Combattre les rétentions de documents publics

TERRITOIRES ET DÉMOCRATIE NUMÉRIQUE LOCALE
Pour un libre accès à tous les documents publics locaux
(Combattre les rétentions de documents publics)
Toutes les sociétés locales comportent des diversités, qu’elles soient visibles ou discrètes. Comment les membres qui en sont issus peuvent-ils « vivre ensemble » ? La réponse est simple : à partir du moment où ils peuvent partager un « collectif commun ». A ce titre, un égal accès de tous les citoyens à tous les documents publics locaux constitue un préalable qui rend possible à la fois une pratique démocratique quotidienne apaisée et la construction d’un avenir partagé.
Or, on constate que de nombreuses collectivités locales pratiquent des rétentions d’informations publiques, ce qui empêche, rend problématique, voire impossible, tout partage.
Il convient de rendre conscients élus et administrations locales de leur responsabilités dans de domaine. C’est pourquoi Territoires et démocratie numérique locale (TDNL), procédant à une analyse anthropologique des fonctions remplies par le secret appliqué à la « chose publique » mettra en ligne le 1er octobre 2016 une publication numérique appelant à la mise en place de vastes Open data permettant un libre accès immédiat à tous les documents publics locaux.
1. La rétention d’informations publiques
2. L’intimidation citoyenne
3. L’instauration politique du secret
1. LA RÉTENTION D’INFORMATIONS PUBLIQUES
Le refus de communiquer un document public ne procède-t-il pas d’une démarche qui est d’essence politique ?
La rétention d’informations consiste pour des élus ou des administrations à dissimuler, ou à refuser de communiquer, une information ou un document public, à une personne ou à une organisation, alors qu’elles sont légitimement en droit de les connaître et d’en disposer. Elle peut prendre la forme d’une négation de l’existence même de documents qui existent bel et bien. (1)
Dans les entreprises, les rétentions d’informations ont un coût qui peut être évalué. Ce coût de l’ignorance, même s’il est invisible, est réel. Il est à la fois économique, social, psychologique… Les rétentions d’informations et les refus de communication peuvent être liées à un système, ou être délibérées, être systématiques ou bien encore être discriminatoires à l’égard de certaines personnes. Elles constituent un cas répertorié dans l’échelle de harcèlement (mobbing) établie par Heinz LEYMANN. (2)
http://www.savigny-avenir.fr/2011/03/19/les-45-agissements-du-harcelement-mobbing-selon-heinz-leymann/
Lorsque qu’une autorité (administration, service public, entreprise…) refuse un document à une personne qui a le droit d’en prendre connaissance et d’en obtenir une copie, alors qu’elle détient, elle commet un acte de violence à l’égard du demandeur. Bernard BESSON (3) identifie quatre causes aux rétentions de documents et aux refus de les communiquer :
•   un défaut de leadership des responsables de la collectivité, craignant que toute circulation d’information affaiblisse leur pouvoir,
•   l’existence d’une structure pyramidale dans laquelle personne n’ose diffuser quoi que ce soit sans être hiérarchiquement couvert,
•   la prépondérance des ingénieurs et des techniciens qui s’estiment comme étant les seuls aptes à détenir certaines informations,
•   les comportements individualistes amenant à considérer une information publique comme étant une propriété individuelle (« Moi, je dispose de ce document, mais je n’ai pas le droit de le diffuser à d’autres »).
On peut y ajouter :
•   le mépris du citoyen, de l’usager, du client… manifestation d’indifférence et de manque de soin démocratique
2. L’INTIMIDATION CITOYENNE
Il faudrait faire l’histoire des étranges relations qui existent entre les pouvoirs locaux et les citoyens. Anne LEYVAL-GRANGER note l’extrême timidité politique existant, dans le milieu du XXe siècle, à l’égard des exécutifs municipaux.
