Les affaires municipales sont-elles trop sérieuses pour être confiées à certains élus ?

CHRONIQUE DE LA COMMISSION MUNICIPALE DU 19 SEPTEMBRE 2011

DÉCODAGE

CONTEXTE. Les projets des délibérations soumises aux conseils municipaux sont préalablement présentés à des commissions municipales (dans lesquelles siègent des élus, et dans un certain nombre de communes « ouvertes », des membres d’associations et des personnes qualifiées) qui émettent des avis. Le conseil municipal de Savigny-sur-Orge doit délibérer avant le 21 octobre 2011 sur le « Schéma départemental de coopération intercommunale » élaboré par le préfet de l’Essonne. Le maire de la commune a réuni dans ce but la commission municipale d’administration générale, le lundi 17 septembre 2011, à 17 H (1).
ENJEUX. La « coopération intercommunale » est particulièrement importante puisqu’elle conditionne l’entrée future de la commune (37 700 habitants) dans la Communauté d’agglomération Les Portes de l’Essonne (52 821 habitants à ce jour). Elle détermine l’avenir des territoires. Pourquoi cette commission municipale a-t-elle duré, en tout et pour tout, 6 minutes ?

EXISTE-T-IL UN NIVEAU ZÉRO DE LA DÉMOCRATIE ?

Lundi 19 septembre 2011. Salle dite « des mariages » où se tiennent également les séances du conseil municipal de Savigny-sur-Orge. On pourrait aussi l’appeler la salle du conseil municipal. Les tables sont disposées en « U ». Dans l’ordre, sur la branche de gauche du « U », quatre maires adjoints : Claude NEUILLY, Gérard MONTRELAY, Maryvonne FABBRO, Catherine LUPI. En face, sont assis sur la branche de droite du « U » Jean-Michel ZAMPARUTTI, maire adjoint, Jean-Claude LÉOST, conseiller municipal (PS), et Bernard MÉRIGOT, conseiller municipal, maire adjoint honoraire. Dans le creux du « U », la directrice générale adjointe des services, le directeur général des services, Laurence SPICHER-BERNIER, maire, le responsable du service des finances de la mairie. Derrière, sur une table, deux fonctionnaires territoriaux. La commission est composée de 13 élus, 5 sont absents (Jean-François NAUT, maire adjoint, Éric MEHLHORN, maire adjoint, Anissa FERDJIOUI, maire adjoint, David FABRE, conseiller municipal, Jean ESTIVILL, conseiller municipal).

En comptant tous les présents (les élus qui sont membres + les fonctionnaires qui assistent), cela fait un total de 13 personnes. C’est-à-dire beaucoup de monde mobilisé… pour finalement pas grand-chose. Certains, qui se sont déplacés exprès, ont passé 30 minutes de trajet (un quart d’heure pour venir, autant pour repartir), pour une séance qui durera 6 minutes…

Attention, tout va très vite !

17 H 03. Arrivée de Laurence SPICHER-BERNIER, maire. Elle énonce l’ordre du jour, lit une note de synthèse d’une demi-page, demande s’il y a des observations, donne la parole à Jean-Michel ZAMPARUTTI qui articule deux phrases, redemande s’il y a des observations, lève la séance. Il est 17 H 09. La commission a duré en tout et pour tout 6 minutes. Ouf !

Que s’est-il passé ? On a besoin de faire un retour en arrière à vitesse lente. Reprenons.

UNE COMMISSION DE 6 MINUTES !

VILLE DE SAVIGNY-SUR-ORGE

COMMISSION DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
Lundi 19 septembre 2011

PRÉSENTS. Maryvonne FABBRO, maire adjointe, Catherine LUPI, maire adjointe, Gérard MONTRELAY, maire adjoint, Jean-Michel ZAMPARUTTI, maire adjoint, Jean-Claude LÉOST, conseiller municipal, Bernard MERIGOT, conseiller municipal.
EXCUSÉS. Éric MEHLHORN, maire adjoint.
ABSENTS. Anissa FERDJIOUI, maire adjointe, Jean-François NAUT, maire adjoint, Jean ESTIVILL, conseiller municipal, David FABRE, conseiller municipal.

La séance est ouverte à 17 H 03.

Laurence SPICHER-BERNIER. L’ordre du jour comprend une seule question : « Projet de schéma départemental de coopération intercommunale ».

