LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°445, lundi 22 février 2021
Est-ce que le modèle chrétien de domination de l’homme sur la nature a servi pendant des siècles d’encouragement et de justification à la dévastation de l’environnement dont nous vivons aujourd’hui les effets ?
La question a été posée très clairement en 1967, il y a un peu plus de cinquante ans, par Lynn WHYTE, professeur d’histoire à l’Université de Californie à Los Angeles dans son article intitulé « Les Racines historiques de notre crise écologique » (The Historical Roots of our Ecologic Crisis). (1). Il inaugurait un débat à la fois politique, économique, philosophique, idéologique et théologique.
Un des fondements chrétiens se trouve dans la Bible, lorsque « Dieu dit » : emplissez la Terre et soumettez-la (Genèse, I, 28). « Dominer la Terre, la nature, les animaux » : l’homme et l’économie capitaliste se sont empressés d’honorer – sans limite – cette autorisation, jusqu’à faire disparaître nombre d’espèces animales, polluer durablement terres et océans, et surtout en produisant CO2 et gaz à effet de serre qui auront bien réchauffé le climat pour les générations futures…
Ce n’est qu’aujourd’hui, un peu plus de cinquante ans après, que des chrétiens – catholiques, protestants, et orthodoxes – se réunissent durant trois jours, les 22, 23 et 24 février 2021, pour un important colloque international organisé par l’Institut catholique de Paris (ICP) sur le thème de « Responsabilités chrétiennes dans la crise écologique. Quelles solidarités nouvelles ? » (3)
Les chrétiens responsables ? Les chrétiens en repentance ? Les chrétiens en solidarité durable ? Pour quoi, au juste ? Pour ce qu’ils ont fait, ou pour ce qu’ils n’ont pas fait ? Ou alors pour ce qui leur reste à faire dans le domaine d’une spiritualité inspirant l’engagement et l’action.
RÉUNION DE FAMILLE EN DISTANCIEL
La présence des différentes familles chrétiennes est assurée par Monseigneur François KALIST, archevêque de Clermont-Ferrand, le pasteur François CLAVAIROLY, président de la Fédération protestante de France, le Métropolite Jean de DOUBNA, chancelier de l’Institut de Théologie orthodoxe Saint Serge, et enfin par Sa Sainteté BARTHOLOMÉE Ier, Primat de l’église de Constantinople.
Les organisateurs du colloque « Responsabilités chrétiennes dans la crise écologique » ont voulu réunir théologiens, philosophes, anthropologues, sociologues, enseignants-chercheurs, représentants religieux… pour trois journées de réflexion sur les traditions et les pratiques religieuses confrontées à un double ébranlement :
- celui de la grave situation écologique (destruction de la nature, réchauffement climatique…),
- celui de la grave situation sanitaire de la crise Covid-19, qui ébranle le monde depuis maintenant une année.
Plusieurs traditions se croisent :
- certaines traditions bibliques valorisent « un être humain jardinier », mais parfois compris comme le sommet de la création, qui peut paraître au-dessus d’elle,
- d’autres traditions chrétiennes modernes se sont fort bien adaptées à l’homme ingénieur de la nature, maître et possesseur à la suite de Descartes.
Trois problèmes se posent au christianisme :
- ses traditions,
- ses enseignements, fondés sur l’interprétation des textes fondateurs,
- ses pratiques d’évangélisation et de transmission de la foi.
Pour y répondre, la réflexion du colloque a proposé trois étapes :
- un diagnostic de la façon dont les Églises se situent aujourd’hui face à la question écologique,
- une relecture de l’anthropologie et de la cosmologie historiquement développées par certaines expressions de la foi chrétienne,
- une exploration des ressources et des modes d’action propres à la foi et à la vie chrétiennes pour affronter les défis actuels.
Il est à noter que « compte tenu de l’incertitude liée à la crise sanitaire », le colloque est conçu « en distanciel », sur inscription individuelle, selon deux modalités :
- en participant « solitaire »,
- en participant « en groupe » dans une vingtaine de villes.
