LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°293, lundi 26 mars 2018
L’affaire de la collecte des informations personnelles des utilisateurs du réseau social Facebook qui éclate en ce mois de mars 2018 confirme notre analyse et conforte la position que nous avons prise dans notre article de 2013, il y a maintenant près de cinq ans. Rappelons que Facebook annonçait alors : « Bernard Mérigot est sur Facebook » : ce qui était – et demeure – faux. (1)
Facebook, le premier réseau social du monde, utilise les données des utilisateurs du service prétendument gratuit qu’il propose. Dans la réalité, il vend à titre onéreux les données personnelles des « utilisateurs gratuits » de son site auprès de « clients payants ». Ces derniers les utilisent pour faire du commerce.
Cette collecte de données est sans limite : informations liées au compte (nom, prénom, adresse e-mail, âge, sexe, localisation), contenus partagés, communications avec des « amis », mais aussi lieu d’une photo, date du fichier, fréquence et durée des connexions, sites visités, photos partagées synchronisées avec les autres données personnelles, carnet d’adresses, données bancaires (numéro de CB, identifiants, codes et autres informations d’authentification), achats effectués, revenus …
Ces informations sont collectées en continu sur toutes les interfaces de navigation utilisées (ordinateurs, tablettes, téléphones mobiles) concernant des données comme :
- le système d’exploitation,
- la version du matériel,
- les numéros d’identification et les paramètres des appareils utilisé,
- les noms et les types de fichier et de logiciel,
- le niveau de la batterie et l’intensité du signal,
- les données des emplacements précis des appareils utilisés recueillies à travers les signaux GPS, Bluetooth ou Wifi,
- les informations de connexion telles que le nom de l’opérateur mobile ou du fournisseur d’accès à Internet,
- le type de navigateur utilisé,
- la langue utilisée,
- le fuseau horaire dans lequel l’utilisateur se situe,
- le numéro de téléphone mobile,
- l’adresse IP…
10 MILLIONS DE FRANÇAIS ET DE FRANÇAISES
GÉOLOCALISÉS
Ce qui éclate aujourd’hui en 2018 avec Facebook est la révélation d’une situation connue et que tout le monde feignait – et feint encore pour partie – d’ignorer. Elle s’est déjà produite pour d’autres réseaux sociaux et pour d’autres applications mobiles, comme la réutilisation des données des « chasseurs » du jeu Pokémon Go en 2016 (2). N’oublions pas qu’aujourd’hui 10 millions de Français et de Françaises sont géolocalisés en permanence. (3)
« Une cinquantaine d’applications françaises fournissent à une entreprise tierce les données de localisation de 10 millions de Français, toutes les trois minutes, à des fins publicitaires. Cette traque massive de la population est organisée dans le secret d’une startup du neuvième arrondissement nommée Teemo, anciennement Databerries. »
En ce qui concerne ces atteintes portées contre les utilisateurs innocents, Nathalie DEVILLER pose la bonne question : « Cette énième affaire Facebook ouvrira-t-elle les yeux des utilisateurs jusqu’à leur faire supprimer leurs comptes ? »
LE « TOUT SAVOIR INFORMATIQUE »
EST DÉSORMAIS SANS LIMITE
Avant l’informatisation de nos sociétés, les données recueillies sur l’existence et sur l’activité humaine (sous la forme de documents écrits, photographiques, sonores, filmés…) étaient très limitées. La vie individuelle « discrète » était possible. La précarité des supports, et l’oubli généralisé, étaient des phénomènes régulateurs des abus concernant certaines intrusions intempestives dans la vie privée.
Depuis l’informatisation, les domaines de collecte de données ne cessent de s’étendre (avec par exemple, les livrets scolaires les dossiers médicaux, les objets connectés…). Les capacités d’agglomération des mémoires informatiques, associées à des durées de conservation illimitées, font que l’existence des données sur chaque être humain est sans commune mesure avec la vie et le temps humain. Elles sont sans limite.
