« Communauté éducative inclusive » est l’intitulé du colloque organisé par l’ ISP-Faculté d’Éducation de l’Institut Catholique de Paris qui s’est tenu les 23 et 24 mars 2022. Présenté selon son organisateur Augustin MUTUALE, comme « un évènement fédérateur des activités menées au sein de l’ISP, Faculté d’Éducation » (1) il a rassemblé près de 250 personnes dans l’auditorium de l’ICP, attirées par une affiche comprenant plus de 30 intervenants pour plus de 10 heures de séance durant deux jours (plénière, tables rondes, ateliers). Le titre et le contenu de la manifestation étaient éclairés à deux niveaux, chacun par trois indicateurs :
- trois verbes : « accueillir, enseigner, évaluer »,
- et trois concepts « la relation éducative, les lieux, le politique » qui ont fournis chacun le thème à trois tables rondes. (2)
Quels sont les « lieux », à la fois conceptuels, institutionnels et politiques de l’inclusivité éducative ?
PROBLÉMATISER LE SERVICE AUX AUTRES
« Parler de communauté éducative inclusive serait vide de sens si on ne rappelait pas que les Facultés d’enseignement universitaire n’étaient pas d’abord au service des autres » rappelait dès le début du colloque Emmanuel PETIT, Recteur de l’Institut Catholique de Paris. Être au service des autres n’est ni une évidence ni une banalité en un temps ou certaines institutions publiques trouvent dans le fait de leur simple existence, une justification suffisante d’ « être au monde » pour l’éternité. La répétition de ce qu’elles ont accomplis hier constituant leur horizon du lendemain.
Les institutions d’éducation et d’enseignement, par l’intermédiaire de chacun de leurs enseignants-chercheurs, sont en charge d’élaborer, de transmettre et de construire les connaissances et les pratiques du savoir humain – celle du moment, comme celles en train de se constituer – à des classes d’âges successives, chaque fois renouvelées selon une périodicité temporelle immuable allant du mois de septembre d’une année, au mois de juin de l’année suivante. Elles ont vocation à constituer une activité financièrement non lucrative et socialement inclusive. (3)
LA GALAXIE INCLUSIVE
Le secteur de la pensée et des pratiques relevant de l’inclusivité (de l’inclusion, de « l’inclusif »…) ressemble aux Grands magasins parisiens conçus à la fin du XIXe siècle qui offraient toute sortes de rayons différents à chacun de leurs étages. On peut y trouver ainsi :
- l’inclusion théorique, politique et administrative, gouvernementale et ministérielle, celle des textes (législatifs, réglementaires…), des communiqués de presse officiels, des conférences de presse, des programmes électoraux…
- l’inclusion pratique, celle qui est assurée concrêtement au sein des établissements scolaires et d’éducation (écoles maternelles et primaires, collèges, lycées, universités…) auprès de ses membres (élèves, étudiants, professeurs, personnels…) , comme de toute autre sorte d’activité socio-éducative (stagiaires, éducateurs, personnels…), de soin (patients, éducateurs, soignants, personnels…), ou d’entreprise (employés, clients…),
- l’inclusion enseignée par les universités, notamment par les Sciences de l’Éducation dans le cadre de diplômes (comme les licences, les masters, les doctorats… en particulier en Sciences de l’Éducation),
- l’inclusion étudiée par la recherche universitaire, celle des Sciences sociales et humaines (notamment les Sciences de l’Éducation), procédant à l’examen critique et à l’élaboration raisonnée de sa théorie et de ses pratiques.
Pour leur part, les organisateurs du colloque rappellent dans un document de présentation les notions qu’ils utilisent :
- la notion de « communauté éducative », héritée des écoles congréganistes du XIXe siècle, est très répandue aujourd’hui. Elle a été valorisée à partir des années 1980 et vise à associer tous les acteurs de l’éducation et non seulement ceux appartenant à l’institution scolaire.
- le concept d’ « inclusion » est quant à lui développé initialement dans une dimension politique pour favoriser la participation pleine et entière des individus à la vie sociale, tout en permettant de tenir compte des vulnérabilités et des fragilités humaines. Il s’agit d’une visée mettant au centre la dignité et le pouvoir d’agir des personnes, d’un horizon au sein duquel chacun peut trouver sa place, d’une utopie où se pose un regard résolument positif qui éclaire les forces plutôt que les faiblesses.
Ils s’appuient sur le « Projet facultaire ISP-Faculté d’Éducation, Communauté éducative inclusive universitaire et scolaire » publié en 2019 (4). Divers articles et livres sur le sujet ont été édités comme De la pédagogie universitaire inclusive. L’université et le handicap (2020) et Du devenir humain. Une éducation par laquelle l’être humain se forme à être humain (2022). (5)
COMMENTAIRE DE L’ILLUSTRATION
Il existe un « rêve fou » (répandu dans l’opinion publique, et partagé par certains politiques et certains enseignants, aussi…) qui consiste à croire qu’il est possible de faire confiance à un mécanisme (ici tourner une manivelle) – mécanisme qui peut-être physique ou intellectuel – pour que tous les élèves acquièrent en même temps les mêmes connaissances.
Les élèves ont tous des écouteurs à fils sur les oreilles (ils ne sont pas encore connectés à la WiFi ou au Bluethooth…). Il ne manque que les écrans d’ordinateur. Ne doutons pas que le Conseil départemental (si c’est un collège) ou le Conseil régional (si c’est un lycée) livrera bientôt ordinateurs et tablettes aux élèves de cette classe. A moins que ces derniers soient déjà en train de regarder l’écran TNI qui leur fait face et que l’on ne voit pas sur le dessin…
L’illustration fait partie d’une série qui a été utilisée notamment comme « image pour enfant » jointe à des produits alimentaires vendus au début du XXe siècle, comme les crèmes renversées sucrées produites par les établissements « Ch. Jux », confiseur à Paris, 74 boulevard de Reuilly. Sa composition en poudre servait pour fabriquer de la crème dessert (vanille, chocolat, café, orange, citron, pistache) en la faisant cuire dans du lait. Le produit de Monsieur JUX a été récompensé par une médaille d’argent à l’Exposition universelle de 1900. L’imaginaire scolaire du futur (« En l’an 2000 ») rejoignait celui de l’enfant-consommateur à une époque où les mères de famille n’achetaient pas du « tout prêt » alimentaire : c’était alors l’époque où l’on « faisait soi-même ».
