règles des règles pour se pencher, par exemple, sur le sort des lois votées, inapplicables parce sans décret d’application, ou bien tout simplement inapplicables parce qu’inutiles, ou encore inappliquées faute de moyens…

La honte, dans un cadre politique, n’est jamais invoquée sans raison. Il y a un lien signifiant entre le fait de « se retenir » et celui de « se lâcher ». Wolfgang DRESHSLER – professeur de gouvernance à l’université de Talinn (Estonie) – et Vasilis KOSTAKIS – professeur de gouvernance à l’université de Harvard – interprètent le katechon comme une loi qui, dans le développement technologique contemporain, remplit en même temps deux fonctions : il « limite les dangers immédiats et empêche la société électronique ultime ». Ces auteurs font un étonnant lien entre le katechon et les moyens de communication numérique, les réseaux sociaux, Facebook, Tweeter… La rétention est une façon de ralentir l’inexorable fuite en avant vers le numérique totalitaire. Et pour ce faire, il est pour le moins paradoxal qu’Emmanuel MACRON emprunte précisément la voie numérique de Tweeter.

Emmanuel MACRON, président de la République au Congrès de l’Association des maires de France (AMF), Paris, Porte de Versailles, 23 novembre 2017. © Photographie de Bernard MÉRIGOT, 2017.

L’ANAPHORE DE LA HONTE

Le moyen d’expression politique est nouveau : il est désormais dans l’ordre des choses que les responsables politiques usent – et de ce fait, soient amenés à abuser – des réseaux sociaux. Les présidents des États-Unis Barack OBAMA (2008-2012 et 2012-2016) et Donald TRUMP (élu en 2016) ont inauguré cette pratique. Le président Emmanuel MACRON a fait le choix de Twitter pour s’exprimer le samedi 24 novembre 2018, au soir de la manifestation des « Gilets jaunes » sur les Champs-Élysées à Paris.

« Merci à nos forces de l’ordre pour leur courage et leur professionnalisme». Cette première phrase fait partie des « lieux communs » des discours politiques. D’où vient cette habitude, pour le moindre responsable politique, de passer son temps à féliciter les fonctionnaires qui font leur travail ? C’est comme si on félicitait tous les jours le boulanger qui fait bien son pain, le chirurgien qui fait bien son opération, le conducteur qui conduit bien son bus, le maçon qui fait bien son mur…
L’expression est peut-être sincère (ayons une pensée reconnaissante à l’égard des pompiers, des infirmières, des médecins, par exemple). Mais elle est aussi calculée. La surenchère permanente en matière de compliments est une façon pour le pouvoir politique de réaffirmer son autorité à l’égard de fonctionnaires qui dépendent de lui. La preuve : il n’écrit pas les (forces de l’ordre), mais nos (forces de l’ordre), soulignant une relation d’appartenance, voire de familiarité.

« Honte à ceux qui les ont agressé. Honte à ceux qui ont violenté d’autres citoyens et des journalistes. Honte à ceux qui ont tenté d’intimider des élus.». La honte, ici trois fois répétée, à un nom : l’anaphore, c’est-à-dire la répétition d’un même mot en tête de plusieurs phrase pour obtenir un effet de renforcement et de symétrie.

FAIRE HONTE AUX AUTRES

Pour le psychiatre et psychanalyste Serge TISSERON, il y a un autre mode d’adaptation qu’il qualifie de catastrophique de la honte : c’est de faire honte aux autres. « Lorsque, dans une famille, une organisation syndicale ou politique, quelqu’un fait honte aux autres, vous pouvez être certain que c’est quelqu’un qui a vécu une expérience de honte importante et qui tente de se la cacher à lui-même. En règle générale, la honte est un procédé utilisé par les parents pour imposer leur autorité et c’est également un procédé utilisé dans de nombreuses organisations politiques, syndicales ou professionnelles pour imposer le pouvoir du chef sur les subalternes. C’est un moyen très puissant d’assujettissement. » (6)

