LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°73, lundi 6 janvier 2014
S’il existe une parenté entre l’intelligence économique et l’intelligence territoriale dans le sens où elles utilisent toutes les deux les technologies de l’information, celles-ci différent néanmoins en ce qui concerne leurs objectifs en matière de développement et de gouvernance. (1)
LES DEUX INTELLIGENCES
- L’intelligence économique s’est développée aux États-Unis à partir des années 1980 à partir des travaux de Michael PORTER (2) sous le terme de « Competitive Intelligence », dans le contexte de la société de l’information. Vernon PRIOR, dans son ouvrage « Language of Business Intelligence », la définit de la façon suivante :
« L’intelligence compétitive est un programme, systématique et éthique, de collecte et d’analyse de gestion, de combinaison de données, d’informations et de connaissances sur l’environnement dans lesquelles une entreprise exerce ses activités. Une fois rassemblées et mises en œuvre, les données confèrent un avantage concurrentiel significatif qui lui permettent de prendre les bonnes décisions. » (3)
- L’intelligence territoriale est apparue dans les années 2000. Elle illustre une approche du développement des territoires fondée sur l’usage des technologies de l’information, se rapprochant de l’intelligence économique, mais aussi du développement durable. (4)
« L’intelligence territoriale est pour une communauté, pour ses acteurs, pour ses intervenants, pour ses chercheurs, le moyen d’acquérir une connaissance du territoire, mais également de maîtriser son développement. L’appropriation des technologies de l’information de la communication, et de l’information constitue une étape indispensable pour que ses parties prenantes entrent dans un processus d’apprentissage leur permettant d’agir de façon pertinente et efficiente. L’intelligence territoriale est utile pour aider les acteurs territoriaux à projeter, à définir, à animer et à évaluer les politiques et les actions de développement durable. » (5) Cette définition s’appuie sur l’expérience de la diffusion en Europe de la méthode Catalyse, qui propose, depuis 1989, des outils de diagnostic, d’évaluation et d’observation destinés aux acteurs qui souhaitent argumenter, animer et évaluer des projets de développement durable au niveau de leur territoire.
PROMOUVOIR LES DÉMARCHES PARTICIPATIVES
Jean-Jacques GIRARDOT note deux points communs entre l’intelligence économique et l’intelligence territoriale.
- le recours au Knowledge Management, dont les principes de base sont d’ « améliorer la prise de décision, de favoriser l’innovation, d’établir des relations, d’établir la confiance, de partager l’information, et développer l’apprentissage ». C’est un moyen de sélectionner les informations pertinentes et utiles.
- la revendication d’une éthique ne se limite pas au niveau de la légalité, mais inclut la promotion de méthodes participatives et de modes non hiérarchiques de gestion des partenariats multisectoriels.
- le respect des principes d’approche globale. La référence au développement durable implique pour l’intelligence territoriale d’être multidisciplinaire, multisectorielle, participative, contributive.
L’usage des techniques de l’information et de la communication (TIC) qui stimulent le partage et la transparence de l’information, ainsi que la coopération dans le processus d’analyse de l’information et dans l’action.
L’utilité des informations et des connaissances n’est pas évaluée en fonction de la décision mais en fonction de l’implication de tous dans le processus décisionnel et, surtout, de l’action.
LE TERRITOIRE
EST UN ESPACE DE COOPÉRATION
L’intelligence territoriale ne considère pas les connaissances et l’information comme un outil (analyse multicritères et analyse spatiale), mais comme le vecteur essentiel du développement dans la société de la connaissance.
Elle ne considère pas le territoire comme une entreprise ou un marché, mais essentiellement comme un espace de coopération : « L’intelligence collective se réfère aux résultats tirés de la collaboration et du partage de l’information, ainsi que par la compétition entre de nombreux individus… Elle peut être considérée comme une forme de réseau, qui a été activé par l’évolution récente des technologies de l’information. » (6)
Philippe Dumas définit l’intelligence territoriale ainsi : « L’intelligence comme processus cognitif et d’organisation de l’information, et le territoire comme espace de relations signifiantes. »
UNE SCIENCE POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
Si l’intelligence territoriale propose des outils accessibles aux acteurs du développement durable, elle ambitionne d’être une science dont l’objet est le développement durable des territoires en constituant un « ensemble de connaissances pluridisciplinaires acquises par l’étude ou la pratique multisectorielle ».
Jean-Jacques GIRARDOT propose la définition suivante :
« L’intelligence territoriale ambitionne d’être la science pluridisciplinaire dont l’objet est le développement durable des territoires dans une société de la connaissance.
La communauté territoriale en est le sujet. Son objectif est d’impulser, à l’échelle d’un territoire, une dynamique de développement durable fondée :
- sur une combinaison d’objectifs économiques, sociaux, environnementaux et culturels,
- sur l’interaction entre la connaissance et l’action,
- sur le partage de l’information,
- sur la concertation dans l’élaboration des projets et sur la coopération dans la conduite et l’évaluation des actions.
L’intelligence territoriale :
- rassemble et produit des connaissances pluridisciplinaires utiles à la compréhension des dynamiques et des systèmes territoriaux, d’une part.
- constitue un instrument pour les acteurs du développement durable des territoires, de l’autre.
RÉFÉRENCES
1. GIRARDOT Jean-Jacques, « Qu’est-ce que l’intelligence territoriale ? », http://www.collaboratif-info.fr, 28 juin 2010. Jean-Jacques Girardot, économiste, est coordinateur scientifique de l’Enti (Europeen Network for Territorial Intelligence) http://www.territorial-intelligence.eu
2. PORTER Michaël, Competitive-Strategy, Techniques for Analyzing Industries and Competitors , 1980.
3. PRIOR Vernon, Language of Business Intelligence, http://www.markintell.com/introduction-vernon-prior
4. « Une piste originale liée à la thématique homme-temps-territoire » , Le Monde, 18 mai 1999
5. GIRARDOT Jean-Jacques, 2000. « Principes, Méthodes et Outils d’Intelligence Territoriale. Évaluation participative et Observation coopérative » in Conhecer melhor para agir melhor, Actes du séminaire européen de la Direction Générale de l’Action Sociale du Portugal, EVORA (Portugal), 3-5 mai 2000, DGAS, LISBONNE, décembre 2000, 7-17.
6. PRIOR Vernon, Language of Business Intelligence.
La Lettre du Lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°73, lundi 6 janvier 2014
Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819 Dépôt légal du numérique, BNF 2014