Il ne faut pas se cacher que le « tout savoir informatique » des machines constitue aujourd’hui un contrôle collectif exercé sur tout individu. C’est un passeport pour toutes les discriminations et toutes les exclusions. Que deviennent les données concernant quelqu’un après sa mort ? La réponse est connue : elles persisteront indéfiniment dans les réseaux interconnectés des Data Centers qui parsèment le monde. Tout ce que l’on entend sur l’oubli numérique relève de la plaisanterie. Le principe est simple : le numérique n’oublie rien, n’oublie jamais.
Guillaume DESGENS-PASANAU note que « la protection de la vie privée et des données personnelles ne dépend pas uniquement des règles juridiques. Elle passe aussi par des solutions de nature technique, telles que l’utilisation d’outils de navigation sur Internet « privacy by design » (qui permettent de limiter les traces de navigation) ainsi que par la responsabilisation des internautes et l’application de certaines règles de prudence ».
FACE BOOK VIOLE LA LOI
QUI PROTÈGE LES CITOYENS
Facebook viole impunément le principe pour tous les citoyens d’« être garantis dans leurs personne, domicile, papiers et effets, contre les perquisitions et saisies non motivées ». Il est énoncé dans le 4e amendement de la Constitution des États-Unis.
« IV. The right of the people to be secure in their persons, houses, papers, and effects, against unreasonable searches and seizures, shall not be violated, and no Warrants shall issue, but upon probable cause, supported by Oath or affirmation, and particularly describing the place to be searched, and the persons or things to be seized.
« IV. Le droit des citoyens d’être garantis dans leurs personne, domicile, papiers et effets, contre les perquisitions et saisies non motivées ne sera pas violé, et aucun mandat ne sera délivré, si ce n’est sur présomption sérieuse, corroborée par serment ou affirmation, ni sans qu’il décrive particulièrement le lieu à fouiller et les personnes ou les choses à saisir. »
PEUT-ON PROTÉGER LES UTILISATEURS
CONTRE EUX-MÊMES ?
L’enjeu majeur de notre temps est d’assurer une réelle sensibilisation de tous les utilisateurs, en particulier les plus jeunes. Il s’agit de les encourager à la modération dans les informations qu’ils rendent délibérément publiques sur Internet.
« Instaurée voici quatre décennies, la réglementation « Informatique et Libertés » visait à protéger les personnes contre le fichage abusif par les administrations ou les entreprises. Aujourd’hui, la question se pose différemment : comment protéger les utilisateurs contre eux-mêmes ? » (4)
RÉFÉRENCES
1. Bernard Mérigot n’est pas sur Facebook Posted on 22 mai 2013 by Bernard MÉRIGOT Bernard MÉRIGOT n’a aucun site sur Facebook. En revanche, il est présent sur le site http://www.savigny-avenir.info sur lequel on trouvera ses activités, ses travaux, ses articles… Bernard MÉRIGOT dénonce toute assertion établissant un rapport entre lui et Facebook. Il se … Continue reading → Posted in Bernard Mérigot, Facebook, Usurpation d’identité numérique |
http://www.savigny-avenir.fr/2013/05/22/bernard-merigot-nest-pas-sur-facebook/
Nous écrivions alors : « Bernard MÉRIGOT n’a aucun site sur Facebook. En revanche, il est présent sur le site http://www.savigny-avenir.info sur lequel on trouvera activités, travaux, articles… Bernard MÉRIGOT dénonce toute assertion établissant un rapport entre lui et Facebook. Il se réserve d’engager des poursuites contre les auteurs de toute usurpation. C’est ainsi que l’on peut lire sur le site https://fr-fr.facebook.com (consultation effectuée le 22 mai 2013) : « Bernard Mérigot est sur Facebook. Pour communiquer avec Bernard, inscrivez-vous sur Facebook dès maintenant ». Cette assertion est mensongère. »
2. DEVILLER Nathalie, « Pokémon Go, quel est ton algorithme ? » , The Conversation, 8 septembre 2016, https://theconversation.com/pokemon-go-quel-est-ton-algorithme-65049
3. DURAND Corentin, « Enquête : comment les applications Figaro, L’Équipe ou Closer participent au pistage de 10 millions de Français », 23 août 2017 », Numerama, https://www.numerama.com/politique/282934-enquete-comment-les-apps-figaro-lequipe-ou-closer-participent-au-pistage-de-10-millions-de-francais.html
DEVILLER Nathalie, « Cambridge Analytica et Facebook : « Le respect de votre vie privée nous tient à cœur », The Conversation, 21 mars 2018, https://theconversation.com/cambridge-analytica-et-facebook-le-respect-de-votre-vie-privee-nous-tient-a-coeur-oupas-93755?
