LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°85, lundi 31 mars, 2014
« Ouvrir l’espace public à toutes les informations publiques, éclairer les questions présentes, anticiper les réponses collectives qui doivent être apportées », tel est l’objet qui est désormais inscrit en tête de la page d’accueil du site http://www.savigny-avenir.info (1), conformément à la décision du conseil d’orientation de la recherche-action « Territoires et démocratie numérique locale » qui s’est réuni le samedi 29 mars 2014. Nous nous sommes entretenu avec son responsable Bernard MÉRIGOT, également président de Mieux Aborder l’Avenir.
PERMETTRE L’EXPRESSION D’IDÉES
Question. Quel est le sens de l’objectif qui consiste à « ouvrir l’espace public à toutes les informations publiques » ?
Bernard MÉRIGOT. Cette affirmation s’inscrit dans la logique de la prise en compte des attentes citoyennes. Elle a été précédée par la publication, le 29 juillet 2013, de notre étude « L’action publique territoriale : les véritables enjeux de l’élection municipale 2014 ». On pouvait y lire : « Un pouvoir local en place se révèle souvent moniste, ne tolérant qu’une vision unique, une parole unique exprimée par une majorité, voire par un seul leader politique. Ce cadre local est alors fermé à toute pensée autre. Notre recherche-action se trouve engagée dans une configuration de combat : il lui faut lutter, non pas pour imposer telle ou telle idée, mais pour permettre l’expression d’idées utiles à l’action locale. » (2)
http://www.savigny-avenir.fr/2013/07/29/savigny-sur-orge-laction-publique-territoriale-les-veritables-enjeux-de-lelection-municipale-de-2014-territorial-public-action/
ORGANISER DES GOUVERNANCES CROISÉES
Question. Les élections de 2014 sont à la fois municipales et communautaires. Quel bilan peut-on en faire ?
Bernard MÉRIGOT. Nous écrivions dans cette étude : « Qu’est-ce qu’un programme communal à l’heure des communautés ? Qu’en est-il, par exemple, d’une collectivité de 37 700 habitants (commune de Savigny-sur-Orge) insérée dans une autre collectivité de 102 000 habitants (communauté d’agglomération Les Portes de l’Essonne) ? Quels débats citoyens ? Quels projets ? Quels partenariats ? Quels arbitrages ? Quelles décisions ? Quelles identités emboîtées ? En un mot : quelles gouvernances territoriales croisées ? » (2)
LA CO-CONSTRUCTION CITOYENNE,
C’EST POUR QUAND ?
Marie-Hélène BACQUÉ, professeur à l’Université de Paris-Ouest, fait quant à elle le bilan suivant : « Face aux enjeux démocratiques locaux et nationaux, on ne peut que relever le manque d’ambition de la majorité des programmes qui annoncent placer le citoyen au cœur de leur démarche sans pour autant partager avec lui le choix des possibles. Les défis à relever sont nombreux pour développer réellement le pouvoir d’agir des citoyens, aller vers la co-construction des politiques locales et vers la codécision. En particulier, dans les quartiers populaires, l’élaboration prochaine des contrats de ville placés par la loi sous le signe de la co-construction sera une mise à l’épreuve de la capacité des collectivités locales à évoluer dans leurs manières de faire. Au total, c’est la dimension politique de la participation qui reste à réaffirmer, pour redonner pouvoir et initiative aux citoyens. Cela passe en premier par la reconnaissance de leur compétence à participer à l’exercice du pouvoir et à la discussion des choix publics et par les moyens donnés à l’existence d’espaces citoyens autonomes. » (3)
COMMUNES ET COMMUNAUTÉS
Pour notre part, dans notre appel intitulé «Lutter contre le déficit démocratique des conseils communautaires. Appel pour le 3e tour des élections municipales », lancé le 23 mars 2013, jour du premier tour, nous écrivions : « A l’heure où la démocratie de quartier devient une revendication généralisée, il est temps que la démocratie participative devienne enfin intercommunale. Les pratiques publiques des collectivités locales doivent être à la hauteur des attentes citoyennes. » (4)
ALTERNANCES
Question. Le présent entretien a lieu le samedi 29 mars 2014. Le second tour des élections municipales et communautaires a lieu demain dimanche 30 mars. Leur résultat aura-il un effet sur ces problèmes ?
