Le terrorisme politique désigne un ensemble de pratiques qu’un pouvoir en place développe afin de constituer un système d’intimidation généralisé. Son but est d’empêcher toute formulation, ou expression, de questions ou d’idées critiques qui pourraient s’avérer gênante pour lui.
Le terrorisme de la pensée – ce que l’on nomme le « terrorisme intellectuel » – s’applique à empêcher l’expression de tout ce qui n’entre pas dans la grille argumentaire d’une idéologie officielle. Il s’emploie alors à dénoncer toute « pensée autre » comme relevant de l’imposture ou de la perversion. Michel de Montaigne a parlé de « tyrannie parlière », et Ernest Renan de « tyrannie spirituelle ».
LE FAUX LÉGALISME DU TERRORISME
D’autres procédés de terrorisme, qui ont pour but d’interdire l’expression, y sont associés :
- censure légale (ou prétendument légale),
- intimidation physique,
- menaces judiciaires,
- procédures judiciaires…
Pour un pouvoir en place, le terrorisme politique n’est pas une fin en soi, mais un moyen de promouvoir et de favoriser ses propres idées, et donc sa propre personne, en tant qu’elle seule incarne les valeurs et les décisions légitimes.
Le terrorisme intellectuel en politique connaît un terrain de prédilection : lors de la conquête du pouvoir.
Le terrorisme intellectuel est lié à la question générale de la liberté d’expression. Le paradoxe veut que, pour un pouvoir en place, la liberté d’expression lui permette d’user facilement de procédés intellectuellement douteux… mais d’une façon légalement irréprochable !
LES PROCÉDÉS DU TERRORISME
Les procédés de terrorisme intellectuel ne connaissent pas de limite, ils sont la forme extrême de la manipulation. On peut citer :
- l’amalgame. Une première idée est haïssable, une seconde idée lui est proche. La seconde idée devient automatiquement, elle aussi, haïssable.
- l’argument de l’épouvantail. Une idée est défendue par une personne ou par une organisation qui est haïssable, donc tout ce qui vient de cette personne est haïssable.
- les propos allusifs (diffamatoires ou injurieux). Ils jouent sur les limites, ou sur le contexte, sur des connotations différentes : je ne parle pas de ce que tout le monde sait…
- les arguments ad personam, ad hominem. Non, ce n’est à vous de dire ça !
- l’utilisation de tabous. Ce n’est pas le lieu de parler de ça !
- l’argument d’autorité. C’est moi qui suis responsable, c’est moi qui sais ce qu’il faut faire, c’est moi qui seul qui décide !
LE PÉCHÉ PERMANENT DES POUVOIRS EN PLACE
La politique est le domaine privilégié du terrorisme intellectuel. Mais son usage se retourne forcément, à un moment ou à un autre, contre le camp de celui qui le pratique. Parce que, en interdisant toute question contraire à l’ordre institué, en proscrivant les thèmes novateurs, en refusant toute proposition ou suggestion… le pouvoir en place se rend incapable de réfléchir à toute idée alternative. Il se ferme à toute ouverture vers la nouveauté, et donc, demeure sourd et aveugle aux évolutions de la société et de ses aspirations.
Mais alors, qu’est-ce qui peut permettre de rendre durable un pouvoir en place ? La pratique d’une démocratie citoyenne, communicante, débattante, participative, à la recherche du consensus social.
RÉFÉRENCE
SEVILLIA Jean, Le Terrorisme intellectuel de 1945 à nos jours, Perrin, 2000.