« Choix du nom de l’Établissement public territorial », telle est la première question qui figure à l’ordre du jour de la séance publique du conseil de l’établissement public territorial (EPT 12) qui se réunit le lundi 26 septembre 2016 dans les locaux imposants et spacieux de l’Hôtel de ville de Vitry-sur-Seine. (1) Ce territoire s’appelle aujourd’hui « Grand-Orly Val-de-Bièvre Seine-Amont ». Il va changer de nom. Son président, Michel LEPRETRE (PC), adjoint au maire de Vitry-sur-Seine, conseiller départemental du Val-de-Marne, proposera celui de « Grand Orly Seine Bièvre ». Qu’est-ce que cela change ?
Michel LEPRETRE, président de l’établissement public territorial 12
Séance du conseil territorial du 12 avril 2016.
Hôtel de Ville de Vitry-sur-Seine.
© Photo CAD / BM 2016
LE NOM DE l’INJUSTIFIABLE
Le président de l’EPT 12 répond que le choix du nom «ne changera rien». On doit s’interroger sur le non-effet de cette décision. C’est, par anticipation, un déni de décision. « Nous décidons, mais c’est comme si nous ne décidions rien » : c’est la démocratie à rebours. Parce que si une assemblée délibérante vote quelque chose, et que cela ne change rien, la question que posait Paul VALÉRY s’impose : « A quoi bon ? »
Dans un communiqué, Michel LEPRÊTRE se livre au difficile exercice de justifier l’injustifiable. « Il est difficile de s’accorder sur le nom de ce territoire. Est-ce étonnant ? » Il rappelle que la majorité des communes membres de l’EPT 12 a été «politiquement en opposition» à la loi NOTRe. « Nous ne portons pas toutes et tous forcément les mêmes conceptions de construction du territoire et notre vision de la métropole est évidemment l’objet de débats très profonds ». Il s’agit donc d’un accord… sur un désaccord.
Il poursuit : « Il me paraît important de souligner que ce nom, quel qu’il soit, sera surtout utile pour les acteurs économiques, les partenaires institutionnels avec lesquels nous avons beaucoup de choses à construire ». Michel LEPRÊTRE se livre à un aveu terrible : « Ce nom, quel qu’il soit… ». (2) Autrement dit, peu importe. C’est du pareil au même.
LEPRÊTRE Michel, «Communiqué», 1 p.
Séance du 26 septembre 2016
- EPT Grand-Orly Val-de-Bièvre Seine-Amont
devient :
- EPT Grand Orly Seine Bièvre
Qu’est-ce qui a changé entre les deux ? Dans le premier nom : Orly, Bièvre, Seine. Dans le second : Orly, Bièvre, Seine. Où est la différence ? Il est à craindre que cette nouvelle dénomination indiffère tout le monde. Pourquoi le président de l’EPT 12 met-il en avant l’économie et non pas l’identité du territoire ? Les 679 463 habitants des 24 communes peuvent-ils se reconnaître dans un amalgame de circonstances auquel personne visiblement ne croit ?
UN NOM QUI N’EXISTE PAS
POUR UN TERRITOIRE QUI N’EXISTE PAS…
En créant en janvier 2016 la Métropole du Grand Paris (MGP) et les douze établissements publics territoriaux qui la composent, l’État a constitué des structures artificielles sans aucune identité. Se trouvant dans l’incapacité de leur trouver un nom, faisant preuve d’une imagination que l’on hésite à qualifier, il leur a affecté un simple numéro, de 1 à 12. C’est ainsi qu’est né l’EPT 12. « – Moi, j’habite dans l’EPT 12. – Et moi dans l’EPT 5 ». C’est poétique et évocateur : on se croirait dans un film de science-fiction. Les 677 462 habitants des 24 communes ont été ainsi rassemblés sans avoir été consultés.
La guerre des territoires commence toujours par la guerre des noms.
L’ÉLIMINATION DU TERRITOIRE DES PORTES DE L’ESSONNE
L’EPT 12 est constitué de quatre anciennes communautés d’agglomérations. Dans un premier temps, il s’est donné un nom provisoire qui associe trois d’entre elles « Grand-Orly, Val-de-Bièvre, Seine-Amont ». Significativement la mention de la quatrième intercommunalité qui le compose, et qui est « Les Portes de l’Essonne », a été omise. Cela s’est passé dans la plus grande indifférence et avec l’assentiment tacite des élus des six communes concernées (Athis-Mons, Juvisy-sur-Orge, Morangis, Savigny-sur-Orge, Paray-Vieille-Poste, Viry-Châtillon). Les communes des Portes de l’Essonne sont au nombre de 6 sur un total de 24, ce qui représente 25 % de l’EPT 12 : elles sont noyées dans la masse.