Les contraintes de la crise Covid-19 de 2020 ont accéléré la mutation des cours, des enseignements, des rencontres et des débats vers des formes de télés-conférences. Cela ne remplace pas à l’identique les anciennes modalités d’avant-Covid-19, mais en crée de nouvelles, parfois substitutives, souvent plus imaginatives.
« VINGT DEUX ANS, C’EST BEAUCOUP TROP LONG »
La participation de BARTHOLOMÉE Ier est significative. Le Primat de l’Église de Constantinople prend la parole le lundi 22 février 2021 à 14 heures sur le thème de « La crise écologique au regard de la foi chrétienne ». Surnommé par les médias « le patriache vert », il intervient en tant que responsable religieux sur les questions environnementales depuis les années 1990. Le magazine américain Time l’a inscrit sur la liste des « 100 personnes les plus influentes du monde » pour avoir défini l’écologie comme une responsabilité spirituelle.
Né en 1940, BARTHOLOMÉE Ier, est depuis 1991 le chef spirituel suprême du monde chrétien orthodoxe. Déjà, en décembre 2015, célébrant la 22ème Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de Marrakech, il rappelait que « malheureusement, 197 pays viennent seulement de ratifier une convention adoptée lors du Sommet de la Terre de Rio, en 1992. » Considérant le temps qui s’est écoulé entre 1992 et 2015, il insistait :
« Vingt-deux ans, c’est une période beaucoup trop longue pour répondre à la crise environnementale, notamment lorsque l’on sait qu’elle entretient des liens étroits avec la pauvreté, les migrations et les troubles à l’échelle mondiale.
Quel prix sommes-nous prêts à payer pour le profit ?
Combien de vies sommes-nous prêts à sacrifier pour un gain matériel ou financier ?
Et à quel prix renoncerions-nous à la survie de la création de Dieu ?
Vingt-deux ans plus tard, il est plus que temps pour nous tous de voir les visages des êtres humains qui subissent les conséquences de nos péchés écologiques. »
BARTHOLOMÉE Ier concluait alors : « De plus, comme je l’ai souvent rappelé : “ Nous sommes tous dans le même bateau. ” Les changements climatiques ne concernent pas une nation, une race ou une religion en particulier. Nous ne pouvons répondre aux exigences et à l’ampleur des changements climatiques que lorsque nous assumons ensemble nos responsabilités de croyants et de citoyens. »
CONCLUSION
Ce que l’on nomme couramment dans la société laïque, l’écologie (la nature, le monde végétal et animal, l’air, l’eau et le vent, les saisons…), portent dans la Bible un nom : la Création de Dieu. Pour un chrétien, il est évident que des pêchés ont été commis, et continuent d’être commis à l’encontre de la Création.
Vers quoi les Églises se dirigent-elles ? Quelles repentance pour le passé ? Quelles responsabilités pour le présent ? Quelles solidarités pour l’avenir ?
Quels que soient les débats, et quelles que soient les réponses apportées (mais des débats ont-ils pour fonction d’apporter des réponses ?), on ne peut pas manquer de se pencher avec la même attention sur les mêmes repentances, les mêmes responsabilités et les mêmes solidarités des non-chrétiens, de ceux qui appartiennent à d’autres religions, comme de ceux qui vivent en dehors de toute religion. Parce que le péché collectif contre la nature, comme l’écocide, n’est pas une affaire d’appartenance individuelle à une religion.
Bernard MÉRIGOT
DOCUMENT n°1
RESPONSABILITÉS CHRÉTIENNES DANS LA CRISE ÉCOLOGIQUE.
QUELLES SOLIDARITÉS NOUVELLES ?
2021
Présentation
La crise écologique que le monde traverse aujourd’hui est souvent décrite par un langage de type apocalyptique. Dans certains mouvements, elle est présentée en termes de collapsologie : écroulement de notre système économique et politique, crise sans précédent de la transmission, effondrement culturel et spirituel.
Cette situation écologique, à laquelle s’ajoute la crise sanitaire actuelle, ébranle la tradition chrétienne dans son ensemble. D’une part, certaines traditions bibliques valorisent un être humain jardinier, mais parfois compris comme le sommet de la création, alors il peut paraître au-dessus d’elle.
D’autre part, les traditions chrétiennes modernes se sont fort bien adaptées à l’homme ingénieur de la nature, maître et possesseur à la suite de Descartes.