Il est à noter que la série d’images « En l’an 2000 » qui représente les progrès scientifiques et techniques à venir, ont été dessinées semble-t il en 1899 et imprimées entre 1900 et 1910. On estime qu’au moins 87 illustrations différentes ont été produites par un ou plusieurs artistes ( ? ) dont le principal est Jean-Marc CÔTÉ dont à ce jour on ne sait rien. Elles sont conservées par le Département des estampes et de la photographie de la Bibliothèque Nationale de France sous la cote Qb-1 (1900)-fol qui les a numérisées. L’écrivain russo-américain Isaac ASIMOV (1920-1992) les a utilisées dans son livre Futuredays : A Nineteenth Century Vision of the Year 2000 (Henry Holt & Company, 1986). (Jours du futur : une vision dix-neuvième siècle de l’an 2000).
C’est l’occasion de nous interroger pour savoir, aujourd’hui en 2022, comment se dessine la salle de classe de l’an 3000 ?
PISTES POUR UNE « RÉFLEXION PROBLÉMATISÉE »
SUR UN COLLOQUE
Le colloque est présenté par ses organisateurs comme une « réflexion problématisée sur la Communauté Éducative Inclusive (CEI) ». La formule s’apparente à celle de « question problématisée » en usage dans les actuels programmes des collèges et des lycées, notamment pour les enseignements du « tronc commun » d’histoire, géographie et éducation civique et morale, ainsi que de spécialité histoire, géographie, géopolitique et sciences politiques. Il est intéressant de se pencher sur la notion de « réflexion problématisée » employée ici et appliquée à un colloque, c’est-à-dire à une activité de recherche de l’enseignement supérieur. On peut l’entendre comme « une mise en question » du colloque, de son intitulé, de ses thèmes, de son appel à communication, du contenu des communications des intervenants comme des questions émanant des assistants.
Sébastien CHARBONNIER, reprenant l’étude de Michel FABRE sur « Qu’est-ce que problématiser ? » remarque que poser la question « Qu’est-ce que ? » est rarement pertinente car elle nous conduit aux types de problèmes platoniciens, ceux de l’essence. En revanche, les « vrais problèmes » émergent véritablement à partir d’une pluralité de « questions circonstancielles » classiques : Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? ». (6)
Rien n’est ni naturel ni évident dans l’évènement que constituent les colloques. Max WEBER a établi que les faits n’existent « ni en dehors du contexte de leur production, ni en dehors du sens qu’on leur donne ». Les thèmes et les sujets collectifs d’étude n’apparaissent jamais sans raison au sein d’une institution, en l’occurrence l’Institut Catholique de Paris dans le cas présent. Des causes les précèdent, et des effets les suivent. Les uns comme les autres sont souvent cachés, invisibles, discrets, non-dits.
Ils sont des marqueurs du temps, depuis l’annonce du sujet et des dates, l’appel à communications, la tenue des séances, les rencontres «off» jusqu’à la publication des actes…
Ils sont la manifestation de la vie d’une discipline – en l’occurrence les Sciences de l’Éducation − de ceux qui l’enseignent et qui l’étudient, et de son histoire ponctuée par une chronologie d’articles, de livres, de colloques…
Des objets incomplètement identifiés. D’une façon générale, les colloques universitaires de recherche en sciences humaines et sociales (tout comme les journées d’étude, les séminaires…) constituent au sein de l’enseignement académique des objets habituels, voire traditionnels, qui demeurent en définitive des « objets incomplètement identifiés ». Une anthropologie des colloques, une sociologie des colloques, une histoire des colloques… serait à engager, afin de situer à la fois les stratégies institutionnelles qui produisent leur actualité, la circulation complexe des idées à l’intérieur et à l’extérieur des disciplines, confrontées à cette notion insaisissable qui est « l’air du temps » et qui légitime pour une durée parfois très brève, un thème, une question, un problème.
Anthropologie des connaissances/Connaissance de l’Anthropologie. Les colloques de recherche seraient à aborder selon la perspective d’une « anthropologie des connaissances » en les considérant comme des discours, comme des pratiques, comme des dispositifs techniques, en se penchant sur « les conditions de leur production, de leur utilisation, de leur transmission, de leur mobilisation par les collectifs d’humains », comme le fait, par exemple depuis plusieurs années, La Revue d’anthropologie des connaissances qui considère les modalités selon lesquelles les connaissances se forment et se diffusent, en s’attachant à leur étude, et en menant « une enquête multidisciplinaire sur les pratiques et les conduites, sur les représentations et les idéologies, sur les professions, les organisations et les institutions, sur les techniques et les productions dans leurs singularités historiques. » (7)
Une réflexion problématisée doit trouver une juste distance à l’égard de l’actualité qui est construite et imposée par les médias et les réseaux sociaux, porteurs et propagateurs de l’automatisme mental des problèmes généralisés («Tout devient problème»), étant à la fois dans le rôle de celui qui influence les autres et dans celui qui subit l’influence des autres. Une approche critique impose de prendre conscience du présentisme définit François HARTOG, dans lequel nous vivons. (8)
L’ENSEIGNEMENT, UNE AFFAIRE DE TRIANGLES ?
Les Sciences de l’Éducation de la fin du XXe siècle sont marquées par la théorie du « triangle pédagogique » présentée par Jean HOUSSAYE (né en 1947) dans la thèse qu’il a soutenue en 1982 sous la direction de Daniel HAMELINE (9). Il est à noter que l’un et l’autre étaient présents lors de la seconde journée du colloque, le jeudi 24 mars.
