LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR,
n°107, lundi 1er septembre 2014
« École ouverte ? École fermée ? A Savigny-sur-Orge, dans l’Essonne, certains parents ignorent encore, à quelques jours de la rentrée, si leurs enfants seront bien accueillis en classe mercredi 3 septembre. Et pour cause : c’est une opération « portes closes » que la municipalité UMP, menée par Eric Mehlhorn, entend organiser pour protester contre la réforme des rythmes scolaires », écrit le journal Le Monde dans son édition du 30 août 2014. (1)
SUJET A TRAITER
Ce week-end du samedi 30 août 2014, vous recevez un ami étranger de passage en France. Vous lui faites visiter votre commune deux jours avant la rentrée des classes qui a lieu le mardi 2 septembre. Vous passez devant une école de la commune. Il lit une affiche de la mairie de Savigny-sur-Orge intitulée « Rythmes scolaires. Rentrée 2014. Fermeture des écoles les mercredis ».
Votre ami n’y comprend rien et vous interroge.Vous devez lui expliquer, de la façon la plus claire possible, ce qui se passe, pourquoi ça se passe, et ce qui va se passer le jour de la Rentrée. Vous avez une heure pour rédiger votre devoir.
« Fermeture des écoles les mercredis.
Rythmes scolaires. Rentrée 2014 »
Commune de Savigny-sur-Orge,
Affiche apposée à la porte de l’école primaire Ferdinand Buisson,
29 août 2014
Voila un beau sujet d’examen. Nous nous bornerons à livrer quelques éclairages et réflexions. D’abord, Que lit-on sur l’affiche ?
« Rythmes scolaires. Rentrée 2014. Fermeture des écoles les mercredis. En raison du refus de l’État de répondre à la demande de dérogation formulée par la ville de Savigny-sur-Orge, les horaires de classes sont les suivants :
les lundis, mardis, jeudis et vendredis : 8 h 30 à 11 h 45, 14 h à 16 h.
Les animateurs des dix écoles maternelles prendront en charge les enfants inscrits en régie à 16 H. Les enseignants volontaires pour faire l’étude prendront en charge à 16 h les élèves inscrits. Pour tous les autres enfants, l’école s’achèvera à 16 h.
Les mercredis les écoles seront fermées.
Seuls les enfants régulièrement inscrits en accueil de loisirs seront pris en charge sur un temps périscolaire. »
UNE GUERRE SCOLAIRE ?
La réforme des rythmes scolaires de 2014 est-elle un nouvel épisode de ce que l’on appelle la « guerre scolaire » ? Cette expression désigne dans l’histoire de France un conflit entre partisans de l’école publique et ceux de l’école privée qui a eut lieu de 1789 à 1905. Une guerre qui a connu deux nouvelles phases entre 1982 et 1984, avec le projet de loi du ministre de l’éducation d’Alain SAVARY, et en 1959 avec la loi de Michel DEBRÉ, puis en 1993 avec le projet de réforme de la loi FALLOUX par François BAYROU, ministre de l’éducation. Dans le cas présent, le conflit oppose les trois ministres successifs de l’éducation de François HOLLANDE aux maires.
AU RYTHME DES DÉBATS
SUR LES RYTHMES SCOLAIRES …
Le sujet n’est pas unanimement tranché. C’est ainsi que Ségolène ROYAL, ancienne candidate à la présidence de la République, et ministre dans le nouveau gouvernement de Manuel VALLS, a déclaré le 13 novembre 2013 que « la fronde contre la réforme des rythmes scolaires s’explique par un déficit de méthode ». Pour elle, la réforme est « trop uniforme », et il aurait mieux valu l’expérimenter avant de la généraliser « parce que c’est un sujet très sensible ». Il s’agit pour elle d’une « forme de brutalité » parce que l’on ne peut pas tout uniformiser dans la France moderne d’aujourd’hui, « les gens ne veulent plus être encadrés par des normes imposées d’en haut », a-t-elle estimé. Enfin, elle a suggéré que pour « alléger la journée » des élèves, il fallait avoir le courage de toucher à la durée des vacances scolaires. (3)
Il y a deux sortes de débats, le débat national et ses déclinaisons en une série de débats locaux. Pour ce qui concerne la commune de Savigny-sur-Orge, la question locale a déjà fait l’objet d’un article sur le présent site. (4)
http://www.savigny-avenir.fr/2013/11/19/savigny-sur-orge-pour-un-vrai-debat-sur-les-vrais-rythmes-scolaires/
Enfin, le débat local doit être actualisé en prenant en compte les menaces que le préfet vient d’adresser aux maires en leur adressant une lettre-type en date du 29 août 2014.
