DÉCODAGE
CONTEXTE. L’organisation par le Parti socialiste, les dimanches 9 et 16 octobre 2011, de primaires pour désigner son candidat à l’élection présidentielle de 2012, constitue un évènement majeur de la vie politique française.
ENJEUX. Tous les partis politiques sont amenés à se déterminer à l’égard de ce processus. Comment penser les avantages et les inconvénients de cette démarche ?
UN NOUVEAU CORPS ÉLECTORAL « ÉLASTIQUE » ?
Gérard-David DESRAMEAUX (1) considère que le recours aux primaires organisées par le Parti socialiste (dimanches 9 et 16 octobre 2011) – ainsi que toute autre primaire citoyenne – ne constitue pas une avancée démocratique souhaitable. Il ne conteste pas « la qualité des débats, qui ont été dans l’ensemble d’un bon niveau, ni la qualité des candidats, même si certains d’entre eux ont à l’évidence plus le profil présidentiel que d’autres. »
Il s’étonne qu’un parti politique qui est :
- porteur d’un projet politique,
- doté d’un corpus idéologique,
- héritier d’une histoire, d’une tradition, d’un passé,
- qui aspire à un avenir prometteur,
confie le choix de son candidat à l’élection suprême dans notre pays « à un collège électoral extérieur, aux frontières imprécises et à la composition pour le moins incertaine et aléatoire, puisque par définition élastique. »
UN NON-SENS
Pour lui, il y a là une dérive grave pouvant déboucher, le cas échéant, un jour ou l’autre sur des situations difficilement maîtrisables : « l’instauration de primaires ouvertes par des partis politiques français, c’est-à-dire dans le cadre d’un multipartisme composé de partis fortement imprégnés d’idéologie, est un non sens.»
UN NOUVEL ÉLECTEUR :
LE « SYMPATHISANT » POLITIQUE
Il rappelle que la France n’est pas les États-Unis, pays dans lequel des primaires – ouvertes ou fermées – se déroulent dans un cadre bi-partisan, avec des formations moins marquées par l’idéologie que les nôtres. « Il appartient à un parti politique responsable d’instaurer en son sein des procédures susceptibles de faire émerger des talents et de sélectionner ses candidats, et notamment celui concernant la fonction suprême du pays, sans s’en remettre à de vagues et hypothétiques sympathisants aux profils mal définis. »
DES INTERROGATIONS QUI DEMEURENT
Un certain nombre d’interrogations demeurent :
- le secret du vote (Est-il transgressé ? La question est complexe),
- la « sondocratie » et le rôle des faiseurs d’opinion,
- le déphasage entre le temps des primaires et celui de l’élection présidentielle.
LE DÉSIR POLITIQUE CHANGE-T-IL EN SIX MOIS ?
« Choisir un candidat six mois à l’avance, n’est-ce pas prendre le risque d’une déconnexion entre un instant T (l’élection présidentielle) et un instant T-6 (la primaire) ? Le candidat – ou la candidate choisi(e) – à T-6 est-il bien celui (ou celle) que l’on souhaite à l’instant T ?
Dans le cas où un candidat vainqueur à l’issue d’une primaire, déconnectée du temps de l’élection présidentielle, serait empêché en raison de la survenue postérieurement à cette désignation de faits ou d’évènements imprévisibles, tels ceux par exemple d’un certain 14 mai 2011 (2) ? Faudrait-il, par exemple, reprendre la procédure depuis le début ?»
TROIS TOURS POUR LES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES ?
Gérard-François DESRAMEAUX a formulé une proposition : celle de l’instauration d’un troisième tour à l’élection présidentielle qui permettrait une primaire généralisée, ouverte à l’ensemble du corps électoral. Cette primaire se ferait lors d’un premier tour, ouvert à tous les candidats – investis ou non par leur parti – et disposant des parrainages selon une règle à définir, différente de la règle actuelle (dont le seul but est d’éliminer les candidatures indésirables). A ce sujet, le système du parrainage des 500 signatures est scandaleusement discriminatoire à l’égard des « petits candidats », dont la candidature est légitime au regard de la démocratie.
« A la différence de ce qui se fait aujourd’hui, les candidats ayant obtenu à l’issue du premier tour (5% ou 10% des voix) auraient le droit de se maintenir. Si aucun d’entre eux n’obtenait la majorité absolue des voix, les deux arrivés en tête resteraient seuls en compétition lors d’un troisième tour. »
Un tel système aurait le double avantage :
- d’ouvrir davantage le jeu démocratique et d’éviter que ne se reproduise le syndrome du 21 avril 2002,
- d’empêcher les « appels pathétiques » au vote utile, qui restreint le choix des électeurs (et qui nuit ainsi au pluralisme politique).
AMENDER LA CONSTITUTION DE LA Ve RÉPUBLIQUE
L’élection présidentielle comportait deux tours. Elle comporte aujourd’hui – pour l’un des deux partis politiques les plus importants – quatre tours. La question des « primaires » se pose pour tous les partis politiques.
Tous les partis politiques doivent réfléchir à de nouvelles règles de nature à rendre la vie politique plus consensuelle. Il faut amender la constitution de la Ve République.
Bernard MÉRIGOT
RÉFÉRENCES
1. DESRAMEAUX Gérard-David, « Du principe des primaires à l’instauration d’un troisième tour à l’élection présidentielle», La Lettre éthique, civisme et politique, 9 octobre 2011.
Gérard-David DESRAMEAUX est politologue, haut fonctionnaire, président fondateur en 1998 du Rassemblement civique pour l’Europe (RCE) et Directeur de la Lettre éthique civique et politique (ECP). Il est l’auteur de plusieurs livres parmi lesquels :
DESRAMEAUX Gérard-David, Né d’une pierre jetée dans l’eau calme, Fernand Lanore, 2004. ISBN : 9782851572400.
DESRAMEAUX Gérard-David, Lettre postume à François Mitterrand, Fernand Lanore, 2005, ISBN : 9782851572752.
DESRAMEAUX Gérard-David, Pour une Europe puissance dans un monde plus ordonné , Fernand Lanore, 2005. ISBN : 9782851572592.
DESRAMEAUX Gérard-David, Esquisse d’une démocratie nouvelle. Pour une Éthique en politique, Fernand Lanore, 2005, ISBN : 9782851573537.
2. 14 mai 2011 : affaire Dominique STRAUSS-KAHN.