- Le faux prétexte avancé a été celui du caractère provisoire du nom choisi en janvier 2016. Chaque fois qu’une administration, ou des élus, avancent le caractère prétendument « provisoire » d’une décision, cela doit être traduit immédiatement par « définitif ». Tout provisoire est porteur du germe du définitif. Lorsque des élus ou une administration dit c’est provisoire, cela veut dire : « Je n’ose pas le dire, mais c’est décidé et on n’a pas l’intention de revenir dessus ». Le vrai nom de l’EPT 12 était « Grand Orly Val de Bièvre Seine Amont ». Le nom définitif est « Grand Orly Seine Bièvre ». A deux mots près, vous percevez une différence ?
- La fausse consultation. L’EPT 12, qui se nomme « provisoirement » établissement public territorial Grand-Orly Val-de-Bièvre Seine-Amont, a eu une idée faussement géniale : organiser une consultation auprès des habitants pour leur demander quel nom ils souhaitent donner au territoire qui décide de l’avenir de leur territoire.
« Choisissez le nom de votre territoire. Depuis six mois, vos villes ont intégré le plus grand territoire de la métropole parisienne. L’ensemble des élus se sont mis d’accord sur un principe : la coopérative de villes. Ce sont les villes qui font le territoire. Les ambitions et les projets sont les décisions de vos communes, portées par le territoire construisant du commun. Ce territoire est le vôtre, portant les réponses nécessaires à la construction d’un avenir partagé. Quel nom lui donneriez-vous ? Votre avis compte ! (un seul vote sera pris en compte par participant).
- Grand Orly Seine Bièvre (Grand OSB)
- Paris Orly Seine Bièvre (Paris OSB)
- Bièvre Orly Seine Sud (Boss)
- Orly Rungis Seine-Amont (ORSA)
- Paris Grand Orly (PGO)
- Paris Sud Orly (PSO)
- Grand Paris Orly (GPO)
- Paris Plein Sud (PPS)
- Paris Orly Métropole (POM)
- Paris Orly Avenir (POA)
- Orly Sud Communes (Orly Sudco)
- Convergence Sud (Cosud)
- Autre proposition » (3)
On remarquera que les différentes propositions ne sont aucunement le fruit d’une concertation citoyenne. Elles émanent toute de l’institution (élus et/ou administration). Quant à la catégorie « autre proposition », elle constitue un faux choix qui n’a aucune chance d’aboutir face aux propositions prédéterminées. Nous sommes dans le cas typique d’une fausse démocratie participative. (4)
- Et les résultats de cette fausse consultation citoyenne ? Pourquoi n’ont-ils pas tous été publiés ? Nous naviguons le déni de la démocratie. Le communiqué de presse non signé par Michel LEPRETRE, mais de son directeur de Cabinet, indique que trois noms sont arrivés en tête et ont été soumis au choix des maires les 6 septembre 2016. La transparence aurait voulu que tout citoyen ait communication du nombre de votants, du nombre de votes obtenus pour chaque nom proposé, des noms donnés par les votants dans la catégorie « Autre proposition », du nombre de maires votants le 6 septembre 2016, du nombre de votes des maires obtenus pour les trois propositions arrivées en tête de la consultation citoyenne qui a donc abouti au choix majoritaire de Grand Orly Seine Bièvre.
« UN TERRITOIRE PERDU CHERCHE UN NOM PERDU »
On peut citer Shakespeare (« A lost thing looks for a lost name » : une chose perdue cherche un nom perdu). La démarche du président de l’exécutif communautaire est pathétique. Comment nommer un territoire artificiel et inutile ? Personne ne l’a souhaité. Il a été imposé et nul ne croit qu’il ait un quelconque avenir collectif. Pour le vendre auprès de l’opinion, il faut faire croire qu’il a une existence. C’est pourquoi on crée une « marque commerciale » pour l’imprimer sur son emballage. Un emballage qui sera sans rapport avec le produit contenu à l’intérieur. Le pire, est de faire croire que la décision est prise dans le cadre d’une concertation auprès de ses habitants. Ce qui n’est pas le cas. A ce jour, aucun résultat n’a été publié dans les règles d’une consultation citoyenne véritable.
Conseil territorial de l’établissement public territorial 12
Ordre du jour, p. 1
Séance publique du lundi 26 septembre 2016
Hôtel de Ville de Vitry-sur-Seine
L’URBANISME A L’ORDRE DU JOUR
Après cette entrée en matière, l’ordre du jour comprend toute une série de délibérations concernant l’urbanisme des communes. On sait que, depuis le 1er janvier 2016, ce pouvoir a été retiré aux communes pour être transféré aux intercommunalités. Désormais, ce ne sont plus les conseils municipaux des communes qui votent, c’est le conseil territorial de l’EPT 12 qui le fait à leur place.