« Pour avoir accès aux documents d’une commune, il fallait être soit élu, soit agent de cette collectivité. Craignant souvent la réaction du maire, les administrés hésitaient à lui demander la communication de documents communaux, et la quasi absence de textes sur lesquels fonder leur demande justifiait aussi leurs hésitations. À cette époque, la mairie ne se devait pas d’entretenir une relation de transparence vis-à-vis des administrés, le besoin d’information n’étant pas si grand et les élections locales aussi politisées qu’à l’heure actuelle : la vie locale restait en effet très réduite et limitée à des domaines restreints. »
Elle poursuit en constatant : « De ce fait, les élus géraient des communes en toute sérénité, les administrés, dont la passivité était entretenue par ce vide juridique, se contentant des informations affichées par le maire à la porte de la mairie. » (4)
3. L’INSTAURATION POLITIQUE DU SECRET
Qu’est-ce que le secret ?
Le secret est ce qui doit rester confidentiel. C’est une information qu’il ne faut pas divulguer. Dévoiler le secret est une violation, une honte, une perte de dignité et un défaut de responsabilité. Cependant, pour que le secret ne perde pas sa force et sa vitalité, il doit être dévoilé et partagé dans le secret (« Je te révèle un secret à condition qu’il reste entre nous »). Le secret, pour durer, doit être partagé.
Le sociologue Noureddine ZAHI a relevé plusieurs paradoxes du secret :
•   le secret se situe entre la parole et le silence : il scelle ce qu’il recèle,
•   le secret est entre le visible et l’invisible : il voile ce qu’il dévoile,
•   le secret est entre la liberté et la contrainte : il délie pour relier,
•   le secret est entre l’extérieur et l’intérieur : il sacralise l’intérieur à partir de l’extérieur,
•   le secret est entre le savoir et l’ignorance : il cache ce qu’il sait,
•   le secret est entre l’individu et le groupe : il réunit (le détenteur du secret fait partie du groupe) et il sépare (il y a ceux qui possèdent •   le secret et ceux qui ne possèdent pas le secret),
•   le secret est un passage : celui qui possède le secret « prend la tête ».
Quel est l’apport de l’anthropologie pour combattre les rétentions de documents publics ?
Lorsque Noureddine ZAHI écrit « Critiquer, c’est contester », il prend l’exemple de ce que l’on appelle au Maroc, un « rougui », c’est-à-dire «celui qui dévoile les secrets du parti, viole la sacralité du groupe et profane la légitimité de son leader». Il le commente de la façon suivante :
« Pour conserver sa légitimité et sauver la face, le leader politique interpelle l’institution du secret pour dévoiler les secrets que son concurrent (disciple ou leader naissant) n’a pas pu, par ignorance, déchiffrer d’une manière adéquate. Selon les lois symboliques de l’institution du secret, seul le leader peut dévoiler les secrets, violer cette loi sans être sanctionné. Ces secrets dévoilés ne sont que des composantes personnelles, réelles, historiques ou mythiques de la légitimité du dirigeant qui justifie, en fin de compte, le fait de sanctionner le leader naissant. (5)
Le refus de communiquer, la rétention d’informations publiques, la pratique du secret font partie d’un dispositif politique. Tout cela est bien dépassé. Nous sommes à l’heure de l’open data où les collectivités ont tous les moyens pour mettre en ligne instantanément tous les documents publics. C’est ce que les citoyens attendent.
RÉFÉRENCES
1.
http://www.savigny-avenir.fr/2016/04/18/plan-local-durbanisme-plu-anthropologie-du-refus-par-les-mairies-de-communiquer-des-documents-publics/
2. MÉRIGOT Bernard,
« Les 45 agissements du harcèlement (mobbing) selon Heinz Leymann, http://savigny-avenir.info, 19 mars 2011. http://www.savigny-avenir.fr/2011/03/19/les-45-agissements-du-harcelement-mobbing-selon-heinz-leymann/
3. BESSON Bernard et POSSIN Jean-Claude,
L’audit d’intelligence économique. Mettre en place et optimiser un dispositif coordonné d’intelligence économique, Dunod, 2002, 2e édition.
4. LEYVAL-GRANGER Anne,
« La communication administrative entre secret et publicité », Communication et langages, 1996, Vol 110, n° 1, pp. 61-73.
5.
ZAHI Noureddine, « Politique et institution du secret », http://economia.ma/content/politique-et-institution-du-secret.
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Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
Dépôt légal du numérique, BNF 2016

 

 

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