Cette théorie triangulaire a donné lieu à d’innombrables reprises et commentaires. Elle a été élaborée à partir de divers travaux. On pense à FREUD et à Jacques LACAN, et à certains de leurs développements théoriques sur la place occupée par les relations triangulaires où deux termes se trouvent privilégiés au détriment d’un troisième. Elle présente l’acte pédagogique comme une relation triangulaire dont les trois sommets sont : le savoir, le professeur, les élèves. Trois relations en découlent :
- enseigner (entre le professeur et le savoir),
- former (entre le professeur et les élèves),
- apprendre (entre les élèves et le savoir).
Le colloque « Communauté Éducative Inclusive », par son intitulé et par son programme, propose lui aussi une double articulation de trois termes :
- trois verbes (accueillir, enseigner, évaluer),
- trois concepts (la relation éducative, les lieux, le politique).
L’approche bi-partite est souvent incomplète, négligeant l’opérabilité d’un troisième terme. Augustin MUTUALE, Fabienne SERINA-KARSKY et Séverine PARAYRE, réfléchissant à la relation éducative en l’élargissant à toutes les « professions adressées à autrui », notent que celle-ci est une relation « dont l’objectif n’est pas la relation mais l’objet tiers ». (p. 3)
MUTUALE Augustin, PARAYRE Séverine, SERINA-KARSKY Fabienne. (2021), « La Relation éducative dans les professions adressées à autrui », Appel à textes pour le numéro spécial de la revue Phronesis, à paraître en 2023. https://comeducinclu.hypotheses.org/files/2021/08/Phronesis_relation-educative_-Mutuale-_Serina-Karsky_Parayre-1.pdf
LA PROBLÉMATIQUE INCLUSIVE DU « NOUS DÉBORDANT »
A quel niveau et dans quel contexte se situe l’acte inclusif ? Tout ce qui touche à l’inclusivité entraîne évidemment une implication individuelle (pour les prescripteurs d’inclusion, pour les demandeurs d’inclusion, pour les inclus, pour les incluants…). Mais cette dimension personnelle se trouve dépassée pour s’étendre à « un au-delà individuel » qui implique toute la collectivité, que celle-ci exprime ou manifeste librement un désir d’inclusion, ou bien qu’elle exécute ses gestes d’inclusion sous une contrainte d’obéissance hiérarchique.
- Doit-on distinguer deux modalités de l’acte inclusif : une libre inclusion, et une inclusion contrainte ?
- Peut-on imposer des pratiques à des personnes incluantes, comme à des institutions incluantes, sans considérer les conditions qui sont professionnellement vécues sur le terrain (d’une façon temporaire ou structurelle) : état d’indifférence, de réticence, d’absence de moyens, de dépassement (« burn out »), d’opposition, ou encore d’hostilité ?
Que répondre à ceux qui, tout en reconnaissant l’existence de besoins particuliers, s’interrogent sur la légitimité de prise en compte de ceux-ci dès lors qu’ils considèrent qu’ils sont en conflit avec les besoins universels manifestés par ceux qui sont sans besoins particuliers ? Bénéficient-ils alors d’une égale attention.
Il n’est pas possible d’admettre comme « allant de soi » la notion de besoin particulier. Il ne s’agit pas de réfuter l’existence de ce qui motive sa prise en compte, mais de procéder à l’examen critique de sa construction sociale et politique en la soumettant à une procédure d’admissibilité au regard des sciences humaines et sociales. A ce sujet Magdalena KOHOUT-DIAZ écrit :
« Le concept de besoin, à y regarder de près, expose l’élève à être parlé plutôt qu’à parler lui-même pour formuler une demande qui s’efforce de traduire son désir ou sa difficulté. D’autres s’expriment sur ses besoins, les classent et les trient, orchestrant une véritable valse des étiquettes. Si l’activité classificatoire est l’objectif privilégié de toute science, cette nécessaire opération de discrimination devient, en l’absence de vigilance éthique, l’instrument d’une ségrégation. Il y a une différence fondamentale entre les sciences expérimentales ou exactes et les sciences de l’homme. À défaut d’en prendre acte, on tend alors à rassembler les personnes dans une « classe déclassée à laquelle on les identifie ». (10)
Dans un article portant sur « De la Communauté pédagogique universitaire », Augustin MUTUALE revient sur « la pensée du nous ». Il reprend un échange avec Daniel HAMELINE sur les deux sortes de nous (le « nous symbiotique » et le « nous électif ») qui rendent possible un « nous débordant ». Déborder, c’est dépasser, franchir la limite du bord. Cela fait penser à ce l’on appelle un débord dans la pratique des couturières et des tailleurs, mot qui désigne « le liseré qui dépasse le bord dans la doublure d’un vêtement ». Malheur à la couturière débutante qui, lors de la coupe du tissus, oublie de prévoir un débord suffisant ! Augustin MUTUALE écrit à la suite : « D’où le nécessaire dialogique « prendre en compte » et « rendre compte » à l’institution pour ne pas tomber dans le piège d’un militantisme qui pour inclure à tout va, aurait pour conséquence d’exclure ». (11)
A propos du terme de « dialogique », nous trouvons dans le Catéchisme positiviste d’Auguste COMTE cette mention :
« On réserve la forme dialogique, propre à toute vraie communication, pour expliquer les conceptions qui sont à la fois assez importantes et assez mûries. C’est pourquoi, de tout temps, l’enseignement religieux s’accomplit par voie d’entretien et non de récit. ».
COMTE Auguste, (1852). Catéchisme positiviste, p. 14.
Choix du dialogue plutôt que du monologue, de l’entretien plutôt que du récit. Quelles sont les formes du « nous débordant ». ? Déborder consisterait à mettre du moi dans l’autre, et de l’autre dans moi. Nous devons constater que l’inclusion demeure une forme de violence à l’égard de l’institution, et cela, de trois façons : 1. en composant avec les différences (Tout individu n’est-il pas toujours porteur de différences ?), 2. en imposant leur reconnaissance (Quelles sont les conséquences de cette implication ?), 3. en faisant entrer des particularités là où elles ne se trouvaient pas, les différences incluses devenant alors des « non-différences ».
