Est-il politiquement légitime qu’un pouvoir refuse la concertation à une association légitime ?
DÉCODAGE
CONTEXTE. Les pouvoirs en place ont tendance à refuser le droit d’intervention des partenaires associatifs à des processus de concertation locaux. Ils ont recours pour cela à diverses catégories d’arguments (remise en cause de compétence, reproche de parti pris, attaque personnelle…). C’est ainsi que l’on voit des maires contester la compétence d’associations pourtant agréées (en application du Code de l’urbanisme, du Code de l’environnement…) pour participer – comme les textes le prescrivent – aux concertations (par exemple du Plan local d urbanisme, le PLU).
ENJEUX. Comment une association peut-elle justifier sa démarche citoyenne, ainsi que sa nécessaire intégration, au processus de concertation – légal – qui en découle ? Quels critères objectifs peuvent permettent d’établir sa légitimité comme « partie prenante » – qui est incontournable – en matière d’urbanisme et de projet territorial ?
LES 3 CRITÈRES QUALIFIANT UNE PARTIE PRENANTE
Ronald K. MITCHELL, professeur d’entrepreunariat au Rawls College of Business de l’Université de Texas Tech (États,-Unis), a proposé en 1997 de classer les « stakeholders », ou parties prenantes, dans un processus de participation ou de concertation en fonction de trois critères : le pouvoir, la légitimité, l’urgence.
- 1. Le pouvoir est la capacité (exprimée ou potentielle) d’un acteur à imposer sa volonté aux autres.
- 2. La légitimité est l’appréciation par les autres acteurs, que l’action du premier acteur est désirable, convenable ou appropriée en fonction des systèmes de normes, valeurs, croyances et définitions socialement construits.
- 3. L’urgence est le sentiment, par l’acteur lui-même, que sa propre demande est urgente ou importante.
LES 8 CATÉGORIES DE PARTIES PRENANTES
Les trois critères (le pouvoir, la légitimité, l’urgence) permettent de classer les parties prenantes en huit catégories.
I. Ceux qui ont les trois attributs (possédant le pouvoir, la légitimité, l’urgence) sont qualifiés de « definitive stakeholders » » et doivent absolument être inclus dans la concertation.
II. Ceux qui ont deux attributs (expectant stakeholders) :
- les dépendants (possédant l’urgence et la légitimité),
- les dangereux (possédant le pouvoir et l’urgence),
- les dominants (possédant le pouvoir et la légitimité).
III. Ceux qui ont un seul attribut :
- les dormants (le pouvoir),
- les discrétionnaires (la légitimité),
- les demandeurs (l’urgence).
III. Ceux qui n’ont aucun attribut (ni pouvoir, ni légitimité, ni urgence). Ils sont qualifiés de « non-stakeholders » et ne peuvent ne pas être inclus dans la concertation.
LA GRILLE DE MITCHELL
- 1. Pouvoir + légitimité + urgence : « Definitive stakeholders ». Ils doivent absolument être inclus dans la concertation.
- 2. Urgence + légitimité (Expectant stakeholders) : les dépendants.
- 3. Pouvoir + urgence (Expectant stakeholders) : les dangereux.
- 4. Pouvoir + légitimité (Expectant stakeholders) : les dominants.
- 5. Pouvoir : les dormants.
- 6. Légitimité : les discrétionnaires.
- 7. Urgence : les demandeurs.
- 8. Ni pouvoir, ni légitimité, ni urgence : « non-stakeholders ».
RÉFÉRENCES
SIRVENTE Audrey, « La construction du consensus : mieux s’entendre pour mieux se faire entendre », Mémoire INA P-G, Cemagref sous la direction de Catherine Macombe, 2005.
FRIEDMAN M.T., MASON, D.S. (2004), « A Stakeholder Approach to Understanding Economic Development Decision Making, Public Subsidies for professional Sport Facilities », Economic Development Quaterly 4 (3) : p.236-254.
MITCHELL R.K., AGLE B.R., WOOD D.J. (1997), « Toward a theory of stakeholder identification and salience : Defining the Principle of Who or What Really Counts », Academy of Management Review, 22(4) : p.853-886.
MITCHELL R.K., AGLE B.A (1997). Stakeholder identification and salience : Dialogue and operationalization, International Association for Business and Society, 1997, Proceedings : p.365-370, Destin Florida, March, 1997.