PRÉFECTURE DE L’ESSONNE,
Application de la réforme des rythmes scolaires
Lettre-type du Préfet de l’Essonne adressée aux maires,
29 août 2014
DOCUMENT
CONTRE LA RÉFORME DES RYTHMES SCOLAIRES,
QUELQUES POCHES DE RÉSISTANCE
École ouverte ? École fermée ? A Savigny-sur-Orge, dans l’Essonne, certains parents ignorent encore, à quelques jours de la rentrée, si leurs enfants seront bien accueillis en classe mercredi 3 septembre. Et pour cause : c’est une opération « portes closes » que la municipalité UMP, menée par Eric Mehlhorn, entend organiser pour protester contre la réforme des rythmes scolaires.
Placardées devant l’école Ferdinand-Buisson, deux affiches tout aussi officielles, puisque établies par la mairie, instillent le doute. Sur l’une, un rappel des horaires d’ouverture de l’école avec, pour la première fois, mention faite du « mercredi de 8 h 30 à 11 h 30 ». Sur l’autre, écrit en rouge et en lettres capitales : « Fermeture des écoles les mercredis ». La ville, qui compte 18 écoles pour 3 655 élèves, fait partie de la trentaine de communes de l’Essonne, avec Yerres, Montgeron et Janvry, entrées en résistance contre le retour à la semaine de quatre jours et demi.
« Une demi-heure d’ateliers périscolaires par jour, cela n’a pas de sens. C’est à peine le temps de sortir les gommettes et de les ranger », justifie Eric Mehlhorn. Pour ne pas mettre les familles en difficulté, l’édile a néanmoins prévu un accueil de loisirs ce premier mercredi. Pas de quoi rassurer Natalia De Oliveira. Cette aide-soignante, mère de quatre enfants dont la plus jeune seulement, âgée de 10 ans, est concernée par la réforme des rythmes, ne sait toujours pas comment aborder la semaine : « J’ai essayé de suivre les débats au fur et à mesure, mais je n’y ai rien compris. C’est par le bouche-à-oreille avec les autres parents que j’ai appris qu’il n’y aurait pas école mercredi. » Et ça n’arrange pas cette mère isolée.
Magali (elle a souhaité conserver l’anonymat), 40 ans, est elle aussi dans le flou : « Je ne sais même pas s’il y a école le mercredi ou le samedi », regrette cette agent de service, maman d’une fillette de 7 ans. « C’est si mal expliqué », souffle-t-elle. Anne Dietrich, 40 ans, lui donne raison : « Les politiques se comprennent entre eux, lâche cette nourrice. Ils ne parlent pas le langage des gens. »
« JE ME SENS PLUS GANDHI QUE STALLONE »
Pas facile de s’y retrouver quand on entend, d’un côté, le premier ministre, Manuel Valls, défendre le bien-fondé de la réforme (« c’est un chemin nécessaire pour donner la meilleure chance à chacun de réussir », a-t-il affirmé à l’université d’été du PS, le 28 août). De l’autre, des élus appeler à braver la loi. « Je suis un républicain », se défend Christian Schoettl, le maire UDI de Janvry (Essonne) qui a pris la tête des « frondeurs » du département. « Je me sens plus Gandhi que Stallone, mais cette réforme, c’est le coup de grâce porté aux petites communes qui subissent déjà une baisse des dotations. »
M. Schoettl ne suivra pas l’exemple de son homologue de Yerres, Nicolas Dupont-Aignan (Debout La République), qui a promis, mercredi 27 août, la pose « symbolique » de cadenas aux portes des écoles. Pour éviter que « nos enfants n’assistent à une bagarre entre adultes et autorités », le maire de Janvry a invité toute la communauté éducative à une « grande balade » en car. Il faut dire qu’il n’a, lui, « que » 70 écoliers sous sa responsabilité.