Les plans de coupe des tailleurs et des couturières sont représentés dans le Supplément du Recueil de planches sur les sciences, les arts libéraux et les arts mécaniques avec leurs explication (1762) de l’Encyclopédie de DIDEROT et D’ALEMBERT. Tous les dessins, en « forçant » la connaissance du lecteur, sont singuliers et vont au-delà de la réalité A ce propos, Jacques PROUST note que « Roland BARTHES n’était pas loin de faire du recueil de planches une sorte d’empire poétique où tout pouvait d’un instant à l’autre se mettre à bouger, et laisser transparaître l’envers obscur des choses ». (12)
CONCLUSION
Un colloque est un « moment » : on y vient avec des connaissances et des lectures déjà acquises. Il en introduit de nouvelles à venir. Charles GARDOU écrit en 2020 qu’entrer dans la réflexion et l’action « de l’inclusif », est une façon de « composer avec nos étrangetés et nos fragilités partagées »
« La notion de société inclusive se diffuse en un temps traversé de mouvements divergents, aussi obscurs que lumineux, troublé que troublant.
Elle apparaît en quelque sorte à contre-culture, telle une idée ronde dans un monde carré. Or derrière cette idée, il y a quelque chose de l’ordre d’une attente, d’un autre horizon désiré, d’un temps autre qui saurait enfin composer avec nos étrangetés et nos fragilités partagées dont le handicap est l’une des multiples expressions.
Chaque époque se focalise ainsi sur certains concepts, d’autant que la chose nommée lui fait défaut : elle en éprouve le manque ». (13)
GARDOU Charles, (2020). « La société inclusive », Empan, n°117, Érès Éditeur, p. 13. (Propos recueillis par Julien BOUTONIER).
Dire qu’un colloque possède un avant, un pendant et un après ne constitue qu’en apparence un propos banal : il doit toujours anticiper les évènements à venir produits par l’actualité qui recontextualise de façon permanente les contenus abordés, les idées, les concepts qui sont en cours et qui évoluent sans cesse. C’est ce qui va advenir qui donne un sens à ce que nous vivons.
« Je suis fier d’avoir bâti avec vous l’école inclusive » déclare Emmanuel MACRON lors d’une longue intervention – qui a duré plus de trois heures – lors de son meeting télévisé de campagne électorale, le samedi 2 avril 2022 dans la salle de Paris La Défense Arena. (14)
L‘école inclusive n’est pas une pensée/action neutre, elle est politique. Nous constatons qu’elle est incluse dans l’espace public, gouvernemental et électoral et qu’elle figure, en tant que telle, à son bilan. L’emploi d’une locution verbale passée (« avoir bâti » désigne une action qui est achevée) doit-être discuté. L’école inclusive, est-elle une entreprise qui peut connaître un terme temporel ? Il apparaît qu’elle appartient à la catégorie des « choses en train de se faire », et doive demeurer de ce fait, à jamais inachevée.
On ne peut pas parler de l’inclusion comme d’une réalisation qui, à un moment quelconque de son processus, soit faite. Dans la mesure où un consensus de l’ensemble de ses « parties prenantes » s’établit sur son objet, où sont pesés les effets des inévitables déinstitutionnalisations qu’elle provoque à l’égard d’autres institutions, et où les moyens nécessaires sont trouvés dans la durée pour assurer son fonctionnement effectif quotidien, la pensée/action d’inclusion est indéfiniment à faire, à défaire, à refaire.
Bernard MÉRIGOT
Anthropologue
Chercheur associé à la MSH Paris-Orsay
4 avril 2022
Nous prévoyons de poursuivre nos échos à ce colloque par plusieurs articles à paraître. (Voir note n°2 ).
RÉFÉRENCES DE L’ARTICLE
1.MUTUALE Augustin, SERINA-KARSKY Fabienne et POMBET Thibaud, (2022). « Communauté éducative inclusive. Accueillir, enseigner, évaluer. Présentation », organisé par Augustin MUTUALE et coordonné par Fabienne SERINA-KARSKY et Thibaud POMBET, Institut Catholique de Paris, 23-24 mars 2022. https://comeducinclu.hypotheses.org/1018
2. Nous avons prévu de rendre compte des différents « moments » successifs de ce colloque (La relation éducative, Les lieux de communauté éducative inclusive, Le politique de la communauté éducative inclusive) par cinq articles distincts :
-
Article 1. À la recherche de la communauté éducative inclusive. Le colloque de l’ISP-Faculté de l’Éducation de l’Institut Catholique de Paris (23-24 mars 2022). 1ere partie (C’est le présent article qui est en ligne)
-
Article 2. Quelles limites la relation éducative peut-elle connaître ? Échos du colloque sur la Communauté éducative inclusive. Institut Catholique de Paris. 2e partie (A paraître)
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Article 3. Qu’ont de commun les lieux de l’inclusion éducative et scolaire ? 3e partie (A paraître)
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Article 4. Le politique ou la politique ? De quelle instance relève l’inclusion éducative et scolaire ? 4e partie (A paraître)
-
Article 5. Concepts et stratégies institutionnelles. 5e partie (A paraître)
3. La question qui consiste à savoir si les logiques marchandes doivent inspirer toutes les activités humaines dans les domaines culturels, sociaux, ou éducatifs… a été mise sur le devant de l’actualité en février 2022 par l’exemple des établissements de la santé. La presse, l’opinion publique, puis les parlementaires se sont inquiétés de savoir s’il était normal que les Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD) ainsi que les maisons de retraite soient gérés par des entreprises fondées sur le profit qui rémunèrent les investissements financiers effectués. Est-il acceptable que des bénéfices soient réalisés au détriment des personnes âgées et de leurs familles ? La même question se pose pour des activités d’enseignement (écoles de commerce, écoles d’ingénieurs, formations universitaires…) qui sont conduites par des structures de nature commerciale dont la finalité est également de distribuer des dividendes à des actionnaires ou à des fonds de pension. Il existe une autre logique qui est celle des entreprises sans but lucratif.
4. INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS / ICP-FACULTÉ D’ÉDUCATION (2019). « Projet facultaire ISP-Faculté d’Éducation. Communauté éducative inclusive et scolaire », 2 p.
5. PARAYRE Séverine, SERINA-KARSKY Fabienne et MUTUALE Augustin, 2020). De la pédagogie universitaire inclusive, L’Harmattan, 280 p. Préface de Philippe BORDEYNE.
PARAYRE Séverine, SERINA-KARSKY Fabienne et MUTUALE Augustin, (2022). Du devenir humain. Une éducation par laquelle l’être humain se forme à être humain. L’Harmattan, 330 p. Préface d’Emmanuel PETIT.
6. CHARBONNIER Sébastien, (2017). « Qu’est-ce que problématiser ?», Recherches & éducations [En ligne], 17 | Juin 2017, mis en ligne le , consulté le 15 mars 2022. URL : http://journals.openedition.org/rechercheseducations/5165 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rechercheseducations.5165
FABRE (2017). Qu’est-ce que problématiser ?, Vrin.
7. Revue d’anthropologie des connaissances, (https://journals.openedition.org/rac/267),
8. HARTOG François, (2022). « Nous sommes bloqués dans un présent qui se suffit à lui-même », La Croix Hebdo, n°124, 18 mars 2022., p. 34-35.
HARTOG François, (2020). Chronos. L’Occident prises avec le temps, Gallimard.
9. HOUSSAYE Jean, (1988). Le Triangle pédagogique. Théorie et pratiques de l’éducation scolaire, Peter Lang, Berne. Nombreuses rééditions. Jean HOUSSAYE est professeur est honoraire de Sciences de l’éducation, Université de Rouen-Normandie.
10. KOHOUT-DIAZ Magdalena, (2018).« Introduction », dans : L’éducation inclusive. Un processus en cours, sous la direction de Kohout-Diaz Magdalena. Toulouse, Érès, « Connaissances de la diversité », p. 9-13. URL : https://www.cairn.info/–9782749258317-page-9.htm
11. MUTUALE Augustin, (2020). « Partager et mettre en œuvre une pédagogie inclusive dans l’enseignement supérieur. De la Communauté pédagogique universitaire », in PARAYRE Séverine, SERINA-KARSKY Fabienne et MUTUALE Augustin, De la pédagogie universitaire inclusive. L’université et le handicap, L’Harmattan. p. 26.
12. PROUST Jacques,(1985). « Le recueil de planches de l’Encyclopédie », L’Encyclopédie Diderot et D’Alembert, planches et commentaires, Hachette, p. 15).
13. GARDOU Charles, (2020). « La société inclusive », Empan, n°117, Érès Éditeur, p. 13. (Propos recueillis par Julien BOUTONIER).
VOIR AUSSI : GARDOU Charles, (2020). « La fragilité nous réunit, la force nous divise (La question de la société inclusive que j’oppose à la société exclusive est la question la plus forte de notre temps), Démarche prospective de l’enseignement catholique », 15 septembre 2020, (19’40’’). Vidéo réalisée par l’enseignement catholique pour la Semaine Prospective des directeurs diocésains, https://www.youtube.com/watch?v=US_4To06rCI
Contexte de la communication de Charles GARDOU
De novembre 2021 à mai 2022 se sont tenues une série de rencontres prospectives régionales organisée par le Secrétariat général de l’enseignement catholique à l’intention des directeurs diocésains de l’enseignement catholique. Le but annoncé était « d’impliquer chaque acteur dans une démarche qui permette à chaque territoire de relever les défis éducatifs actuels au plus près de ses besoins locaux » afin de dessiner « des orientations régionales pour enrichir la stratégie engagée nationalement. Une démarche résolument synodale. » https://enseignement-catholique.fr/demarche-prospective/
Dix thèmes ont été abordés et ont fait l’objet de séquences vidéos :
Question préalable n°1. Quel sens ? Pourquoi et pour quoi : une vision et un projet pour orienter l’action
Chantier 1. Liberté et innovations pédagogiques et éducatives
Chantier 2. Accueil de tous : le choix éducatif de la diversité, les engagements en faveur de la mixité sociale et scolaire
Chantier 3. Du « pacte éducatif global » au pacte éducatif local
Chantier 4. Pertinence et conditions d’une structuration des établissements en réseaux
Chantier 5. De la solidarité aux solidarités concrètes : modalités, critères, formes, périmètres pertinents…
Chantier 6. Un modèle économique à renouveler et à diversifier
Chantier 7. Une proposition éducative spécifique à faire connaître et reconnaître : communication et formation
Question tranversale n°2. Quels choix prospectifs ?
Question tranversale n°3. Quelle « pastorale » de l’Ecole catholique ?
La contribution de Charles GARDOU s’inscrit dans l’atelier n°2, Accueil de tous : le choix éducatif de la diversité, les engagements en faveur de la mixité sociale et scolaire
14. MACRON Emmanuel, (2022). « En direct. Emmanuel Macron avec vous à Paris à Paris-La Défense-Arena », (Meeting politique de campagne électorale pour l’élection présidentielle des 10 et 24 avril 2022), samedi 2 avril 2022, La République en marche, https://en-marche.fr/articles/actualites/en-direct-emmanuel-macron-avec-vous-a-paris-la-defense-arena (Consulté le 3 avril 2022).
Enregistrement vidéo de 3 h 11. https://www.youtube.com/watch?v=fnPrPR2jBkQ (Consulté le 3 avril 2022).
