Une candidate peut-elle distribuer un tract signé et financé par une personne morale ?
DÉCODAGE
CONTEXTE. Lors des campagnes électorales, la loi interdit tout don ou avantage, direct ou indirect, d’une personne morale au profit des candidats.
ENJEUX. Que se passe-t-il si une personne morale (une association de fait, en l’occurrence) édite un tract pour dénigrer une candidate et pour appeler à voter pour une autre candidate ?
UN TRACT DISTRIBUÉ
L’AVANT-VEILLE DU SCRUTIN
Françoise BRIAND, députée sortante de la 7e circonscription de l’Essonne (de 2008 à 2012), a été candidate aux élections législatives des 10 juin 2012 (1er tour) et 17 juin 2012 (2e tour).
Le vendredi 8 juin 2012, l’avant-veille du premier tour des élections législatives, un tract est distribué dans les boîtes à lettres des habitants de la commune de Savigny-sur-Orge. Son contenu est explicite : « Que faut-il encore attendre du maire de Savigny, Laurence Spicher-Bernier ? (…) Au contraire, notre députée Françoise Briand peut se prévaloir d’une action de terrain efficace pour Savigny-sur-Orge (…). Il se termine de la façon suivante : « Pour toutes ces raisons, le groupe Le Bon sens pour Savigny apporte sans hésitation son soutien à notre députée de la 7e circonscription Françoise Briand pour un nouveau mandat ». (1)
AUCUNE SIGNATURE ?
Bizarre…
Ce tract n’est pas signé par des personnes physiques. À sa lecture, on constate qu’il émane d’une personne morale : « Le bons sens pour Savigny », nom d’un groupe d’élus minoritaires de la commune. Il a été rédigé notamment par Éric MEHLHORN (alors adjoint au maire de Savigny-sur-Orge, conseiller général) et Samuel BAROUKH (conseiller municipal de Savigny-sur-Orge), remplaçant de Françoise BRIAND et directeur de sa campagne des législatives. Françoise BRIAND était bien évidemment au courant de sa conception, de sa rédaction, de son impression et de sa distribution.
DISTRIBUTION
La distribution du tract a eu lieu en même temps, et par les mêmes personnes, que la distribution du tract officiel de Françoise BRIAND. Les habitants de Savigny-sur-Orge ont trouvé le tract du Bon sens pour Savigny, « Une candidature de dérision ou une candidature de raison ? », plié en deux et inséré avec le tract « Votre quotidien est ma priorité. Votre députée Françoise BRIAND, candidate aux élections législatives des 10 et 17 juin 2012 » (2). Ni Françoise BRIAND, ni Samuel BAROUKH, suppléant et directeur de campagne, ne peuvent prétendre ne pas avoir été au courant.
LA MAIRE (ex-UMP) ACCUSE LA DÉPUTÉE (UMP)
Cette situation n’a pas échappé à une autre candidate aux élections législatives, Laurence SPICHER-BERNIER. Sur son site internet de campagne (www.laurencespicherbernier.fr), celle-ci fait état à deux reprises de ce tract ainsi que des précédents. Elle écrit ainsi :
« Pour autant, je n’oublie pas les attaques personnelles, calomnieuses et diffamatoires, véhiculées par voie d’affichage ou de tract au cours de la campagne par des soutiens que la candidate Françoise Briand a cautionnés par son silence. » (3)
« Belle promesse et vœu pieux de celle qui fait diffuser avec sa propagande, par le groupuscule « Le bon sens pour Savigny », un tract diffamatoire et insultant à mon égard, et aux propos condamnables. La députée sortante ne respecte pas ainsi les articles L 48-29 (sic) du Code électoral. » (4)
LES CANDIDATS N’ONT PAS LE DROIT
DE SE SERVIR DE PERSONNES MORALES
Il est utile de rappeler que la loi interdit les dons et les avantages des personnes morales aux candidat.
La loi du 15 janvier 1990 interdit « tout don ou avantage directe ou indirect d’une personne morale de droit public au profit de candidats aux élections ». Le législateur a souhaité mettre un terme à l’utilisation des moyens des collectivités locales au profit d’élus en place.
La loi du 19 janvier 1995 étend cette interdiction « à toutes les personnes morales de droit privé ». Le législateur a visé cette fois les aides dont certains candidats bénéficient de la part d’entreprises et d’associations.
RISQUE ET RESPONSABILITÉ
Il est établi que ce tract a été conçu, rédigé, imprimé et distribué à l’initiative de personnes physiques, Éric MEHLHORN et de Samuel BAROUKH, au profit de Françoise BRIAND, sous couvert de la personne morale « Le Bon sens pour Savigny ».
A ce titre, son coût doit entrer dans les comptes de campagne de Françoise BRIAND. Ses instigateurs ont pris un risque. A eux d’en assumer, avec responsabilité, les conséquences.
RÉFÉRENCES
1. LE BON SENS POUR SAVIGNY, « Une candidature de dérision ou une candidature de raison ? », A4, juin 2012, 1 p. recto.
2. BRIAND Françoise, « Votre quotidien est ma priorité. Votre députée Françoise BRIAND, candidate aux élections législatives des 10 et 17 juin 2012 », A4, recto verso, 1 p.
3. SPICHER-BERNIER Laurence, « Communiqué de presse. Laurence Spicher-Bernier remercie les électeurs de leur confiance », www.laurencespicherbernier.fr, 14 juin 2012).
Cet article, qui a été en ligne en juin et juillet 2012 sur le site de campagne de Laurence Spicher-Bernier, n’est plus en ligne présentement. Heureusement, des sauvegardes et des impressions sur papier en gardent la trace.
4. SPICHER-BERNIER Laurence, « Mme. Briand se plaint dans Le Parisien de lundi d’une campagne violente », www.laurencespicherbernier.fr, 4 juin 2012.
Cet article, qui a été en ligne en juin et juillet 2012 sur le site de campagne de Laurence Spicher-Bernier, n’est plus en ligne présentement. Heureusement, des sauvegardes et des impressions sur papier en gardent la trace.