Le christianisme occidental a pu se développer dans un anthropocentrisme surplombant qui fait de tout ce qui est non-humain un instrument en sa possession. Dans cette situation critique, le christianisme se doit de revisiter ses traditions et ses enseignements, tels qu’ils peuvent être déclinés dans ses interprétations des textes fondateurs, dans son emploi des traditions liturgiques, ou dans ses pratiques d’évangélisation et de transmission de la foi.
Dans la reprise de ces traditions et de ces enseignements, ce colloque s’interrogera sur la capacité du christianisme à changer lui-même, lorsqu’il est interpellé par les défis de la crise écologique.
Le colloque présentera un état des lieux de la réflexion anthropologique et théologique sur la situation écologique actuelle, mais aussi des réponses et stratégies déjà mises en place dans différentes traditions et pratiques chrétiennes. Le colloque réfléchira également à la manière dont le christianisme peut mobiliser ses ressources (textes, liturgies, manières de vivre) pour contribuer à changer le monde.
RESPONSABILITÉS CHRÉTIENNES DANS LA CRISE ÉCOLOGIQUE.
QUELLES SOLIDARITÉS NOUVELLES ?
Programme
Lundi 22 février 2021
La crise écologique et l’avancée des Églises : diagnostic.
Présidence : Monseigneur Kalist, archevêque de Clermont- Ferrand, membre de la CECC
- Présentation de la problématique du colloque, Anne- Sophie Vivier-Muresan, directrice de l’ISEO
- La crise écologique au regard de la foi chrétienne, Sa Sainteté Bartholomée 1er
- ‘‘Adam, où es-tu ?’’ Prêcher l’eschatologie à l’heure de l’Anthropocène », Bruno Latour, professeur émérite de philosophie, Sciences-Po Paris
- Église et écologie : quand la machine se grippe, Christophe Monnot, maître de conférences en sociologie des protestantismes, Université de Strasbourg / Université de Lausanne.
- Église verte : des laboratoires de ‘‘maison commune’’, Élena Lasida, professeure de sciences sociales et économiques, FASSE (ICP)
Mardi 23 février 2021
Aux racines du problème écologique : un rôle du christianisme ?
Présidence : Pasteur François Clavairoly, président de la Fédération Protestante de France
- La crise écologique et la compréhension de l’homme devant et dans son environnement : imbrication et interaction. Réflexion à partir des propositions de Philippe Descola, Elbatrina Clauteaux, théologienne, anthropologue et philosophe, enseignante émérite, Theologicum.
- Pistes pour une écothéologie chrétienne, Pierre Bourdon, théologien et physicien, enseignant à l’ISPC.
- Une solidarité très ancienne !, Catherine Chalier, professeur émérite de philosophie, Université de Paris Ouest (Nanterre). Écothéologie et féminisme: quelques premiers éléments de réflexion, Valérie Nicolet, professeure d’exégèse, doyenne, IPT, faculté de Paris
- Les évangéliques américains, la science et la pandémie : un regard à travers l’histoire et la réaction des milieux évangéliques français », Neal Blough, professeur de théologie, faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine.
- Deux réactions : Dominique Greiner, théologien moraliste, enseignant au Theologicum, Julija Naett-Vidovic, professeure de théologie morale, ITO Saint-Serge
Mercredi 24 février 2021
Affronter la crise : ressources de la foi chrétienne Présidence : Métropolite Jean de Doubna, chancelier de l’ITO
- Écologie avant la lettre: l’enracinement patristique, Michel Stavrou, professeur de théologie dogmatique, ITO Saint-Serge
- La crise écologique comme crise spirituelle, Patrice Rolin, animateur théologique de L’atelier protestant (EPUF)
- Une lecture africaine de la responsabilité chrétienne face au défi écologique, Edouard Adé, théologien et sociologue, professeur à l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest.
- La bonne nouvelle de la création, aux fondement de l’écologie intégrale, Fabien Revol, théologien et philosophe, professeur à l’UCLY, titulaire de la chaire Jean Bastaire
- Moi, nous, vous : pistes concrètes pour un chemin de cohérence intégral, Martin Kopp, chercheur associé à l’UR 4378 en théologie protestante, Université de Strasbourg.