« DIRECT | Emmanuel Macron avec vous à Paris La Défense Arena
2 avril 2022 – C’est le jour J ! Suivez en direct notre grand rassemblement à Paris La Défense Arena. Soutenez Emmanuel Macron sur les réseaux sociaux #MacronArena
Parce que cette élection présidentielle déterminera les directions que le pays se donne à lui-même pour les cinq années à venir et bien au-delà, et que rien n’est jamais écrit à l’avance, votre mobilisation est essentielle :
Soutenez Emmanuel Macron sur vos réseaux sociaux avec le hashtag #MacronArena
Suivez toute l’actualité de la campagne d’Emmanuel Macron sur : YouTube. Twitter. Facebook. Instagram. Telegram.
Ensemble, nous pouvons faire des 10 et 24 avril 2022 le point de départ d’une nouvelle époque française et européenne.
Avec vous. Pour vous. Pour nous tous. »
LÉGENDES DES ILLUSTRATIONS
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« Communauté éducative inclusive : accueillir, enseigner, évaluer », Colloque de l’ lnstitut Catholique de Paris, séance du 24 mars 2022. Table ronde sur la relation éducative animée par François MOOG, avec Alain FRUGIÈRE, Nadjet TABOURI, Myriam KETTANI, Catherine ZONGO, Marie-Krystelle VILMORE et Gabriel MAES.
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PEUT-ON ENSEIGNER EN FAISANT CONFIANCE A DES MACHINES ? Illustration attribuée à Jean-Marc CÔTÉ extraite d’une série de 30 cartes postales réalisées à l’occasion de l’exposition universelle de 1900.
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LA COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE INCLUSIVE. Accueillir, enseigner, évaluer. Le triangle de l’ISP-Faculté de l’Éducation, Institut Catholique de Paris, Colloque des 23-24 mars 2022. (BM/TDNL, 2022)
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« L’ENVERS OBSCUR DES CHOSES ». « Couturière », Planche 133 » extraite du Supplément du Recueil de planches sur les sciences, les arts libéraux et les arts mécaniques avec leurs explication, 1762). Extraite de L’Encyclopédie Diderot et D’Alembert, planches et commentaires présentées par Jacques PROUST, Hachette, 1985, p. 818.
Concernant le Recueil des planches, Jacques PROUST note « Roland BARTHES n’était pas loin de faire du recueil de planches une sorte d’empire poétique où tout pouvait d’un instant à l’autre se mettre à bouger, et laisser transparaître l’envers obscur des choses ». (PROUST Jacques,1985. « Le recueil de planches de l’Encyclopédie », L’Encyclopédie Diderot et D’Alembert, planches et commentaires Hachette, p.15.)
ANNEXE
COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE INCLUSIVE : ACCUEILLIR, ENSEIGNER, ÉVALUER
Colloque 23-24 mars 2022
Institut Supérieur de Pédagogie, Faculté d’Éducation,
Institut Catholique de Paris
74, boulevard de Vaugirard, 75006 PARIS
En s’appuyant sur les travaux menés autour des trois chantiers « accueillir, enseigner et évaluer », ce colloque propose une réflexion problématisée sur la Communauté Éducative Inclusive (CEI) autour de trois axes. Ces axes de travail permettront de relier les travaux entrepris durant les deux premières années d’identification et d’institutionnalisation du projet facultaire et de l’inscrire dans une perspective de rayonnement.
• Le premier axe aborde les enjeux de la CEI à partir des différentes dimensions constitutives d’une relation éducative.
• Le deuxième axe investi lors de ce colloque questionne le rapport aux lieux de la CEI.
• Le troisième axe de ce colloque propose enfin de situer les enjeux de la CEI dans une perspective politique.
Sur la base de ces propositions thématiques, nous invitons l’ensemble de notre communauté éducative qui inclut nos partenaires à nous rejoindre pour cet événement fédérateur des activités menées au sein de l’ISP-Faculté d’Éducation.
MERCREDI 23 MARS 2022
Introduction
Emmanuel Petit, Recteur de l’ICP et Augustin Mutuale, Doyen de l’ISP-Faculté d’Éducation
La relation éducative
Fabienne Serina-Karsky et Séverine Parayre, ISP-Faculté d’Éducation
TABLE RONDE SUR LA RELATION ÉDUCATIVE
Modération : François Moog, Theologicum
Alain Frugière, Sorbonne Université – INSPé de Paris
Nadjet Tabouri, ISP-Faculté d’Éducation
Myriam Kettani, ISP-Faculté d’Éducation
Catherine Zongo, ISP-Faculté d’Éducation
Marie-Krystelle Vilmore, ISP-Faculté d’Éducation
Gabriel Maès, ISP-Faculté d’Éducation
TABLE RONDE SUR LES LIEUX
Modération : Gilles Lecoq et Sarah Abi Raad, ISP-Faculté d’Éducation
Marie-Odile Plançon, Secrétariat général de l’enseignement catholique
Eva Salerno, ISP-Faculté d’Éducation
Jeannot Nirisoa, ISP-Faculté d’Éducation
Gergana Dimitrova, ISP-Faculté d’Éducation
Corinne Mérini, ISP-Faculté d’Éducation
Valérie Delobel, ISP-Faculté d’Éducation
Fil rouge
Guy Berger et Séverine Parayre, ISP-Faculté d’Éducation
JEUDI 24 MARS 2022
Le politique
Thibaud Pombet et Laurent Tessier, ISP-Faculté d’Éducation
TABLE RONDE SUR LE POLITIQUE
Modération : Bernard Hugonnier, ISP-Faculté d’Éducation
Avec:
Alexandra Leyrit, Université de Saint- Etienne
Patrice Hauchart, ISP-Faculté d’Éducation
Pierre-Henri Beugras, ISP-Faculté d’Éducation
Laurence Rolinet, ISP-Faculté d’Éducation
Hélène Fromont, ISP-Faculté d’Éducation
Anne Olivier, ISP-Faculté d’Éducation
Fil rouge
Guy Berger et Séverine Parayre, ISP-Faculté d’Éducation
Discours de clôture
Augustin Mutuale, ISP-Faculté d’Éducation
Comité de pilotage scientifique :
Myriam Kettani, Augustin Mutuale, Anne Olivier, Séverine Parayre, Thibaud Pombet et Fabienne Serina-Karsky – ISP-Faculté d’Éducation
Comité d’organisation :
Azadée Afraz, Valérie Delobel, Joselie Doninion, Laurianne Lawson, Zoraïda Lebaut, Clémence Rivoal, Marie-Krystelle Vilmore – ISP-Faculté d’Éducation
RÉFÉRENCES
« Communauté Éducative Inclusive : accueillir, enseigner, évaluer » , Colloque organisé par Augustin Mutuale, Doyen de l’ISP-Faculté d’Éducation et coordonné par Fabienne Serina-Karsky et Thibaud Pombet, Maîtres de conférences à l’ISP-Faculté d’Éducation, 23 et 24 mars 2022, Institut Catholique de Paris, 74 rue de Vaugirard, 75006 Paris.
