Pierre ROSANVALLON note que la tendance permanente de tout pouvoir exécutif est
- de s’exercer sans contrepoids,
- de se présenter comme seul légitime.
Il en conclu qu’il est plus nécessaire que jamais de contrecarrer ces deux prétentions. « C’est en termes de démultiplication, de séparation, d’amélioration et de complication des fonctions qu’il faut raisonner si on veut changer les modes d’expression des citoyens, le fonctionnement conjoint de l’action et du contrôle, le système représentatif, l’accomplissement de la démocratie, enfin. »
- 1. Il faut démultiplier les modes d’expression de la volonté générale.
- 2. Il faut séparer fonctionnellement action et contrôle,
- 3. Il faut améliorer le système représentatif,
- 4. Il faut compliquer la démocratie pour l’accomplir.
1. LES MODES D’EXPRESSION DES CITOYENS
Il faut démultiplier les modes d’expression de la volonté générale. Le pouvoir politique tire sa légitimité de l’élection qui mêle deux dimensions distinctes : un principe de justification et une technique de décision. « Le problème est que les deux éléments ne sont pas de même nature. Si la décision d’une majorité s’impose techniquement, elle n’épuise pas l’idée d’une légitimation renvoyant à un consensus social plus large. » D’où la nécessité d’institutions démocratiques qui s’appuient sur des mises en forme différentes des exigences démocratiques.
2. LE FONCTIONNEMENT DE L’ACTION ET DU CONTRÔLE
Il faut séparer fonctionnellement l’action et le contrôle, c’est-à-dire le gouvernement et l’opposition. « Le monde moderne nécessite des pouvoirs forts et réactifs. Mais ceux-ci doivent être en permanence contrôlés, leurs projets et leurs décisions soumis à la discussion, leurs actions évaluées et critiquées. (…) L’essentiel est de donner à l’opposition tous les moyens nécessaires pour qu’elle joue son rôle de stimulation et de contestation. »
3. AMÉLIORER LE SYSTÈME REPRÉSENTATIF
Il faut améliorer le système représentatif en l’élargissant. « Il faut aller au-delà de la représentation-élection, centrale, mais partielle et intermittente. Donner une voix à la fois au long terme, mais également aux expressions immédiates du sentiment social et aux visages changeants de l’opinion. Le régime de la décision doit être reconsidéré : si elle définit l’exercice d’une souveraineté, elle doit de plus en plus s’insérer dans un processus public, structuré et permanent de délibération. »
4. COMPLIQUER LA DÉMOCRATIE POUR L’ACCOMPLIR
Il faut compliquer la démocratie pour l’accomplir. « Compliquer ne signifie pas affaiblir ou condamner à l’impuissance, mais contraindre en permanence à l’explication, à la reddition de compte, à l’évaluation et au contrôle. Compliquer veut dire aussi donner son congé à l’idée d’une démocratie simple et immédiate. Les intérêts du pouvoir et ceux de la société sont liés : plus un pouvoir veut être fort, plus il doit être – de plus en plus – démocratique. »
Bernard MÉRIGOT
RÉFÉRENCES
ROSANVALLON Pierre, « Mieux contrôler l’exécutif », Le Monde, 18 juin 2011.