4. DESGENS-PASANAU Guillaume, « Affaire Facebook : comment l’Europe pourra (peut‑être) mieux protéger nos données ? », The Conversation, 25 mars 2018, https://theconversation.com/affaire-facebook-comment-leurope-pourra-peut-etre-mieux-proteger-nos-donnees-93925?
DOCUMENT
LA COLÈRE DES UTILISATEURS DE FACEBOOK
« Empêtré dans le scandale Cambridge Analytica et l’utilisation des données personnelles, le réseau social doit faire face à la colère de certains utilisateurs qui appellent à se désinscrire. Y compris en France.
La révélation par la presse américaine et britannique de l’utilisation frauduleuse des données personnelles à l’insu d’environ 50 millions d’abonnés à Facebook par la société anglaise Cambridge Analytica – et son éventuelle influence sur le résultat de l’élection américaine remportée par Donald Trump en 2016 – a déjà mis à mal la valeur de l’entreprise de Mark Zuckerberg. A la perte de quelque 10 points de son action à la Bourse de New York, s’ajoute désormais la fureur des abonnés.
Depuis ce mercredi, la fronde s’organise, principalement via Twitter, pour appeler à déserter Facebook. Et c’est sous la bannière #DeleteFacebook (Quitter Facebook en français) qu’une campagne d’incitation au désabonnement se répand comme une traînée de poudre sur le Web. Plusieurs centaines de messages rageurs émanant d’internautes français étaient recensées hier sur Twitter, relayant un appel beaucoup plus massif outre-Atlantique.
Effet d’emballement
« Il y a un effet d’emballement qui vient d’un peu partout dans le monde, observe Paul-Olivier Dehaye, spécialiste de la protection des données et cofondateur de Personaldata.io. C’est assez encourageant mais il est trop tôt pour dire que cela va vraiment déboucher sur une prise de conscience générale. Mais une chose est sûre : Facebook est trop opaque. On ne sait rien sur la manière dont les gens sont pistés, sur la manière dont est construite la bulle de filtres. Qui m’a ciblé ? Comment ? Et à qui mes données sont-elles vendues ? »
Dans cet élan de colère, le coup de massue a été donné par le cofondateur de la messagerie WhatsApp rachetée en 2014… par Facebook. Avec deux tweets expéditifs et vengeurs, « Il est temps. #deletefacebook » puis « Effacer et oublier. Il est temps de se soucier de la vie privée », Brian Acton a donné le ton et un sérieux coup d’accélérateur à un mouvement qui ne cesse de prendre de l’ampleur.
Pour Roger McNamee, un des investisseurs les plus réputés de la Silicon Valley et un des premiers actionnaires de Facebook, la confiance des utilisateurs est au centre de la crise. « Le problème c’est le mépris insensé pour les droits des utilisateurs à la vie privée et une indifférence vis-à-vis du respect des données que les utilisateurs ont confiées à Facebook », a-t-il assené sur la radio américaine NPR.
Certains réseaux en profitent
Les internautes Français prennent le relais, certains s’interrogent tout en soulignant un mal plus profond observé depuis plusieurs mois : le désintérêt des plus jeunes pour le réseau social. « #DeleteFacebook ou pas ? J’hésite à supprimer mon compte mais j’avoue que j’y passe de moins en moins de temps… » partage ainsi sur Twitter une abonnée.