- Création-eschatologie : les impensés de la catéchèse ?, Isabelle Morel, professeure de théologie catéchétique, ISPC
- Conclusions, Anne-Laure Danet, responsable du Service des relations avec les Eglises chrétiennes de la FPF, Anne-Marie Reijnen, théologienne, enseignante au Theologicum – Joël Molinario, professeur de théologie, directeur de l’ISPC
RÉFÉRENCES DU DOCUMENT
« Responsabilités chrétiennes dans la crise écologique. Quelles solidarités nouvelles ?, Xe colloque international organisé par l’Institut supérieur de pastorale catéchétique (ISPC), l’Institut supérieur d’études œcuméniques (ISEO), l’Institut de théologie orthodoxe Saint Serge, l’Institut protestant de théologie, le réseau Église Verte, 22-23-24 février 2021, colloque à distance sur https://www.icp.fr/a-propos-de-licp/agenda/responsabilites-chretiennes-dans-la-crise-ecologique-quelles-solidarites-nouvelles-colloque
DOCUMENT n°2
ENGAGEMENT
EN FAVEUR DE L’ENVIRONNEMENT
Extrait de l’intervention du patriarche Bartholomée Ier,
Primat de l’Église orthodoxe de Constantinople
12 avril 2011
« 32 Ces dernières décennies, l’évolution de notre monde est marquée par ce qu’il faut bien appeler un désastre écologique ; le dernier événement majeur est la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon, qui faisait suite à un violent séisme. De façon générale, les spécialistes de l’environnement sont unanimes à souligner que le changement climatique qu’ils observent au plan mondial et qui s’explique largement par les rejets de gaz de l’activité humaine, peut perturber et détruire l’écosystème. Or, celui-ci soutient non seulement l’espèce humaine, mais l’ensemble du monde des animaux et des plantes qui sont interdépendants. Ce sont les choix et les actes de l’homme moderne qui ont conduit à cette situation tragique, et qui représentent en soi un problème spirituel et moral. L’apôtre Paul, divinement inspiré, avait décrit dix-neuf siècles plus tôt ce problème dans son épître aux Romains, soulignant sa dimension ontologique :
33 « La création a été soumise à la vanité, non de son gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise… Or, nous savons que, jusqu’à ce jour, la création toute entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement. »
(Rm 8, 20.22)
34 Petit à petit grandit une prise de conscience de l’humanité qui comprend que l’usage irrationnel des ressources naturelles et la consommation incontrôlée de l’énergie contribuent aux changements climatiques, avec des conséquences sur la survie future de l’humanité créée à l’image de Dieu. Malgré tout, le tableau que nous offre la planète est inquiétant, et nous frappe par son cortège d’injustices. Ainsi, les hommes les plus pauvres et les plus vulnérables sont touchés par les problèmes écologiques qu’ils n’ont pas créés. De l’Australie au Cap Horn et en Afrique, nous voyons des régions en proie à des sécheresses prolongées qui causent la désertification de zones naguère fertiles, où les populations locales souffrent de la faim et de la soif. De l’Amérique latine au cœur de l’Eurasie, nous recevons des informations sur la fonte des glaciers, desquels des millions de personnes dépendent pour l’approvisionnement en eau.
35 Le Patriarcat œcuménique, suivant les traces de notre prédécesseur feu le patriarche Dimitrios, travaille à sensibiliser non seulement l’opinion publique, mais aussi les dirigeants du monde en organisant des colloques qui traitent des changements climatiques et de la gestion de l’eau. Le but de notre démarche est d’explorer l’interdépendance des écosystèmes du monde et d’étudier la manière dont se manifestent les phénomènes de réchauffement de la planète et de ses effets sur l’homme. Grâce à ces rencontres scientifiques, auxquelles ont participé des représentants de diverses Églises chrétiennes et religions du monde, ainsi que des diverses disciplines universitaires, le Patriarcat œcuménique s’efforce d’établir un climat de stabilité et de collaboration innovante entre le monde religieux et la science, en se fondant sur le principe fondamental selon lequel – pour atteindre l’objectif et préserver l’environnement naturel – les deux parties doivent coopérer dans le respect mutuel.