L’AFFAIBLISSEMENT DE LA CHOSE PUBLIQUE

On constate que le président de la République, les membres du Gouvernement, et les parlementaires de la majorité invoquent chaque jour – de façon répétitive et stéréotypée – les valeurs de la République ou de la démocratie. Alors que les principes de la pratique politique devraient constituer – après tout – une expérience naturelle, quotidienne et silencieuse, le cadre d’exercice de la chose publique comme étant une chose évidente. Sinon, pourquoi est-il besoin de le rappeler sans cesse ? Les citoyens douteraient-ils de leur mise en application ? Ces principes se trouveraient-ils chaque jour limités, contraints, réduits ?
Pour Alain SUPPIOT et Mireille DELMAS-MARTY, l’omniprésence des déclarations de réarfirmation dans le champ politique, comme dans le champ économique, sont le signe d’une crise juridique de la responsabilité. « L’invocation à tout propos des valeurs de la République ou de la démocratie est un symptôme de leur affaiblissement », écrivent-ils. (7) Il est un fait : la République et la démocratie ne vont plus de soi. Elles sont devenues contradictoires à elles-même. Comme dans le cas des maladies auto-immunes où le corps humain combat ses propres cellules comme si elles étaient des cellules hostiles et invasives.

LE NOUVEAU PARADOXE POLITIQUE

La politique existe de moins en moins. Elle est remplacée de plus en plus par la communication politique qui n’en est qu’un produit dérivé.

L’homme politique est convaincu que plus il communique, plus il fait de la politique. C’est l’inverse qui se produit. Il parle trop. Dans son rapport aux citoyens, il est devenu prisonnier de l’information continue des télévisions, des radios et des réseaux sociaux, illustrant chaque jour par de trop longues prises de parole cet étrange paradoxe : ne pas dire ce que l’on attend qu’il dise, et dire ce que l’on n’a pas envie d’entendre.

En ce mois de novembre 2018, c’est précisément ce qu’expriment – entre autres choses – les « Gilets jaunes ».

Bernard MÉRIGOT

RÉFÉRENCES
1. BENEDICT Ruth,
The Chrysanthemum and the Sword (Le Chrysanthème et le sabre), 1938. Réédition Mariner Books, 2006, 336 p. (ISBN 978-0618619597).
2. PILOTE Guillaume
, « Honte et réfutation chez Platon », Phares, 2013, Université d’Ottawa, p. 185. http://revuephares.com/wp-content/uploads/2013/09/Phares-X-12-Guillaume-Pilote.pdf
3. CHRISTIAS
Panagiotis, « Précis katéchontique : la honte comme sentiment politique », Pensée plurielle, 2017/1 (n° 44), p. 11-24. DOI : 10.3917/pp.044.0011. URL : https://www.cairn.info/revue-pensee-plurielle-2017-1.htm-page-11.htm
4.
Citer la Bible confronte inévitablement au choix de la traduction utilisée. Aucune  traduction n’est ni parfaite, ni indiscutable. Toutes ont leurs qualités et leurs défauts. Ce qui importe dans une lecture critique, est de reconnaître le droit à l’existence de chacune d’elle comme porteuse  d’un sens possible que l’on est en droit, bien évidemment, de discuter.
5.
La suite du texte est le suivant : « 8 Et alors, l’incrédule sera révélé, que le Seigneur Jésus détruira du souffle de sa bouche, l’anéantissant par la manifestation de sa venue. 9 La venue de celui qui ne respecte pas la loi est évidente dans le travail de Satan, qui utilise tout pouvoir, tout signe, toute merveille menteuse, 10 et toute sorte de supercherie pour ceux qui périssent, parce qu’ils refusent d’aimer la vérité et sont sauvés. Pour cette raison, Dieu leur envoie une puissante illusion, les amenant à croire ce qui est faux 12, de sorte que tous ceux qui n’ont pas cru à la vérité mais qui ont pris plaisir à l’injustice soient condamnés. »
6. TISSERON
Serge, « De la honte qui tue à la honte qui sauve », Le Coq-héron, 2006/1 (no184), p. 18-31. DOI : 10.3917/cohe.184.31. URL :  https://www.cairn.info/revue-le-coq-heron-2006-1.htm-page-18.htm
7. SUPIOT Alain et DELMAS Mireille,
Prendre la Responsabilité au sérieux, PUF, 2015. Colloque « Etat social et mondialisation. Analyse juridique et solidarités » organisé par la Collège de France, 11-12 juin 2015.

Sur le Katechon, la politique et le numérique :
BATES David
, « Le Katechon et le concept de politique cybernétique », Conférence donnée le 23 août 2017, Ars Industrialis / Académie de Philosophie. Youtube, 27 : 10

LÉGENDES DES ILLUSTRATIONS

  • « Honte à ceux… » : l’anaphore de la honte d’Emmanuel Macron, président de la République. Tweet, 24 novembre 2018, 10 : 17.
  • Emmanuel MACRON, président de la République au Congrès de l’Association des maires de France (AMF), Paris, Porte de Versailles, 23 novembre 2017. © Photographie de Bernard MÉRIGOT, 2017.