Les malheurs des uns faisant toujours le bonheur des autres, certains réseaux sociaux mettant en avant la protection des données de leurs utilisateurs connaissent un soudain regain d’intérêt. « On constate, depuis trois jours, une hausse plus que notable des inscriptions avec plusieurs milliers d’abonnements au lieu de quelques centaines habituellement, se réjouit Thomas Faure, fondateur de Whaller, un réseau français qui promet l’étanchéité des données partagées par ses utilisateurs. On reste toutefois prudent car il est impossible de savoir combien de temps cela va durer. »
RENOU Aymeric et SIMON Cyril, « Facebook : après le scandale, la colère des utilisateurs », Le Parisien, 21 mars 2018,
COMMENTAIRE du 27 mars 2018
FACEBOOK : LE PIÈGE DES JEUX SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX
« Qui n’a pas vu sur son fil quelque chose comme : « Si Chrystel était un animal, elle serait une biche. Clique ici pour savoir quel animal te correspond », ou « Pour quel métier es-tu fait ? », « Que signifie ton prénom ? » À travers de tels jeux, d’apparence anodine, la collecte initialement opérée par Facebook est mise à profit pour des entreprises tierces. En effet, si vous entrez dans le jeu, celui-ci accède automatiquement à tous vos contenus depuis la création de votre page Facebook, photos et vidéos comprises.
Ce que l’utilisateur ignore, c’est que la société qui a créé le jeu effectue une copie de l’intégralité des contenus et garde un œil sur tous les nouveaux posts, likes, photos et vidéos, etc.
L’accès offert n’est pas éphémère, il est permanent.
Comment cela est-il possible ? Rien de plus simple : accepter de jouer consiste à télécharger une application et lui donner toutes les autorisations d’accès à votre journal, au profil et tutti quanti. Ainsi, l’utilisateur a livré ses données sans en avoir conscience et continue ce « partage » aussi longtemps que l’application est présente sur son interface de navigation. Pour s’en défaire, il faudrait trouver le développeur de cette application et le contacter pour lui demander d’effacer vos données et ensuite bien sûr la désinstaller.
La leçon du FacebookGate de 2018 se résume à une question : Pourquoi les utilisateurs ont-ils accordé aveuglement leur confiance aux réseaux sociaux ?
Cette récolte massive de données à caractère personnel est devenue le moyen de collecte le plus lucratif mais aussi le plus sournois utilisé par le réseau social (213 millions de dollars), c’est ce qu’ont rapporté les jeux sur FB au 1er trimestre 2013). Il incite l’utilisateur à offrir au propriétaire de l’application des données auxquelles il n’aurait jamais eu accès en temps normal et d’en générer de nouvelles pour alimenter son business model ou celui de sociétés du groupe. Ainsi, le jeu de réalité augmentée Pokémon Go ! exploité par Niantic Inc. (conglomérat Alphabet – Google) a-t-il probablement permis l’injection de données des dresseurs dans la société Calico à l’objectif transhumaniste tout en récoltant 1,7 milliards de dollars en 12 mois
Le scandale Cambridge Analytica doit ouvrir les yeux des utilisateurs de réseaux sociaux en se posant la question suivante :
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Quels bénéfices je retire d’une telle exposition de ma vie privée ?
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Pourquoi liker ou retweeter un message sans avoir vérifié l’information ?
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Pourquoi utiliser des réseaux sociaux qui sont des médias sans éthique et sans déontologie ? »
DEVILLER Nathalie, « Pourquoi vos données survivront à la suppression de votre compte Facebook et quels en sont les risques ? », The Conversation, 26 mars 2018. https://theconversation.com/pourquoi-vos-donnees-survivront-a-la-suppression-de-votre-compte-facebook-et-quels-en-sont-les-risques-94011?
Territoires et Démocratie numérique locale (TDNL) est un media numérique mis en ligne sur le site http://savigny-avenir.info.
ISSN 2261-1819 BNF. Dépôt légal du numérique, 2018
Tous ses articles sont librement consultables. Sa publication est supportée par une structure associative et collaborative, le Groupe Mieux Aborder L’Avenir (MALA).
Référence du présent article : http://www.savigny-avenir.fr/2018/03/26/facebook-est-un-parasite-de-lexistence-numerique-individuelle/?preview=true&preview_id=23166&preview_nonce=d404d007fe
La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°293, lundi 26 mars 2018