Bernard MÉRIGOT. Pas sur les problèmes mais sur méthodes qui sont susceptibles d’apporter des solutions. Deux cas de figure se présentent : soit le pouvoir issu d’une alternance apporte une solution, soit il n’en apporte pas. Un exemple, le gouvernement de François HOLLANDE a « hérité » du dossier de l’écotaxe monté par le gouvernement de Nicolas SARKOZY. A ce jour, le système de perception de l’écotaxe, confié à un groupe privé, dans le cadre d’un PPP (Partenariat public/privé), ne fonctionne pas. Pire, il coûte tous les jours des redevances pour des recettes inexistantes. Comme le titre la presse, « c’est le premier impôt qui coûte de l’argent à l’État. ». (5)
Il faut se détacher d’une vision simpliste des effets de toute alternance (une nouvelle majorité va faire le contraire de la précédente majorité) et adopter une attitude pragmatique. Les citoyens n’attendent pas que les élus se laissent entraîner par le courant, mais remontent le courant. La valeur structurante des méthodes de partage d’informations publiques, de dialogue social et de partage de décision qui sont employées sont déterminantes.
CONSENSUS ET DISSENSUS SONT DANS UN BATEAU…
Question ? S’il fallait ne retenir qu’un seul critère de « la bonne action publique », quel serait-il ?
Bernard MÉRIGOT. Il est de savoir si une décision qui a été prise (il faut encore que l’on soit en présence d’une décision, et pas d’une « non-décision » qui consiste à ne rien faire, et à attendre…), ait rencontré soit un consensus (et a renforcé la cohésion sociale entre les habitants), soit a créé du dissensus (et a dissout la cohésion). Les mauvaises décisions ont des effets pernicieux sur les groupes. Elles produisent des effets de rupture des liens sociaux. Ce qui intéresse le citoyen, ce n’est pas que ce soit celui-ci qui a pris une décision contre celui-là. C’est qu’il ait été consulté, qu’il ait pu s’exprimer, que l’on ait pris en compte son point de vue, qu’on lui ai soumis les projets qui le concernent, et qu’ainsi il ai pu adhérer à la décision finale.
Tel est le message que nous adressons, ce samedi 29 mars, à tous les élus et futurs élus locaux, qu’ils soient majoritaires ou minoritaires.
RÉFÉRENCES
3. Lutter contre le déficit démocratique des conseils communautaires. Appel pour le « 3e tour des élections municipales » Posted on 23 mars 2014 by Bernard MÉRIGOT A TOUS LES CONSEILLERS COMMUNAUTAIRES DE FRANCE QUI SERONT ÉLUS LES 23 ET 30 MARS 2014 Cet appel est lancé le dimanche 23 mars 2014, à 10 heures du matin, alors que le premier tour de l’élection municipale se déroule …
4. BACQUÉ MARIE-HÉLÈNE, « Élections municipales et démocratie participante », http://www.huffingtonpost, 17 mars 2014.
5. « Écotaxe. Le premier impôt qui coûte de l’argent à l’État. En janvier 2011, une société italienne, Écomouv, a été choisie pour installer et gérer les portiques destinés à récolter l’écotaxe, impôt sur les poids lourds, qui devait rapporter 1,2 milliards d’euros de recettes par an à l’État à partir du 1er janvier 2014. Les manifestations des « bonnets rouges » ont entraîné son report. L’écotaxe ne rapporte rien, mais coûte 55 millions d’euros par trimestre (18 millions par mois) de règlement à Écomouv par l’État au titre du loyer prévu dans le PPP. Dans le cas ou le projet serait définitivement abandonné, les pouvoirs publics devraient s’acquitter d’un indemnité de 800 millions à régler à Écomouv ».
Le Parisien magazine, 28 mars 2014, p. 55
La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°85, lundi 31 mars 2014
Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819 Dépôt légal du numérique, BNF 2014