LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°51, lundi 5 août 2013
« Faut-il tromper le peuple pour son bien ? » Jonathan SWIFT (1667-1745) pose la question dans son pamphlet L’Art politique du mensonge (1). Nous la reprendrons ici sous la forme voisine : « Faut-il tromper les électeurs pour leur bien ? »
Le mensonge en politique est un art qui consiste à « faire croire au peuple des faussetés salutaires ». Art délicat qui obéit selon Jean-Jacques COURTINE (2) à cinq principes :
- soustraire les mensonges à toute vérification possible,
- ne jamais outrepasser certaines bornes du vraisemblable (mais on peut aller toujours plus loin, jusqu’aux limites du fantastiques, voire du surnaturel…),
- faire varier les illusions à l’infini (une nouvelle illusion détourne l’attention et empêche de procéder à un examen critique d’une précédente illusion, la succession des illusions rend les croyances naturelles…)
- rationaliser la production des contrefaçons politiques en instituant une « société de menteurs », qui peut prendre la forme de « groupe de menteurs », voire de « secte de menteurs »,
- contrôler de près chacun des menteurs qui doivent tous, dire toujours la même chose, de façon invariable… et avec la plus grande conviction.
LA LOIS DU MENTIR-VRAI
Les lois du « mentir-vrai » sont une question qui traverse la réflexion politique depuis La République de PLATON et Le Prince de MACHIAVEL. La question centrale demeure celle-ci : Faut-il cacher la vérité au peuple pour son bien ou le tromper pour son salut ? Dans chacun des cas, la vérité est battue.
LES TROIS CONTREFAÇONS POLITIQUES
Il existe une typologie qui comprend trois contrefaçons politiques :
- le mensonge de calomnie, qui cherche à diminuer les mérites d’une personne publique,
- le mensonge d’addition qui cherche à les augmenter de façon excessive, disproportionnée, hors de propos…
- le mensonge de translation qui essaie de transférer un mensonge d’une personne à une autre.
L’art du mensonge est l’art complexe du glissement, du détournement, de la manipulation. Il occupe un «juste milieu», usant d’une technique subtile de dosage : les mensonges politiques sont toujours fabriqués avec des faits partiellement vrais, incomplets, utilisés hors contexte. C’est pourquoi ils parviennent à tromper si facilement.
RÉFÉRENCES
1. SWIFT Jonathan, L’Art du mensonge politique, Jérôme Millon éditeur, 1993, p. Le texte a été publié en 1733.
2. COURTINE Jean Jacques, « Le mentir vrai », Préface à L’Art du mensonge politique de Jonathan SWIFT, Jérôme Millon éditeur, 1993. Jean-Jacques COURTINE est professeur d’anthropologie à la Sorbonne-Paris III.
La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°51, lundi 5 août 2013
Mention du présent article : http//www.savigny-avenir.info/ISSN 2261-1819
BNF. Dépôt légal du numérique, 2013