Elle lit la note de synthèse.
(Le texte est consultable sur le présent site : www.savigny-avenir.info, article « Le schéma départemental de coopération intercommunale de l’Essonne », 16 septembre 2011)

Y a-t-il des observations ?

Jean-Michel ZAMPARUTTI. Le conseil municipal a voté. Il n’y a pas lieu d’y apporter des amendements.

Laurence SPICHER-BERNIER. Y a-t-il d’autres observations ? Non. Je lève la séance. »

La séance est levé à 17 H 09.

UN SIMULACRE DE DÉMOCRATIE (2)

  • 1. Le délai de convocation à la commission a été de 3 jours.
    Les membres de la commission ont reçu à leur domicile le courrier de convocation (posté le 15 septembre), le vendredi 16 septembre, pour une réunion se tenant le lundi 19 septembre à 17 H, soit 3 jours francs ! C’est court. Un conseiller municipal qui rentre chez lui le vendredi à 19 H découvre qu’il doit assister à une réunion le lundi suivant à 17 H. Même pas un coup de téléphone. Encore moins un mail. Quel mépris d’un pouvoir élu, maître d’un exécutif, pour d’autres élus. Tous procèdent du suffrage universel. Ils sont tous égaux en dignité.
  • 2. Le maire a refusé de communiquer le projet du préfet. Le seul document joint à la convocation était une note de synthèse d’une demi-page. Le document mentionné dans cette note indique « Le projet de Schéma départemental de coopération intercommunale a été transmis par le préfet au maire de Savigny-sur-orge afin que le conseil municipal se prononce sur le projet départemental. » Et Laurence SPICHER-BERNIER s’est bien gardée de transmettre une copie de ce document à tous les élus. Encore une fois, quel mépris d’un pouvoir élu, maître d’un exécutif, pour d’autres élus du suffrage universel.
  • 3. La commission n’a pas été en mesure d’émettre un « avis sur un projet », tout au plus un « avis sur une note de synthèse sur un projet ». Ce n’est pas la même chose.
  • 4. L’absence de document entraîne l’absence d’information des élus ce qui est contraire à la loi (inscrite dans le Code général des collectivités territoriales).
  • 5. L’absence d’information entraîne l’absence de débat démocratique.

C’est comme cela que des simulacres de démocratie en arrivent à nier la démocratie.

Il faut souligner que lors de la prochaine étape, au cours du conseil municipal (3), il sera certainement fait état d’un prétendu « avis de la commission ». Or ses membres n’ayant pas été préalablement et valablement informés, cet avis est inexistant.

LA LÉGITIMITÉ DE LA DÉMOCRATIE EST EN CAUSE

À quelles conditions une décision politique est-elle légitime en démocratie ? De nombreux philosophes contemporains affirment que, dans nos sociétés contemporaines, complexes et pluralistes, seule une délibération publique et libre entre des citoyens égaux peut constituer le fondement de la légitimité politique.

C’est au terme d’un échange libre et argumenté de raisons et d’opinions que tous les élus ainsi que les citoyens peuvent se prononcer.

Ce débat suppose bien évidemment que les pouvoirs exécutifs jouent la transparence en communiquant préalablement (ou en donnant accès par Internet, par exemple), à tous les documents relatifs aux décisions à prendre (4).

RÉFÉRENCES
1. COMMUNE DE SAVIGNY-SUR-ORGE, Convocation à la commission municipale d’administration générale du 19 septembre 2011 (Lettre de convocation en date du 15 septembre 2011, 1 p., Note de synthèse, 2 p.)
2. Simulacre : apparence qui se donne pour la réalité.
3. A ce jour, 20 septembre 2011, les membres du conseil municipal ignorent la date de ce conseil municipal. A la question posée par Jean-Claude LÉOST, conseiller municipal,  à la fin de la commission, Laurence SPICHER-BERNIER a déclaré « Ça sera la semaine prochaine. Vous verrez bien. Vous recevrez une convocation dans les délais », (c’est-à-dire, 5 jours francs avant). Quel mépris !
4. Citons quelques auteurs qui comptent parmi les principales figures de la théorie démocratique actuelle : Bruce Ackerman, James Bohman, Simone Chambers, Joshua Cohen, Maeve Cooke, Jon Elster, James Fishkin, Jürgen Habermas, Cass Sunstein, Iris Marion Young.

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