La professionnalisation du personnel politique est un mouvement historique dont on peut fixer le début en France (pour ses effets modernes) sous la IIIe République (1870) avec l’indemnisation des parlementaires.
DÉMOCRATISATION, INDÉPENDANCE, CORRUPTION
Les mesures de professionnalisation de la fin du XIXe siècle ont eu pour effet d’amener une démocratisation du personnel politique, puisque qu’auparavant, seuls les individus issus des classes aisées – les notables – pouvaient y avoir accès. Cela a donné au personnel politique une indépendance relative, et par conséquent, a amené une baisse de la des pratiques répréhensibles (corruption). En revanche d’autres dépendances sont apparues, d’autres intérêts sont venus fausser la libre expression démocratique.
Deux auteurs, Joseph SCHUMPETER et Daniel GAXIE, ont critiqué les effets néfastes de la professionnalisation sur la vie politique.
ÉLECTEUR / ÉLU
=
CONSOMMATEUR / PRODUCTEUR ?
Pour Joseph SCHUMPETER, la professionnalisation du personnel a transposé la logique économique producteur/consommateur au niveau politique :
- les électeurs deviennent des consommateurs de politique,
- les hommes politiques deviennent des producteurs de politique.
Cela a pour conséquence, comme en économie, d’amener une adaptation du producteur politique à la demande politique. En d’autres termes : le personnel politique a tendance à privilégier la prise de décisions propre à satisfaire son électorat. (Peut-on accepter cette idée qu’un électorat soit un objet de possession ?). L’électorat, peu à peu se segmente, ses composantes deviennent captives d’avantages acquis et d’avantages promis. Les élus et les électeurs sont de plus en plus conditionnés par ces relations catégorielles.
UNE INSTRUMENTALISATION DU POUVOIR POLITIQUE ?
Pour Daniel GAXIE, la professionnalisation de l’exercice du pouvoir politique le constitue comme une source de revenu. Dans le cas ou des femmes politiques ou des hommes politiques seraient tenter de faire passer les intérêts de leur carrière (communication, cumul des mandats, publicité personnelle, réélection…), avant les intérêts de la nation, on serait en présence d’une « instrumentalisation du pouvoir politique ».
Les travaux de Daniel GAXIE sur la sociologie du vote abordent notamment :
- « l’auto-exclusion » des profanes en politique. Un profane (le mot signifie « hors du temple ») est celui qui n’est pas initié à un art, à une science, à une technique, à un mode de vie. Ceux qui appartiennent à la « société civile » sont des profanes de la politique.
- « le cens caché ». Le cens, on le sait, est le terme qui désignait le montant de l’imposition qui était nécessaire pour être électeur ou éligible.
La politique est devenue un métier. Elle est pratiquée dans le cadre d’un marché concurrentiel. Il faut se méfier du fait qu’au lieu de rassembler, elle élimine, pratiquant de fait, et même en s’en gardant – une forme d’exclusion. Comment corriger cet effet néfaste ?
RÉFÉRENCES
SCHUMPETER Joseph, Capitalisme, socialisme et démocratie (Capitalism, Socialism, and Democracy), 1942.
GAXIE Daniel, La Démocratie représentative, Montchrestien, 2003, 4e édition, ISBN 978-2-7076-1372-1
GAXIE Daniel, Luttes d’institutions: enjeux et contradictions de l’administration territoriale, L’Harmattan, 2000, ISBN 978-2-7384-5892-6
GAXIE Daniel, Explication du vote, Presses de Sciences Po, 1989, 2e édition,ISBN 978-2-7246-0566-2
GAXIE Daniel, Le cens caché, Seuil, 1978, ISBN 978-2-02-004941-2
Daniel GAXIE est professeur de Sciences politique à l’Université de Picardie, puis à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Président du jury de l’agrégation de sciences politiques en 2008-2009.