COMMENTAIRES
9 avril 2022
Penser et contruire l’éducation inclusive
Dans un article publié sur le site de l’ICP le 24 avril 2022, l’ISP-Faculté d’Éducation présente et rend compte brièvement du colloque.
« Mon rêve fou : tous ensemble faire preuve de la transformation du monde, de la Licence en Sciences de l’éducation au doctorat. La Faculté d’Éducation est au service de l’ICP afin de penser et construire l’éducation inclusive, être plein de sollicitude et atteindre l’excellence » souligne le Doyen Augustin MUTUALE, en référence au titre de son cours « Écrire son rêve fou ». »
INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS, « Penser et construire l’éducation inclusive », 24 mars 2022. https://www.icp.fr/a-propos-de-licp/actualites/colloque-communaute-educative-inclusive-1
Les principaux termes employés par ce texte d’Augustin MUTUALE méritent d’être commentés.
- « Rêve fou »: un substantif et un adjectif forment ici une tournure, une façon de dire qui désigne un « rêve » volontaire, une « chose » imaginée qui serait d’une nature extrême, inédite, à la limite de ce que l’on peut raisonnablement penser. Aucun rêve naturel qui appartient au sommeil n’est « fou ». Les rêves de la vie éveillée peuvent-ils l’être ? Peut-être dans la mesure où ils s’opposent aux rêves raisonnables, ceux qui peuvent être réalisés.
- « Tous ensemble »: il s’agit d’un rêve collectif, le rassemblement d’un groupe au sein duquel tous ont en commun un même projet.
- En quoi consiste-t-il ? A partager et à accomplir une action commune, qui apporte un témoignage qui consiste à « faire preuve de la transformation du monde ». Transformation de l’organisation du monde régie par les institutions.
- Par quels moyens ? En participant à une réflexion et à une action dans une application (au sens ou un logiciel remplit cette fonction dans un système numérique) agit pour « penser et construire l’éducation inclusive ».
- « Être plein de sollicitude ». Pas de sollicitude sans « éthique de la sollicitude », c’est-à-dire une éthique du care (de l’anglais Ethics of Care), notion qui a pris naissance dans les pays anglophones. Le mot de sollicitude (du latin sollicitudo, inquiétude, souci) regroupe un ensemble de sens comprenant ceux de l’attention, du soin, de la responsabilité, de la prévenance, de l’entraide… Nous devons y ajouter celui de respect de la part de ceux qui sont en position d’exercer un pouvoir, respect de soi-même et respect des autres tant au niveau du discours que l’on tient chaque que « du faire » : qu’il s’agisse de faire/ne pas faire, faire bien/faire mal, dire que l’on fait /faire réellement, annoncer que l’on va faire/faire ou ne pas faire … Un respect que tout praticien du soin attend, en retour, d’être également l’objet : sollicitude des enseignants pour les élèves, sollicitude des éléves pour les parents, sollicitude des parents pour les enseignants… Tous les enseignants, tous les élèves, tous les parents : le système du soin généralisé est un vaste programme !
Éloïse GIRAULT, livrant une lecture du livre Un monde vulnérable. Pour une politique du care de Joan TRONTO (Paris, La Découverte, 2009, 239 p.), note que la philosophie politique définit le care d’une façon globale comme « une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre monde de sorte que nous-mêmes, ainsi que tous ses habitants, puissent y vivre le mieux possible ».GIRAULT Eloïse, (2010). « Un monde vulnérable. Pour une politique du care, de Joan Tronto », Sociétés et jeunesses en difficulté, n°9 | Printemps 2010. URL : http://journals.openedition.org/sejed/6724 - Choisir quelquechose de « fou » ne consiste pas à « être fou » dans un sens qui consisterait à manifester une fantaisie extrême, une originalité à tout prix, à déroger aux règles institutionnelles communément admises, mais à « atteindre l’excellence », c’est-à-dire à « entrer dans un cercle » au sens où René CHAR parle d’ : « entrer dans le cercle de la bougie et s’y tenir, en ne cédant pas à la tentation de remplacer les ténèbres par le jour et leur éclair nourri par un terme inconstant. »
CHAR René, (1983). « Justesse de Georges de La Tour (1966) », (Dans la pluie giboyeuse) in Œuvres complètes, Gallimard, p. 455.
Le fou du rêve n’a rien à voir avec faire le fou. Il vise tout au contraire à « entrer dans le cercle », à faire effort pour se hisser au meilleur de soi-même afin et que les « apprenants » (élèves, étudiants, stagiaires) se rapprochent au plus près de l’excellence.
C’est ainsi que nous entendrons la prière du père Louis-Joseph LEBRET (1897-1966) « Ô Dieu, envoie-nous des fous », souvent citée, en contextualisant la folie invoquée et en la poussant jusqu’à ce qui nous apparaît être son terme.