- 27. Approbation du plan local d’urbanisme de Juvisy-sur-Orge
- 30. Approbation du PLU révisé. Commune de L’Haÿ-les-Roses
- 31. Débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable (PADD) de Fresnes
- 32. Approbation de la révision allégée n°1 du PLU. Commune d’Athis-Mons
- 34. Mise en compatibilité du PLU. Commune de Gentilly
- 35. Mise en compatibilité du PLU. Commune de Morangis
- 36. Arrêt du projet de PLU et bilan de la concertation. Commune de Villeneuve-le-Roi
Conseil territorial de l’établissement public territorial 12
Ordre du jour, p. 2
Séance publique du lundi 26 septembre 2016
Hôtel de Ville de Vitry-sur-Seine
LA GOUVERNANCE DE L’IGNORANCE
Qu’est-ce que Juvisy-sur-Orge connaît sur l’urbanisme du Kremlin-Bicêtre ? Rien. Qu’est-ce que L’Haÿ-les-Roses connaît de Juvisy-sur-Orge ? Rien. Qu’est-ce que Choisy-le-Roi connaît à Athis-Mons ? Rien. C’est comme dans la publicité du Printemps, le grand magasin parisien «Les yeux fermés, j’achète tout au Printemps». A l’EPT 12, c’est « Je vote les yeux fermés». (5)
Les élus peuvent-ils affirmer – en conscience – qu’ils connaissent les territoires sur lesquels ils se prononcent ? Et fait, ils statuent en fonction de la confiance réciproque qu’ils s’accordent les uns les autres. Nous tombons sous la double contrainte du « Si je fais une remarque, ou bien si je vote contre cette délibération, que se passera-t il lorsque viendra le tour de ma commune». Cette globalisation des décisions de collectivités territoriales (l’EPT) à l’égard d’autres collectivité territoriales (les communes) crée les conditions qui permettent demain tous les mauvais coups contre les habitants et les citoyens en matière d’urbanisme et d’aménagement : nous tournons le dos à la démocratie citoyenne.
On notera au menu de cette séance du 26 septembre 2016 une série de décisions importantes sur l’urbanisme des communes de l’ancienne communauté d’agglomération Les Portes de l’Essonne : Juvisy-sur-Orge, d’Athis-Mons, Morangis. L’approbation de la révision du plan local d’urbanisme (PLU) de Savigny-sur-Orge aurait dû figurer au menu de la séance. Tout le monde s’interroge : pourquoi ne la retrouve t-on pas sur l’ordre du jour de ce 26 septembre 2016 ? Mystère.
Hôtel de Ville de Vitry-sur-Seine
© Photo CAD / BM 2016
RÉFÉRENCES
1. L’EPT 12, créé le 1er janvier 2016, est composé de 24 communes et totalise 679 463 habitants : Ablon, Arcueil, Athis-Mons, Cachan, Chevilly-Larue, Choisy-le-Roi, Fresnes, Gentilly, Ivry, Juvisy-sur-Orge, Le Kremlin-Bicêtre, L’Haÿ-les-Roses, Morangis, Orly, Paray-Vieille-Poste, Rungis, Savigny-sur-Orge, Thiais, Valenton, Villejuif, Villeneuve-le-Roi, Villeneuve-Saint-Georges, Viry-Châtillon, Vitry-sur-Seine.
2. LEPRÊTRE Michel, «Établissement public territorial Grand Orly Val-de-Bièvre Seine Amont, Communiqué», (sans titre, sans date), 1 p. Il est à noter que ce document n’est pas signé par le président de l’EPT 12, mais par son directeur de Cabinet, Christophe MENUEL.
3. ÉTABLISSEMENT PUBLIC TERRITORIAL GRAND-ORLY VAL-DE-BIÈVRE SEINE-AMONT, «Un clic, 1 nom pour notre territoire. Cliquez ici pour participer», 2016 : http://connexitepremium.berger-levrault.fr/auditoire/itw/answer/WIcJxcOvqqzbvdBALQc-4A. Le vote en ligne s’est achevé le 31 août 2016.
Pour en savoir plus sur le choix des noms proposés : http://www.seine-amont.fr/actualite/102-un-clic-un-nom-pour-notre-territoire.html.
4. A l’occasion de cette consultation citoyenne, nous avons publié un article sur le média numérique www.portes-essonne-environnement.fr. Nous le reprenons ici en partie, révisé. http://portes-essonne-environnement.fr/ept-12-le-nom-de-letablissement-public-territorial-n-12-est-il-un-nom-publicitaire/. Le contenu du présent article y sera d’ailleurs également publié.
5. Slogan publicitaire du Printemps, grand magasin parisien : « Les yeux fermés, j’achète tout au Printemps ». Film de Raoul FRANCO, 1957.
Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819 Dépôt légal du numérique, BNF 2016