HISTORIQUE DE L’ARTICLE
28/11/2018 13:56. Recherche. Google : Macron/Anthropologie/Moins de 24 heures/Images,
Résultat. Page 1, n°2 et n°4

DOCUMENT

MACRON, L’INDIFFÉRENCE ÉLYSÉENNE
Extrait

Honte certes, pourquoi pas, à la suite des violences, des affrontements et de cette atmosphère d’émeute durant quelques heures, surtout sur les Champs-Élysées.
Difficile de le contredire en effet quand il remercie « les forces de l’ordre pour leur courage et leur détermination » et dit sa « honte à ceux qui les ont agressées… à ceux qui ont violenté d’autres citoyens et des journalistes, à ceux qui ont tenté d’intimider des élus. Pas de place pour ces violences dans la République ».
Comme cette dernière phrase serait belle si elle était juste et que la République ne cesse pas d’être meurtrie par des violences de toutes sortes contre lesquelles, quotidiennes ou exceptionnelles, l’État ne montre que son impuissance !
« Honte » assurément à l’égard de ceux qu’il a visés par sa dénonciation mais, au-delà de l’opprobre ainsi jeté, qui peut être fier de son comportement, de son verbe et de ses actions depuis que les Gilets jaunes ont fait irruption dans notre espace démocratique, contre toutes les structures partisanes et syndicales, à cause initialement d’une hausse des carburants aggravant le gouffre entre Paris et la province, entre ceux qui pourront toujours circuler à leur aise et la majorité ayant besoin d’une voiture pour aller travailler, entre les privilégiés et les modestes ?
« Honte », c’est sûr, mais qui dans ce désastre aurait l’impudence de s’épargner ?
« Honte » peut-être, mais le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur, pour ce qui les concerne, peuvent-ils se féliciter de l’image qu’ils ont donnée et de la posture qu’ils ont adoptée ?
RÉFÉRENCE DU DOCUMENT
BILGER Philippe,
« Macron l’indifférence élyséenne », Contrepoint, 26 novembre 2018.

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COMMENTAIRE

Jean-Pierre MARTIN, 28 novembre 2018

Emmanuel MACRON est fatigué. La France est fatiguée. « L’anthropologie macronienne ne connait que des héros ». Ils ont tous une caractéristique : ils paraissent ne jamais être fatigués.

Pourtant il existe une fatigue qui est de nature politique. Celui qui prétend ne dormir que quatre heures par nuit envoie un message très clair : il est dans l’ordre des choses qu’une prochaine réforme diminue la durée du temps de sommeil. Pour une raison simple. Comme l’explique Jonathan CRARY, le capitalisme a décidé d’en finir avec la nuit, exactement avec la scission entre le jour et la nuit.  Pour lui « Dégager du temps de repos et de régénération humaine coûte à présent tout simplement trop cher pour être encore structurellement possible au sein du capitalisme contemporain ».

L’extension du jour sur la nuit signifie une extension du capital exploitable. Les ordinateurs, les tablettes et les téléphones portables en sont les outils : tout le monde est joignable à tout moment où qu’il se trouve. C’est la face obscure du télétravail qui s’insinue dans la vie et qui oblige à être constamment « en veille », sollicité par un mail, un SMS, un tweet, une photo… et d’y répondre.

Emmanuel MACRON est un représentant politique de la nouvelle fatigue mondialisée qu’il est en train de mettre en place.

ERNER Guillaume, « La Fatigue d’Emmanuel Macron, France Culture, 31 octobre 2018. https://www.franceculture.fr/emissions/lhumeur-du-matin-par-guillaume-erner/lhumeur-du-jour-par-guillaume-erner-du-mercredi-31-octobre-2018
Guillaume ERNER, producteur des « Matins de France Culture », est docteur en sociologie.

CRARY Johnatan, 24/7. Late Capitalism and the Ends of Sleep, Zones, 2013, 140 p. (ISBN 978-2355220661)
CRARY Johnatan,
Le Capitalisme à l’assaut du sommeil, Paris La Découverte, 2014, 144 p.

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La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°328, lundi 26 novembre 2018

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