36 Cette collaboration entre science et religion vise à contribuer au développement d’une éthique de l’environnement : celle-ci a pour but, selon nous, de montrer que l’utilisation du monde et la jouissance des biens matériels doivent être eucharistiques, s’accompagner d’une louange consciente au Créateur. Inversement, un mauvais usage de l’environnement et la participation sans référence à Dieu à cet environnement constituent un péché non seulement devant le Créateur mais aussi devant la création.
37 Ce véritable péché à l’égard de l’environnement s’enracine dans notre égoïsme et dans les valeurs fausses que nous avons reçues et acceptons sans aucun sens critique. Nous avons besoin de repenser à nouveaux frais notre relation avec le monde et avec Dieu. Sans cette metanoia, sans ce radical « retournement du cœur », toutes nos mesures de conservation, quelles que soient les bonnes intentions, se révéleront inefficaces, car nous nous pencherons seulement sur les symptômes et non sur les causes de la situation.
38 Nous sommes invités à assumer ce que l’hymnographie pascale appelle « une autre façon de vivre ». Car nous avons un comportement arrogant et méprisant envers la création naturelle. Nous refusons de voir la Parole de Dieu dans les océans de notre planète, dans les arbres de nos continents, et dans les animaux qui peuplent la terre. Nous renions notre propre nature qui nous appelle à discerner la présence de la Parole de Dieu dans la création, si nous voulons devenir « participants de la nature divine » (2 P 1, 4). Comment pouvons-nous ignorer la portée cosmique de ce que la Parole divine a pris chair ? Pourquoi ne percevons-nous pas la nature créée comme l’extension même du corps du Christ ?
39 Les théologiens orientaux ont toujours souligné, à juste titre, les dimensions cosmiques de l’incarnation divine. Saint Maxime le Confesseur insiste sur la présence de la Parole de Dieu en toute chose (voir Col 3, 11) ; le Logos divin demeure au centre du monde, révélant mystérieusement son principe premier et son but ultime (voir 1 P 1, 20). C’est pourquoi le dimanche de Pâques, quand la célébration pascale atteint son point culminant, les chrétiens orthodoxes chantent : « Maintenant tout est rempli de lumière divine : le ciel et la terre, et toutes les choses sous la terre. Que la création tout entière se réjouisse ! » Lorsque l’Église ne reconnaît pas les dimensions proprement cosmiques de la Parole de Dieu, en s’en tenant à des questions purement « spirituelles » sans lien avec la réalité du monde, alors elle néglige sa mission qui consiste à implorer Dieu de transformer tout le cosmos pollué.
40 Chacun d’entre nous est appelé à retrouver un regard spirituel sur la création, dans le sens de ce que la tradition ascétique du christianisme oriental appelle la « contemplation de la nature ». Cet ethos philocalique, soucieux de discerner la beauté des œuvres de Dieu, devrait devenir le bien commun de tous les chrétiens. Ce souci est d’ailleurs exprimé chez beaucoup d’artistes. Nous pensons à ce vers de Paul Claudel, dans son poème L’Oiseau noir dans le soleil levant :
« Il n’y a qu’une âme purifiée qui comprendra l’odeur de la rose. »
Célébrer chaque chose dans son évidence et son secret : telle est notre responsabilité en tant que chrétiens, et c’est le sens de cet engagement que nous développons dans notre ouvrage.