« Ô Dieu, envoie-nous des fous, qui s’engagent à fond, qui oublient, qui aiment autrement qu’en paroles, qui se donnent pour de vrai et jusqu’au bout. Il nous faut des fous, des déraisonnables, des passionnés, capables de sauter dans l’insécurité : l’inconnu toujours plus béant de la pauvreté. Il nous faut des fous du présent, épris de vie simple, amants de la paix, purs de compromission, décidés à ne jamais trahir, méprisant leur propre vie, capables d’accepter n’importe quelle tâche, de partir n’importe où, libre et obéissants, spontanés et tenaces, doux et forts. Ô Dieu, envoie-nous des fous ! Ainsi soit-il. »
LEBRET Louis-Joseph (1897-1966), « Ô Dieu, envoie-nous des fous », http://site-catholique.fr/index.php?post/Priere-de-Louis-Joseph-Lebret
Fous exclus, fous « inclus », fous qui souffrent et qui font souffrir leurs proches, fous imaginaires, mais qui entrent dans le cercle éclairé par la bougie dans un tableau de Georges de LA TOUR, engagés dans une voie qui postule l’excellence.
La perspective de l’excellence ici ouverte n’a rien à voir avec le n’importe quoi des innovations pédagogiques débridées, ni avec le n’importe comment des pratiques éducatives confuses ou laxistes qui, l’une et l’autre, ont pour effet de créer dans l’immédiateté des effets de surface qui détournent des exigences profondes que sont l’acquisition de connaissances, la construction d’expériences, et l’acquisition de méthodes qui sont propres aux pratiques professionnelles.
B.M.
COMMENTAIRES
21 avril 2022
Frustration, déception et inquiétude face à « l’école inclusive »
Dominique MOMIRON, inspecteur de l’éducation nationale honoraire et ancien conseiller pour l’école inclusive de l’Académie de Clermont-Ferrand livre le témoignage suivant dans Le Café pédagogique (« Toute l’actualité pédagogique sur Internet ») en date du 17 mars 2022.
« Tous les gouvernements de ce début de XXIe siècle obéissent davantage aux nécessités politiques du temps électoral d’une mandature de cinq ans qu’aux besoins du temps long qui est celui de l’éducation. L’illusion performative est alors intrinsèquement liée à la communication politique.
Concernant l’école inclusive, le quinquennat qui s’achève actuellement en aura été l’un des plus actifs en l’espèce. On allait enfin créer une école « pleinement inclusive » au terme d’un plan volontariste achevé en 2022. Chaque rentrée, une kyrielle de données chiffrées succédaient triomphalement à la précédente.
Pour la première fois en 2019, une circulaire de préparation de la rentrée signée par le ministre était intégralement consacrée à l’école inclusive en vue de créer un grand service public de l’école inclusive. Et la loi pour une école de la confiance de juillet 2019 comportait un chapitre de six articles entièrement dédiés au renforcement de l’école inclusive.
Au terme de cette période 2017-2022, il est patent qu’ont été créés de nouveaux dispositifs (SDEI, PIAL, CDSEI, CNSEI, Cap école inclusive, automatisation des aménagements d’examen, convention régionale de partenariat avec les ARS, LPI) et que des moyens supplémentaires ont été budgétés (emplois d’AESH, Ulis, UEE Autisme).
Et pourtant, sur le terrain, aussi bien du côté des professeurs que pour les AESH et les parents, jamais ne s’est estompé un énorme sentiment de frustration, de déception et d’inquiétude face aux réalités. C’est qu’il y a loin de la coupe aux lèvres »
MOMIRON Dominique (2022). « L’école inclusive et ses obstacles », Le Café pédagogique (Toute l’actualité pédagogique sur Internet), 17 mars 2022. http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2022/03/17032022Article637830960146105288.aspx
Commentaire
Mercredi 18 mai 2022
Des affaires de triangles
A l’occasion de recherches concernant John DEWEY, je découvre dans un article de 2017 de Michel FAURE qui comporte en illustration un triangle de même type. Je ne le connaissais pas. Ma réflexion de départ concernait la place et le pouvoir exercé par de ce que l’on désigne communément sous le terme d’ « institution ». La question est donc à approfondir.
On lira ci-dessous, à la suite ce cette illustration, un extrait de l’article de Michel FAURE.
Dynamique du champ pédagogique, extrait de « Dewey et le triangle de la formation » de Michel FABRE.
« À suivre le fil conducteur du langage ordinaire, former c’est en effet à la fois former quelqu’un à quelque chose et pour quelque chose. D’où les trois logiques de la formation :
-
- la logique psychologique (former quelqu’un),
- la logique didactique (le former à quelque chose),
- la logique sociale ou socio-économique (le former pour quelque chose).
On retrouve là le triptyque deweyen, les trois objectifs que Dewey assignait à la formation :
-
- le développement,
- la culture,
- l’utilité sociale.
C’est un leitmotive de Démocratie et Éducation (Dewey, 1983, p. 141-155). Si chaque formation enveloppe nécessairement ces trois logiques, on conçoit qu’elle puisse privilégier l’une ou l’autre selon les finalités qu’elle se donne. On parlera alors de formation professionnelle, de formation psychosociologique ou de formation didactique selon qu’il s’agit plutôt de préparation au métier, de développement personnel ou de construction de savoir.
La modélisation utilisée, inspirée de celle de Jean Houssaye (2009), en situant les trois types de formation sur un triangle, fait apparaître leurs problématiques spécifiques. Le problème de la formation professionnelle est d’articuler logique sociale et logique didactique puisqu’il s’agit de l’apprentissage d’un métier en vue d’une insertion socio-professionnelle. Celui de la formation psycho-sociologique, d’articuler logique psychologique et logique sociale puisque ce qui est en jeu est le développement et l’insertion ou la réinsertion sociale d’un sujet fragile. Enfin la problématique de la formation didactique vise la conjonction entre développement du sujet et acquisition de savoir. »
FABRE Michel (2017). « Dewey et le triangle de la formation », Questions Vives, n° 27 | 2017, URL: http://journals.openedition.org/questionsvives/2069; DOI: https://doi.org/10.4000/questionsvives.2069
B.M.