Selon M. Schoettl, quelque 400 communes – sur les 4 000 ayant adopté, en conseil municipal, une délibération contre la réforme des rythmes – pourraient être tentées d’entrer en « désobéissance civique ». Au ministère de l’éducation, on se refuse à avancer une estimation. L’Association des maires de France, elle, évoque « quatre ou cinq remontées ».
RISQUES POUR LES ÉLUS
Mais au fil des mois, d’autres poches de résistance se sont dessinées, comme dans les Yvelines autour de Jean-Michel Fourgous, maire UMP d’Elancourt, dont le collectif revendique 700 maires. Ou dans l’Oise autour d’Éric Woerth. Sans compter les prises de position publiques de Jean-Claude Gaudin à Marseille – qui assure manquer d’animateurs pour encadrer les ateliers – ou de Patrick Balkany à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), rappelé à l’ordre par le préfet après qu’il a refusé l’application du décret. Même chose à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine) ou à Colmar.
Une fronde politicienne ? Difficile d’identifier des maires étiquetés de gauche rejetant ouvertement la réforme. Aux Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône), Michel Amiel a beau avoir rendu sa carte au PS, il revendique toujours une « sensibilité de gauche ». Et ne cache pas préparer, pour le 3 septembre, une « opération école morte ». « On fera les choses a minima, confie-t-il. Ce seront les ATSEM [agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles] qui accueilleront ceux de nos 2 000 écoliers qui se présenteront ce mercredi-là ».
Son rejet de la réforme trouve moins sa source dans les difficultés pratiques à la mettre en musique (« même si elles existent », dit-il) que dans le « fond » : « Je suis médecin, je ne nie pas qu’on apprend mieux le matin, mais si les enfants sont fatigués, ça ne sert à rien ! » Passé le premier mercredi d’école, M. Amiel reconnaît qu’il « se prépare à appliquer la réforme ». Il faut dire que les risques encourus par les élus existent. De la suspension aux sanctions pénales, en passant par la révocation.
Le Monde, 30 août 2014
Savigny-sur-Orge et les rythmes scolaires
Le Canard enchaîné, 2014 (6)
RÉFÉRENCES
1. « Contre la réforme des rythmes scolaires, quelques poches de résistance », Le Monde, 30 août 2014. Article de Mattea BATTAGLIA et Faïza ZEROUALA.
2. COMMUNE DE SAVIGNY-SUR-ORGE, « Rythmes scolaires. Rentrée 2014. Fermeture des écoles les mercredis », Affiche A3, 29 août 2014.
3. ROYAL Ségolène, L’Express, 13 novembre 2013. http://www.lexpress.fr/education/rythmes-scolaires-pour-segolene-royal-il-fallait-d-abord-experimenter-la-reforme_1299302.html#l1m54bU4E6KxktUU.99
4. Savigny-sur-Orge. Pour un vrai débat sur les vrais rythmes scolaires Posted on 19 novembre 2013 by Bernard MÉRIGOT DÉCODAGE CONTEXTE. Lors de la séance du conseil municipal de Savigny-sur-Orge (37 000 habitants), le 19 novembre 2013, un conseiller municipal, Jean ESTIVILL (Divers gauche), a déposé une motion demandant le « retrait » et l’ « abrogation » du décret du gouvernement sur … Continue reading → Posted in Conseil municipal, Écoles, Savigny-sur-Orge |
5. PRÉFECTURE DE L’ESSONNE, Lettre-type en date du 29 août 2014 adressée aux maires sur l’application de la réforme des rythmes scolaires, 2 p. Lettre signée par Bernard SCHMELTZ, Préfet.
6. « Querelles Rentrée sur les rythmes scolaires », Le Canard enchaîné, 27 août 2014.
La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°107, lundi 1er septembre 2014
Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819 Dépôt légal du numérique, BNF 2014