41 Mesdames et Messieurs,
42 Malgré notre préoccupation, nous sommes optimistes et confiants dans les trésors de bonté que recèle l’être humain créé à l’image de Dieu pour lui ressembler (Gn 1, 26). Comme nous l’avions exprimé à Venise en 2002 avec le regretté pape Jean-Paul II :
43 « Il n’est pas trop tard. Le monde créé par Dieu possède d’incroyables pouvoirs de guérison. En une seule génération, nous pourrions guider la terre vers l’avenir de nos enfants. Faisons en sorte que cette génération commence maintenant, avec l’aide et la bénédiction de Dieu ! »
44 Mais il convient d’agir vraiment, à tous les niveaux : des Églises, des diocèses, des paroisses, des associations et des personnes, si nous avons un amour responsable pour nos enfants et pour les générations à venir. « Aimer c’est agir », comme le notait dans son journal le poète Victor Hugo, l’avant-veille de sa mort. Finalement, nous prenons conscience que notre attitude face à l’autre, face au prochain et face à l’environnement, est globalement tributaire d’une attitude de respect authentique devant la création divine, et découle de la manière dont nous vivons réellement ou non notre foi en Jésus-Christ, alpha et oméga de toutes choses. »
RÉFÉRENCES DU DOCUMENT
BARTHOLOMÉE Ier, « De « la divine “ignorance” » à la sauvegarde de la planète. Allocution de Sa Sainteté Bartholomée Ier, patriarche œcuménique de Constantinople. Conférence de presse donnée au Éditions du Cerf (Paris, le 12 avril 2011) », Revue d’éthique et de théologie morale, 2011/2 (n°264), p. 89-97. DOI : 10.3917/retm.264.0089. URL : https://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2011-2-page-89.htm
RÉFÉRENCES DE L’ARTICLE
1.WHITE Lynn Townsend, « The Historical Roots of our Ecologic Crisis », Science, 10 mars 1967, vol. 155, no. 3767, p. 1203-1207 ; published by the American Association for the Advancement of Science.
Reprinted in A.E. Lugo & S.C. Snedaker (Eds.), Readings on Ecological Systems: Their Function and Relation to Man. New York: MSS Educational Publishing, 1971.
- Voir aussi :
The Historical Roots of Our Ecologic Crisis, chap. 5 in Machina ex Deo : Essays in the Dynamism of Western Culture, Cambridge, Mass., and London, England, The MIT Press, 1968, p. 75-94; - Les Racines historiques de notre crise écologique. Traduction, notes et dossier bibliographiques par Jacques Grinevald. Genève, I.U.E.D., 1984. Réédition revue dans Crise écologique, crise des valeurs? Défis pour l’anthropologie et la spiritualité, Labor et Fides, 2010.
Sur cette question, on peut se reporter aux travaux de Jean BASTAIRE (1927-2013), philosophe, précurseur d’une écologie chrétienne.
On sait que le point de vue de l’historien américain Lynn Townsend WHITE a été discuté, notamment par Fabien REVOL (né en 1978), théologien catholique pour qui il convient de distinguer « maîtrise » et « domination ». Pour lui, « L’homme est appelé à tenir dans le monde la place de Dieu. Le Nouveau Testament montre que cela signifie le servir, appliquant le principe que les premiers seront les derniers. Le chrétien y trouve une vocation écologique ».
Voir aussi, notamment :
LE PRIOL Mélinée, « Église et écologie, histoire d’une prise de conscience », La Croix, 16 février 2017.
CHAMBRAUD Cécile, « « Pour l’Eglise, un demi-siècle d’apprentissage de l’écologie », Le Monde, 16 juin 2015.
2. Genèse I, 28.
La Sainte Bible, Éditions du Cerf, 1956. Traduction de l’école biblique de Jérusalem.
La Bible, Société biblique de Genève, 2007. Traduction de Louis SEGOND.
3. INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS, « Responsabilités chrétiennes dans la crise écologique. Quelles solidarités nouvelles ?, Xe colloque international organisé par l’Institut supérieur de pastorale catéchétique (ISPC), l’Institut supérieur d’études œcuméniques (ISEO), l’Institut de théologie orthodoxe Saint Serge, l’Institut protestant de théologie, le réseau Église Verte, 22-23-24 février 2021, colloque à distance sur https://www.icp.fr/a-propos-de-licp/agenda/responsabilites-chretiennes-dans-la-crise-ecologique-quelles-solidarites-nouvelles-colloque
LÉGENDES DES ILLUSTRATIONS
-
Institut Catholique Paris, entrée du 74, Rue Vaugirard, Paris 5e. © 16 mars 2019. Photographie de Bernard Mérigot/CAD.
La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°445, lundi 22 février 2021
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Référence du présent article : http://www.savigny-avenir.fr/2021/02/22/les-chretiens-en-repentance-a-legard-de-la-crise-ecologique-un-colloque-a-linstitut-catholique-de-paris/
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