Le contrôle de légalité de l’État sur les délibérations des conseils municipaux est-il une fiction ?

Les citoyens ont-ils raison de penser qu’il existe un contrôle de légalité exercé par le préfet de chaque département à l’égard des décisions des délibérations des conseils municipaux, des conseils communautaires, des conseils départementaux, des conseils des EPCI … ? Dans une étude, Jean-Marc MAILLOT relève que le contrôle de légalité, conçu comme une instance qui relèverait tous les manquements à la loi, aux règlements et au droit, est une illusion. (1)

LE PRÉFET PEUT-IL FERMER LES YEUX
SUR UNE ILLÉGALITÉ ?

« Le préfet est l’arbitre des intérêts généraux et peut estimer, dans certaines circonstances, que l’intérêt général sera mieux préservé en fermant les yeux sur une illégalité minime ou sans conséquence plutôt que de provoquer des tensions, des coûts ou des retards en recherchant une application stricte de la légalité ». (2)

Cette phrase étonnante a été produite dans le cadre d’une procédure de la justice administrative. Elle amène à réfléchir à un sujet auquel le citoyen a rarement accès, celui de la fabrication des concepts juridiques, domaine des professionnels du droit (juges, assesseurs, rapporteurs publics, avocats, collectivités, requérants…). Dans le cas présent, ces nouveaux concepts mettent en cause le bien fondé de la croyance que l’on manifeste à l’égard de l’ institution démocratique de la justice.

La responsabilité de l’État en matière de contrôle de légalité
Bulletin juridique des collectivités locales (BJCL), n°7-8/13, juillet-août 2013
Controle legalite BJCL 2013
  • Qu’est-ce qu’une « illégalité minime » ? En posant cette question, on accepte l’existence d’une échelle des illégalités : leur taille détermine leur gravité. Reconnaître l’existence d’un pouvoir de la minimalité revient à mettre en doute ce qui distingue l’illégalité de la légalité. De cette façon, on introduit  en droit administratif un relativisme qui permet de justifier, d’une façon générale et permanente, une pratique discrétionnaire de l’administration et des pouvoirs exécutifs.
  • Qu’est-ce qu’une « illégalité sans conséquence » ?  Cette distinction crée deux catégories : celle des illégalités conséquentes et des illégalités inconséquentes. L’illégalité ne s’apprécie plus en soi, dans sa nature propre, mais par rapport aux conséquences qu’elle est susceptible de provoquer. Nous ne sommes plus dans l’acte, mais dans le service après vente de l’acte. Ce qui se passe après qualifie la nature de ce qui s’est produit avant. Une illégalité sans conséquence n’est plus une illégalité.
  • La théorie des illégalités relatives pose de multiples problèmes. Parce que les conséquences de décisions ou d’actes administratifs ne sont pas forcément visibles. Parce que l’on ne sait pas qui possède la légitimité pour apprécier l’existence ou l’inexistence de conséquences éventuelles.
  • Qu’est-ce que l’ « application stricte de la légalité » ? Le contraire d’une « application souple de la légalité », voire d’une non-application de la légalité ? Un État de droit peut-il préserver l’intérêt général en « fermant les yeux » sur une « illégalité minime » ?
  • Enfin, l’exécution du contrôle de légalité peut-il renoncer à ce que le droit soit appliqué au prétexte qu’il risquerait de provoquer « des tensions, des coûts, des retards » ?

Le texte court qui vient d’être analysé émane du rapporteur public présentant les conclusions rédigées en 2000 pour l’arrêt Roquebrune-Cap-Martin. Il remet en cause à la fois les fondements du droit ainsi que le respect républicain qu’on doit naturellement lui porter. Une telle construction produit une fracture juridique.

RÉFÉRENCES
1. MAILLOT Jean-Marc,
« La responsabilité de l’État en matière de contrôle de légalité », Bulletin juridique des collectivités locales (BJCL), n°7-8/13, juillet-août 2013, p. 492-396. Jean-Marc MAILLOT est maître de conférences à l’université de Montpellier et avocat à la Cour. On lira le pdf de l’article avec le lien suivant : Controle legalite BJCL 2013
2
. Concl. Arrêt Roquebrune-Cap-Martin, Revue Française de droit administratif RFDA, 2000, p.1103.

Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
Dépôt légal du numérique, BNF 2015

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